Traitement hormonal de la ménopause et cancer du sein : les enseignements du suivi des essais randomisés de la WHI Study

07/09/2020 Par Pr Philippe Chanson
Cancérologie
Le rôle du traitement hormonal de la ménopause sur le développement du cancer du sein reste très controversé dans la mesure où les données issues des études d’observation sont différentes de celles provenant des essais prospectifs randomisés.
 

Dans le JAMA est publiée une étude dont l’objectif était d’évaluer l’association entre un traitement préalable par l’association estrogènes et progestatifs ou par estrogènes seuls dans le cadre de la WHI Study (Women’s Health Initiative) avec l’incidence et la mortalité par cancer du sein. Cette étude était une étude de suivi à long terme des deux essais contrôlés, randomisés, de la WHI qui ont impliqué 27 347 femmes ménopausées âgées de 50 à 79 ans qui n’avaient pas de cancer du sein au début du suivi et dont la mammographie basale de dépistage était négative. Les femmes avaient été incluses dans 40 centres américains entre 1993 et 1998 et le suivi a été poursuivi jusqu’à la fin 2017. Dans l’essai impliquant 16 608 femmes ayant un utérus, 8 506 ont été randomisées pour recevoir soit des estrogènes conjugués équins (ECE) à la dose de 0.625 mg/jour + 2.5 mg/jour de d’acétate de médroxyprogestérone (MPA) et 8 102 ont reçu du placebo. Dans l’essai clinique qui impliquait 10 739 femmes ayant eu une hystérectomie préalable, 5 310 ont été randomisées pour recevoir les ECE à la dose de 0.625 mg/jour seuls et 5 429 du placebo. L’essai ECE + MPA a été arrêté en 2002 après un suivi médian de 5.6 années et l’essai ECE seuls a été arrêté en 2004 après 7.2 années de suivi. Parmi les 27 347 femmes ménopausées qui ont été randomisées dans les 2 études (d’âge moyen 63.4 ± 7.2 ans), après plus de 20 ans de suivi cumulé médian, les informations sur la mortalité étaient disponibles pour plus de 98 % des femmes. Le traitement préalable, dans le cadre de l’étude WHI, par estrogènes seuls en comparaison du placebo, sur les 10 739 femmes ayant eu une hystérectomie préalable, était associé dans ce suivi à long terme à une moindre incidence de cancer du sein, statistiquement significative, avec 238 cas (taux annualisé = 0.30 %) vs 296 cas (taux annualisé = 0.37 %) en comparaison de celles ayant eu un placebo. Le hazard ratio est de 0.78 (IC 95 % = 0.65 à 0.93 ; p = 0.005). Les estrogènes sont aussi associés à une réduction de la mortalité par cancer du sein, statistiquement significative, avec 30 décès (taux de mortalité annualisé = 0.031 %) versus 46 décès (taux de mortalité annualisé = 0.046 % ; HR = 0.60 ; 0.37 à 0.97 ; p = 0.04). En revanche, le traitement préalable, dans le cadre de WHI, par estrogènes + progestatifs, parmi les 16 608 femmes qui avaient un utérus était associé, dans ce suivi au long cours, à une incidence significativement supérieure d’incidence du cancer du sein en comparaison du placebo, avec 584 cas (taux annualisé = 0.45 %) versus 447 cas (taux annualisé = 0.36 %), donnant un hazard ratio à 1.28 (1.13 – 1.45 ; p < 0.001) et pas de différence statistiquement significative en termes de mortalité par cancer du sein avec 71 décès (taux de mortalité annualisé = 0.045 %) versus 53 décès (mortalité annualisée = 0.035 % ; HR = 1.35 ; 0.94 – 1.95 ; p = 0.11). Dans cette étude de suivi à long terme des deux essais randomisés de la WHI, l’utilisation préalable d’estrogènes seuls en comparaison du placebo chez les femmes ayant eu une hystérectomie est associée de manière significative à une incidence inférieure de cancer du sein et à une mortalité, par cancer du sein, inférieure alors qu’une utilisation préalable dans le cadre de l’étude WHI, de l’association d’estrogènes équins et d’acétate de médroxyprogestérone,  en comparaison avec le placebo, chez les femmes qui avaient un utérus, était associée de manière significative à une incidence supérieure du cancer du sein mais pas de différence en termes de mortalité par cancer du sein.

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