Transmission maternelle de l’intolérance au glucose : le rôle du déficit de l’ovocyte en TET3 est bien précisé

08/06/2022 Par Pr Philippe Chanson
Endocrinologie-Métabolisme
L’hyperglycémie maternelle est à l’origine de problèmes à long terme chez les descendants et a un impact profond sur la santé publique. Des facteurs environnementaux maternels comme une exposition des cellules germinales ou in utero, la transmission de comportements, la composition du lait ou la reprogrammation de la santé et de la descendance à travers les générations par des phénomènes épigénétiques y jouent sans doute un rôle.

Si la transmission épigénétique chez les mammifères, via les gamètes, a été rapportée, le mécanisme de cette transmission épigénétique dépendante des cellules germinales chez la femelle est encore méconnu. Ceci a conduit une équipe chinoise à travailler sur l’effet d’une hyperglycémie pré-gestationnelle chez les mères dont les souriceaux deviennent plus vulnérables à l’intolérance au glucose. Ils ont pour cela réalisé une fécondation in vitro et un transfert d’embryons à des mères normales, à partir d’ovocytes exposés à l’hyperglycémie obtenus de souris traitées par la streptozotocine. La tolérance au glucose est moins bonne dans la première lignée et cela aussi bien chez les mâles que chez les femelles et cela dans les conditions basales ou après régime riche en graisses. La première génération de souriceaux nés de souris hyperglycémiques a donc un phénotype d’intolérance au glucose apparaissant d’ailleurs plus rapidement chez les mâles que chez les femelles. Pour analyser la persistance de cet effet transgénérationnel, les chercheurs ont généré des souris de 2ème génération en croisant les souris de la 1ère génération avec des souris témoins. Les souris de 2ème génération n’avaient pas d’intolérance au glucose, suggérant que l’effet de l’hyperglycémie pré-gestationnelle sur l’ovocyte touche seulement la 1ère lignée et ne persiste probablement pas à la génération suivante. En analysant les caractéristiques de l’insulinosécrétion et de l’insulinorésistance, ils ont ensuite mis en évidence qu’il s’agissait d’un défaut de l’insulinosécrétion dans la descendance. Pour identifier les potentiels modificateurs épigénétiques qui médient cette transmission dépendante des cellules germinales, ils ont réalisé un séquençage ARN sur les ovocytes des souris hyperglycémiques et ont constaté une réduction significative de TET3 d’environ 50 %, suggérant que TET3 était réduit dans les ovocytes en réponse à l’hyperglycémie maternelle, entraînant une déméthylation insuffisante de l’ADN zygotique. Cette déméthylation insuffisante par TET3 ovocytaire contribue à l’hyperméthylation des allèles paternels de plusieurs gènes d’insuffisance de sécrétion dont le gène de la glucokinase qui persiste depuis le stade zygotique jusqu’à l’âge adulte, favorisant l’altération de l’homéostasie glucidique du fait essentiellement d’un défaut de l’insulinosécrétion stimulée par le glucose. Afin de mieux préciser le rôle de TET3, ils ont généré des souris hétérozygotes et homozygotes délétées en TET3 dont les ovocytes ont servi à la génération de souriceaux qui ont également une intolérance au glucose et des anomalies épigénétiques similaires à celles des ovocytes provenant des souris hyperglycémiques. De plus, l’expression d’ARN messager TET3 exogène dans les ovocytes des souris hyperglycémiques améliore l’effet maternel chez la descendance. Ainsi, ces données suggèrent une fenêtre sensible à l’environnement dans le développement ovocytaire qui confère une prédisposition à l’intolérance au glucose dans la génération suivante via une insuffisance en TET3 plus que via une perturbation directe de l’épigénome ovocytaire. Tout ceci en tout cas, confirme qu’une intervention préconceptionnelle est indispensable chez les mères afin de protéger la santé de la descendance.

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