Ostéoporose : les arrêts de traitement, facteur de risque fracturaire
Dans l’ostéoporose post-ménopausique, les arrêts de traitement sont fréquents, voire souvent prématurés, révèle une étude française présentée au congrès 2024 de l'Eular. Et ce, alors que l’on observe une hausse du risque fracturaire, qui aurait pu être évitée par un maintien du traitement.
Chez les femmes traitées pour une ostéoporose post-ménopausique, l’arrêt du traitement peut être discuté en cas de faible risque fracturaire. A savoir, selon les recommandations du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (Grio), « après trois à cinq ans d’un traitement bien pris, en l’absence de fracture sous traitement, sans nouveau facteur de risque, et lorsque la densité minérale osseuse [DMO] a progressé », explique la Pre Karine Briot, du service de rhumatologie de l’hôpital Cochin (Paris), par ailleurs présidente du Grio. Une réévaluation de la DMO est recommandée après deux ans d’arrêt (1).
Or, selon une étude présentée par la rhumatologue, portant sur le Système national des données de santé (SNDS), ces recommandations semblent bien mal suivies. Premier constat, les arrêts de traitement s’avèrent très fréquents. Pour les bisphosphonates oraux, 55% des femmes connaissent un arrêt d’au moins un an après un traitement d’au moins trois ans. De même que 69% de celles sous bisphosphonate injectable, et 43% après deux ans de dénosumab - l’étude ne précisant pas si ces arrêts sont survenus à l’initiative du médecin ou de la patiente.
Après l’arrêt, la reprise d’un traitement est rare. Seules 12% de celles initialement sous bisphosphonates oraux renouent avec un anti-ostéoporotique, contre 17% de celles sous bisphosphonate injectable et 23% de celles sous dénosumab. « 23% c’est très faible, on devrait être à 100% ! », estime Karine Briot. Dans ses recommandations, le Grio préconise en effet, après arrêt du dénosumab, de le relayer par un traitement aux bisphosphonates de 6 à 12 mois, en raison d’un effet rebond sur la perte osseuse et le risque fracturaire.
Un risque fracturaire accru après arrêt
Selon l’étude, ces arrêts favorisent le risque fracturaire. Tous sites confondus, il est accru de 12,4% chez les femmes ayant mis fin à un traitement par bisphosphonate oral, voire de 92,3% pour le dénosumab. La hausse du risque fracturaire n’est en revanche pas significatif pour les arrêts de traitement par bisphosphonate injectable, peut-être en raison d’une durée de suivi limitée et d’une forte imprégnation osseuse de ces produits.
« Quand on veut arrêter un traitement, il faut que les conditions du faible risque de fracture soient réunies. Parfois, des médecins mettent fin au traitement après trois ans, en pensant qu’on peut l’arrêter sans se poser de question. Or quand vous êtes face à une maladie, il faut continuer à la prendre en charge. Peut-être que vous ne l’avez pas assez fortement traitée, peut-être qu’il faut continuer plus longtemps », explique Karine Briot. Le Grio prévoit de réactualiser en 2025 ses recommandations de prise en charge de l’ostéoporose post-ménopausique, inchangées depuis 2018. Les experts comptent y mettre l’accent sur le faible risque fracturaire et sur les séquences thérapeutiques, notamment après arrêt du dénosumab.
L’efficacité démontrée des ‘filières fractures’
Chez les femmes ayant subi une fracture, il est fréquent qu’une autre survienne rapidement. Pour prévenir ces « refractures », les « Fracture Liaison Services » (FLS, dénommées ‘filières fractures’ en France) constituent un outil précieux de prévention secondaire, offrant à la patiente un suivi spécialisé, en lien avec son médecin traitant, afin d’améliorer sa santé osseuse et de diminuer son risque de chute.
Selon une étude menée au centre médical VieCuri de Venlo (Pays-Bas), la mise en place d’une filière fracture a entraîné une baisse de 33% du risque de fracture majeure au cours de la première année, ainsi qu’une baisse de mortalité de 16% à trois ans (2). Selon Karine Briot, « ces parcours de soins coordonnés, le plus souvent par une infirmière, permettent d’amener les patientes qui ont fait une fracture récente, qu’elles soient en orthopédie ou aux urgences, au dépistage de l’ostéoporose, à la mise en route d’un traitement et à la prévention des chutes ».
Selon l’International Osteoporosis Foundation (IOF), 30 filières fractures existeraient dans des hôpitaux français. Ce qui place la France parmi les pays européens à faible couverture de FLS, loin derrière le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et la Finlande (3). Selon Karine Briot, « c’est un état des lieux déclaratif. Il y en a certainement plus en France que ce qui est déclaré à l’IOF ». Bien que leur efficacité soit démontrée, « le problème des filières fractures, c’est qu’il faut un coordinateur, avoir accès à l’ostéodensitométrie dans un délai satisfaisant, et aux consultations avec un spécialiste. Quand il y a les moyens financiers, cela marche. Sans moyens financiers, sans infirmière coordinatrice, tout s’arrête. Ce n’est pas dur de monter une filière, le problème c’est leur pérennité ».
1) Briot K et al, Revue du rhumatisme, 12 avril 2018
2) Vranken L et al, Journal of Bone and Mineral Research, 10 septembre 2022
3) Kanis JA et al, Archives of Osteoporosis, 2 juin 2021
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Références :
Congrès annuel de l’European Alliance of Associations for Rheumatology (Eular, 12-15 juin 2024, Vienne, Autriche). D’après les présentations du Pr Willem Lems (Amsterdam) et de la Pre Karine Briot (hôpital Cochin, Paris), lors des sessions « Osteoporosis in Rheumatology » et « Risk factors and treatment in osteoporosis » ; ainsi que la cartographie « Capture the fracture », IOF, https://www.capturethefracture.org/map-of-best-practice.
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