Cohorte

La France se dote d’une vaste cohorte sur l’infarctus du myocarde

La création d’une cohorte française de patients hospitalisés pour phase aiguë d’infarctus du myocarde va permettre de mieux connaître l’épidémiologie, les facteurs de risque ou encore les traitements prescrits. De nombreuses études ont été initiées ou sont en cours dans ce cadre.

14/02/2025 Par Muriel Pulicani
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Cohorte

«Les deux causes de mortalité les plus fréquentes dans le monde sont la maladie coronarienne et l’accident vasculaire cérébral (AVC), avec comme mécanisme sous-jacent l’athérothrombose», a rappelé le Pr Philippe Gabriel Steg, cardiologue à l’hôpital Bichat, vice-président du board chargé de la recherche de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, professeur de la chaire Innovation de l’Institut universitaire de France et directeur médical de la société d’intelligence artificielle Bioquantis. Cependant, si l’athérothrombose est largement déterminée par des facteurs de risque bien identifiés – hypertension, cholestérol, tabagisme, diabète… –, les troubles du sommeil ou la santé buccodentaire (inflammation chronique liée aux périodontites) pourraient avoir un impact. «Pour l’instant, ces cofacteurs, potentiellement indépendants des facteurs conventionnels, sont considérés comme émergents et, dans une certaine mesure, négligés», a pointé le Pr Steg.

Leur évaluation serait freinée par le modèle des essais cliniques randomisés qui a, selon le cardiologue, «atteint ses limites : patients sélectionnés et souvent recrutés séparément pour chaque essai portant sur une même pathologie, mise en place longue, fastidieuse sur le plan règlementaire et extraordinairement coûteuse»

 

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Approche «disruptive» de la recherche

Face à ces difficultés, des chercheurs suédois ont inventé un nouveau modèle, en créant un registre national des grandes pathologies cardiovasculaires, SwedeHeart. «Tous les sites du pays y participent, la collecte de données est standardisée, le suivi des patients est quasi automatique et exhaustif grâce aux bases de données nationales, et les essais sont nichés dans le registre», a décrit le Pr Steg. L’approche a montré sa pertinence : alors qu’un essai monocentrique néerlandais mené sur 1 000 patients avait suggéré un bénéfice majeur de la thrombo-aspiration dans la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, l’essai suédois Taste, niché dans la cohorte SwedeHeart, a permis de recruter 7 fois plus de patients et a conclu à une absence de bénéfice.

 

Plus de 19 000 patients

La France s’en est inspirée : le consortium académique et industriel iVasc (Innovation in Atherothrombosis Science) a mis en place la cohorte Frenchie, qui inclut plus de 19 000 patients admis dans les quarante-huit heures suivant l’apparition des symptômes d’un infarctus du myocarde, dans une des 35 unités de soins intensifs en cardiologie participantes. Cette cohorte prospective continue est reliée au Programme de médicalisation des systèmes d’information, au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), Inserm, et au Système national des données de santé, pour phénotyper la maladie et étudier le devenir des patients : événements, hospitalisations, procédures, médicaments… 

«Outre la description de l’épidémiologie, la prise en charge et le pronostic, Frenchie est aussi une plateforme pour réaliser des essais plus facilement, avec des coûts moindres et avec plus de représentativité, car les patients sont moins sélectionnés», a fait valoir le Pr Steg.

 

De premiers résultats intéressants

Plusieurs études ont pu être conduites dans ce cadre. Des travaux sur l’utilisation des antiagrégants plaquettaires dans les premières vingt-quatre heures chez 9 642 patients révèlent que 15,9% d’entre eux ont reçu un anti-GPIIb-IIIa, dont 23,8% de ceux avec sus-décalage du segment ST (Stemi) et 6,5% de ceux sans sus-décalage (NStemi). Par ailleurs, 15% des patients ont eu un changement de traitement entre la phase aiguë et la sortie de l’hôpital. L’étude AmiSleep, menée sur 1 751 sujets, a détecté un syndrome d’apnées du sommeil (SAS) au moins léger chez 83% d’entre eux, un SAS au moins modéré chez 52% et un SAS sévère chez 27%. Il s’agissait d’apnées centrales dans 52% des cas, obstructives dans 10% des cas, mixtes dans 11% des cas ou non catégorisées dans 26% des cas, selon les résultats préliminaires.

«La cohorte va se bonifier avec des suivis à un an, deux ans, dix ans, vingt ans... Mais dans un monde idéal, il faudrait arriver à passer d’une cohorte à un registre national», a conclu le Pr Steg, qui a annoncé «des collaborations avec la Suède, le Royaume-Uni ou l’Espagne pour des essais européens».

Références :

D’après la présentation du Pr Philippe Gabriel Steg (hôpital Bichat, AP-HP) lors de la session « Actualité sur les grandes études cliniques » aux Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC, Paris, du 15 au 17 janvier 2025)

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