Péricardite et myocardite après vaccination Covid : les hypothèses avancées

08/02/2023 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Cardio-vasculaire HTA Infectiologie
L’étude EPI-Phare, menée entre le 12 mai et le 31 octobre 2021, confirme et mesure l’amplitude d’un risque accru de myocardite et de péricardite dans la semaine suivant la vaccination contre le Covid-19 par les vaccins à ARNm. Les mécanismes avancés aujourd’hui pourraient être d’ordre immunitaire. 

 

"Si on devait dresser le portrait-robot du patient qui va faire une péricardite ou myocardite post-vaccinale, il s’agirait d’un homme entre 12 et 29 ans, dans les 7 jours suivant la seconde dose de vaccin à ARNm, avec un surrisque pour le Moderna", a détaillé le Dr Antonin Trimaille, cardiologue au CHU de Strasbourg. Dans la plupart des cas rapportés, les patients se plaignent d’une douleur thoracique. Un épanchement péricardique est retrouvé ainsi que des anomalies à l’ECG. Une méta-analyse(1) sur les données IRM post-vaccinale a permis de tirer des enseignements sur le rehaussement tardif qui est le plus souvent situé au niveau des parois inféro-latérales et inférieures du myocarde auquel s’associe un épanchement myocardique dans un peu plus de 13% des cas.  

Par ailleurs, le pronostic de ces patients est très bon. A court terme, la médiane de durée d’hospitalisation est de 3 à 4 jours et le taux de décès et de transfert en réanimation est extrêmement faible, voire exceptionnel, tout comme le recours au drainage péricardique. A moyen terme, une étude(2) publiée sur des adolescents et jeunes adultes avec une myocardite post-vaccinale, démontre que ces derniers retrouvent, après 90 jours de suivi, un retour à l’état basal en ce qui concerne les scores de qualité de vie, les symptômes et examens paracliniques dans plus de 90% des cas. "Nous restons en attente des suivis à plus long terme notamment pour évaluer les risques de récidive de myocardite chez ces patients", a ajouté le cardiologue.  

Même si la physiopathologie de ces évènements post-vaccinaux n’est pas encore clairement identifiée aujourd’hui, "on a eu des preuves anatomo-pathologiques de l’existence de réelles lésions des cardiomyocytes et la présence d’œdème myocardique. Une infiltration myocardique en éosinophiles est aussi observée", a expliqué le Dr Trimaille. Quelles sont les hypothèses avancées ?  

Il pourrait s’agir d’une dysrégulation du système immunitaire suite à la vaccination. Et ce, en particulier chez les individus prédisposés. Cette hypothèse pourrait expliquer en partie la différence d’incidence de cet évènement entre...

les hommes et les femmes du fait notamment des différences hormonales, et en particulier de la testostérone. "Il y a des réponses immunitaires plus ou moins agressives notamment pour ce qui est des lymphocytes T Helper de type 1", a expliqué le Dr Trimaille.  

Ce phénomène pourrait aussi être lié à un mimétisme moléculaire. Ainsi, "dès 2020, dans le cadre de l’infection au Covid-19, on a observé des réactions entre des anticorps anti-protéine du SarsCov-2 (notamment la protéine Spike et la nucléoprotéine) et des antigènes humains. On peut donc imaginer que la vaccination déclenche une immunisation contre des antigènes humains et notamment l’alpha-myosine à l’origine des lésions de myocardite", a ajouté le Dr Trimaille.  

 

"L’hypothèse Spike"

Les vaccins à ARNm correspondent à des nanoparticules lipidiques renfermant de l’ARNm qui va être libéré dans la cellule et traduit en protéine au niveau du réticulum endoplasmique avec synthèse d’une protéine Spike. Il peut arriver que cette protéine circule dans le sang dès le jour de l'injection et se répande dans le corps. Une large gamme d'interactions entre cette Spike et les récepteurs ACE2 tapissant notamment les vaisseaux sanguins devient alors probable. Mais en se liant avec ACE2, la Spike entrave le rôle habituel de ce récepteur, maillon important du système rénine angiotensine (SRA), un système de régulation essentiel à notre organisme exerçant, par ailleurs, des effets anti-inflammatoires et anti-fibrotiques. Or une perte prolongée ou une activité réduite de l'ACE2 peut entraîner une déstabilisation importante du SRA susceptible de provoquer de multiples troubles chez des personnes sans doute déjà fragilisées, en exerçant des "effets délétères pro-inflammatoires, pro-fibrotiques et vasoconstricteurs sur les tissus profonds comme le myocarde. D'où l'idée que les rares événements indésirables consécutifs à la vaccination covid puissent être liées à la nature et au profil de liaison d'une protéine spike circulant de manière systémique", a expliqué le cardiologue. Une étude publiée dans Circulation(3) comparant le profil immunologique de cas de myocardites post-vaccinales avec des cas contrôles vaccinés mais sans développer de myocardites, a montré des taux importants de protéine Spike circulante, donnant des arguments pour cette hypothèse.  

Quoi qu’il en soit, la vaccination anti-SarsCov2 ne doit pas être remise en question, et ce quelle que soit la classe d’âge. La balance bénéfice risque penchant clairement en faveur de la vaccination, y compris pour les plus jeunes. En conclusion, le Dr Trimaille a tenu a rappelé "qu’une autre dose de vaccin à ARNm était contre-indiquée pour les patients ayant développés une myocardite ou péricardite post-vaccinale, mais que ces derniers restaient tout à fait éligibles pour une autre dose de vaccin d’un autre type".  

 

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