On sait que ces sécrétions excessives de cortisol sont dues au fait que le récepteur du GIP (qui ne s’exprime pas habituellement dans les surrénales) y est, dans cette maladie, anormalement exprimé, ce qui rend la surrénale sensible au GIP, qui lui est normalement secrété par le tube digestif au moment des repas. La raison pour laquelle ce récepteur du GIP est exprimé de manière aberrante dans les surrénales était jusqu’à maintenant inconnue. Toutefois, la nature bilatérale de cette maladie suggérait une prédisposition génétique germinale. L’équipe d’endocrinologie de Bicêtre et son unité INSERM 1185, en collaboration avec l’équipe d’André Lacroix, à Montréal qui, le premier, avait il y a 30 ans décrit cette maladie et le rôle du GIP, a cherché à identifier l'événement moteur génétique responsable de ce syndrome de Cushing. Pour cela, des cas suivis dans différents hôpitaux en France, au Canada, en Italie, en Grèce, en Belgique et aux Pays-Bas ont été réunis et des échantillons de sang et de surrénales de patients ayant subi une surrénalectomie unilatérale ou bilatérale pour hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale primaire dépendante du GIP avec syndrome de Cushing ont été collectés. Des échantillons de surrénales provenant de patients atteints d'hyperplasie surrénale macronodulaire bilatérale primaire qui avaient subi une surrénalectomie pour un syndrome de Cushing manifeste ou léger sans preuve de production de cortisol dépendante de l'alimentation et ceux présentant des adénomes corticosurrénaliens unilatéraux dépendants de GIP ont été utilisés comme témoins. Un séquençage nouvelle génération du génome entier, de l'exome entier et ciblé, ainsi que des analyses du nombre de copies du sang et de l'ADN surrénalien de patients atteints d'une maladie familiale ou sporadique ont été réalisés, ainsi qu’un séquençage d'ARN sur des échantillons de surrénale et des analyses fonctionnelles du défaut génétique identifié dans la lignée cellulaire corticosurrénale humaine H295R. L’étude a porté sur 17 patients atteints d'hyperplasie surrénale macronodulaire bilatérale primaire GIP-dépendante avec syndrome de Cushing. L'âge médian des patients était de 43,3 ans (IC 95 % 38,8–47,8) et la plupart des patients (88 %) étaient des femmes. L’étude a permis d’identifier des variants pathogènes hétérozygotes de la lignée germinale pathogènes ou très probablement pathogènes dans le gène KDM1A (qui code pour une histone déméthylase, jouant un rôle dans la méthylation, associée avec la répression ou l’activation de la transcription) chez les 17 patients. De plus, une délétion récurrente dans le bras p court du chromosome 1 hébergeant le locus KDM1A a été mis en évidence dans les lésions des surrénales de ces patients. Aucun des 29 patients des groupes témoins n'avait d'altérations germinales ou somatiques de KDM1A. L'inactivation génétique concomitante des deux allèles KDM1A entraîne une perte d'expression de KDM1A dans les lésions surrénaliennes. L'analyse globale de l'expression génique a montré une régulation positive du récepteur du GIP (X par 7,99; IC 95 % 7,34-8,66 ; p=4,4×10-125) et une régulation différentielle de plusieurs autres récepteurs couplés aux protéines G dans des échantillons d'hyperplasie macronodulaire bilatérale primaire GIP-dépendante par rapport aux échantillons témoins. L'inhibition pharmacologique in vitro et l'inactivation de KDM1A par l'édition du génome CRISPR-Cas9 ont entraîné une augmentation des transcrits du récepteur GIP et de la protéine dans les cellules H295R corticosurrénales humaines. L'hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale primaire GIP-dépendante avec syndrome de Cushing résulte donc d'une inactivation de KDM1A sur les deux allèles (modèle de Knudson), compatible avec le modèle de gène suppresseur de tumeur de la tumorigenèse (une mutation germinale sur un allèle qui ne s’accompagne pas d’expression anormale de GIP tant que le second allèle n’est pas non plus lui-aussi muté ou délété par un événement génétique survenant en somatique, au sein de la surrénale).
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