Lait de vache, infections, "hypothèse hygiène"… aux origines (nombreuses) du diabète de type 1
Le DT1 ne cesse de progresser : en 2040, il pourrait affecter de 13,5 à 17,4 millions de personnes à travers le monde, soit de 60% à 107% de plus qu’en 2021(1). Or, le rythme auquel croît le nombre de nouveaux cas, à savoir l’incidence, augmente aussi. En Allemagne, l’incidence chez les enfants et adolescents est passée, entre 2002 et 2020, de 18,4 à 28,2 cas pour 100 000 personnes-années, soit une hausse annuelle de 2%.
Si les raisons de cette hausse restent à identifier, les hypothèses ne manquent pas quant aux facteurs déclencheurs du DT1. Parmi eux, le lait de vache : selon une méta-analyse de 2021, une consommation élevée durant l’enfance est liée à une hausse de 81% du risque de DT1(2). Présentée au congrès de l’EASD, une analyse portant sur des enfants finlandais à risque, inclus dans l’étude internationale TRIGR (pour Trial to Reduce IDDM in the Genetically at Risk), suggère que l’exposition au cours des six premiers mois de vie aurait au contraire un effet protecteur.
Exposés plus tardivement au lait de vache, les enfants allaités au sein au-delà de l’âge de six mois ont 18% plus de risques de DT1 s’ils consomment beaucoup de produits laitiers entre 18 mois et 10 ans. A l’inverse, le recours au lait maternisé semble avoir un léger effet protecteur. L’étude montre par ailleurs que les enfants ayant des anticorps de type IgG dirigés contre le lait de vache sont 43% plus susceptibles de développer ultérieurement un DT1.
Des entérovirus impliqués dans l’émergence du DT1 ?
Autre hypothèse en lice, celle de l’origine infectieuse. Selon une récente méta-analyse, les patients récemment diagnostiqués d’un DT1 ont 16,2 fois plus de risques de présenter une infection par un entérovirus(3). Dans une étude norvégienne, une combinaison de deux antiviraux (ribavirine, pleconaril), administrée pendant six mois, s’est avérée efficace pour préserver les cellules bêta du pancréas chez des enfants récemment diagnostiqués. Six mois après l’arrêt du traitement, le taux de C-peptide, marqueur de production d’insuline (et donc d’activité des cellules bêta), n’avait diminué que de 11% dans le groupe d’intervention, contre 24% dans le groupe contrôle.
Selon les auteurs, "d’autres études devront être menées à un stade plus précoce [par exemple au stade 2, celui du pré-DT1] pour évaluer si ce traitement permet de freiner les dommages occasionnés aux cellules bêta, à l’origine du DT1. Nos résultats suggèrent qu’une infection à bas bruit par un entérovirus pourrait être un facteur sous-jacent de la maladie, ce qui suggère l’intérêt d’une approche vaccinale".
Covid-19 et DT1 : l’effet booster du confinement
Autre objet de débat, le Covid-19, soupçonné de jouer un rôle dans le DT1. Dans plusieurs pays, un bond des diagnostics a été observé au début de la pandémie - avec une incidence en hausse de 14% au cours de la première année, selon une méta-analyse portant sur 20 pays(4). Le Sars-CoV-2 agit-il directement sur les cellules bêta, ou bien s’agit-il d’un effet plus général du Covid-19, via un mécanisme inflammatoire ? Faut-il au contraire y voir un effet indirect, lié au stress, à l’inactivité physique et/ou aux changements alimentaires qui ont accompagné le confinement ?
Selon des travaux présentés à l’EASD, le rôle direct semble écarté. En Allemagne, aucun lien significatif n’a été retrouvé entre le fait de contracter le Covid-19 et celui d’être diagnostiqué d’un DT1. Idem en Finlande, où seul 1,7% des enfants diagnostiqués pendant les 18 premiers mois de la pandémie avaient été infectés par le Sars-CoV-2.
Pour le Pr Mikael Knip, qui dirige le groupe de recherche sur le diabète pédiatrique à l’université d’Helsinki, la hausse du DT1 pourrait s’expliquer par la raréfaction d’autres maladies infectieuses, conséquence de la distanciation sociale : "la chute de la charge microbienne affecte le système immunitaire de telle manière que les enfants prédiabétiques progressent plus vite vers un DT1 déclaré." Une explication évocatrice de l’"hypothèse hygiène", selon laquelle une moindre exposition aux maladies infectieuses favoriserait la survenue de maladies auto-immunes et d’allergies.
Si le DT1 demeure, de loin, la forme la plus fréquente chez les jeunes diabétiques, le DT2 avance à grand pas. Entre 2002 et 2020, son incidence a connu une hausse annuelle de 4,9% (+2% pour le DT1), voire de 6,7% chez les 10-14 ans. Ces résultats pourraient s’expliquer par une fréquence accrue de surpoids et d’obésité chez les jeunes, mais pas seulement. Selon les auteurs de cette étude, "environ un enfant sur quatre atteints d’un DT2 ne présente pas d’obésité au diagnostic, ce qui indique que d’autres facteurs sont probablement en jeu. Il est possible qu’il existe divers sous-types de DT2 pédiatrique, comme chez l’adulte".
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