Santé mentale

Santé mentale : les risques associés au sport de haut niveau

Que ce soit dans un but de performance ou pour leur assurer un sentiment d’épanouissement personnel, le bien-être psychologique des sportifs de haut niveau doit désormais être systématiquement recherché. Et c’est tout leur environnement qui doit être impliqué dans cette quête. Le point avec Alexis Ruffault, psychologue, chercheur en psychologie à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (Insep) et membre du Comité Directeur de la Société Française de la Psychologie du Sport (SFPS).

15/07/2024 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Interview Santé publique Psychiatrie
Santé mentale

Egora : Que recouvre le terme "santé mentale" dans le contexte du sport de haut niveau ?

Alexis Ruffault : La définition et la classification des maladies mentales reposent sur les critères diagnostiques standardisés que l’on retrouve aussi bien dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) publié par l’Association américaine de psychiatrie, que dans la CIM (classification internationale des maladies) publiée initialement par l’OMS. Ce système de classement, qui subdivise les troubles mentaux en catégories diagnostiques basées sur la description des symptômes, est la même pour les sportifs de haut niveau que pour la population générale. Depuis quelques années, l’OMS précise que la santé mentale ne se définit pas seulement par l’absence de trouble mental. "Il s’agit d’une réalité complexe qui varie d’une personne à une autre, avec divers degrés de difficulté et de souffrance et des manifestations sociales et cliniques qui peuvent être très différentes". 

Aujourd’hui, on parle aussi de détresses sous-cliniques qui concernent les individus présentant certains des symptômes classés mais pas tous. Auparavant, ces individus ne pouvaient bénéficier d’une prise en charge adaptée car aucun diagnostic n’était posé. Mais un changement de paradigme s’opère peu à peu avec la mise en place d’une approche trans-diagnostique qui s’intéresse aux processus sous-jacents aux troubles. Par exemple, un individu présentant des difficultés pour réguler ses émotions sera très certainement amené à rencontrer d’autres troubles comorbides. En effet, troubles anxieux et troubles dépressifs se manifestent généralement en même temps car ils partagent des processus psychologiques communs. La prise en charge psychologique évolue.

 

Les athlètes de haut niveau sont-ils plus exposés aux troubles de la santé mentale ?

Dans la littérature scientifique, les prévalences sont les mêmes quelle que soit la population visée. Toutefois, il est vrai que le risque de développer certains troubles de la santé mentale est un peu plus élevé lorsqu’on est exposé à certaines pratiques sportives. Et plus particulièrement le risque de développer des troubles dans la conduite alimentaire dans les sports esthétiques et dans les sports à catégorie de poids. En effet, avoir des préoccupations sur le poids et faire attention à ce que l’on mange répond par nature aux exigences de certaines pratiques sportives mais constitue également des symptômes typiques de troubles alimentaires.

 

Pourquoi le suivi psychologique des sportifs a-t-il été intégré dans la surveillance médicale régulière (SMR) depuis 2006 ?

Ces évaluations permettent de faire un état des lieux de la vie personnelle, sportive, professionnelle ou scolaire. Elles ont pour objectif de détecter d’éventuels signes de détresse psychologique et de proposer un suivi psychologique le cas échéant ou d’orienter vers un suivi en préparation mentale. Si la prise en charge n’est pas obligatoire pour les athlètes, ce suivi constitue un moyen de prévention efficace dans la survenue de troubles mentaux, et permet de diminuer le risque ou la sévérité des troubles dépressifs, anxieux ou encore alimentaires. Il faut souligner que la France est le premier pays dans le monde à avoir intégré une évaluation psychologique annuelle dans le suivi des sportifs de haut niveau.

 

Préparation mentale : de quoi s’agit-il et en quoi est-elle importante pour la performance d'un athlète participant aux JO ?

Le préparateur mental va travailler sur les aspects mentaux liés à la performance sportive : la capacité à se concentrer, à gérer les situations stressantes, à rester motivé et à bien communiquer. Et cette préparation – qui n’est pas obligatoire - présente un effet secondaire bénéfique à la santé mentale du sportif qui pourra appliquer les techniques enseignées dans d’autres contextes. Le travail effectué en préparation mentale et en psychologie clinique est très différent. Le premier est en lien exclusif avec la performance quand le second constitue un soin à part entière.

 

Quid du rôle de l’entourage dans la santé mentale des sportifs de haut niveau ?

Il est crucial ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Insep collabore avec d’autres pays européens au projet "Mentis" qui cible spécifiquement le rôle de l’entourage et de l’environnement des sportifs de haut niveau. S’il permet de faire un état des lieux des connaissances en santé mentale, "Mentis" a pour objectif principal d’aider les membres de l’entourage au sens large (membres de la famille mais aussi préparateurs physiques, entraîneurs, personnel médical, organisations sportives etc.) à reconnaître et repérer les signes précurseurs d’une détresse psychologique, et savoir comment réagir le cas échéant. L’autre enjeu de ce projet est de sensibiliser les membres de l’entourage à leur propre santé mentale et leur offrir des outils pour promouvoir ou maintenir leur propre bien-être. On ne peut être un bon soutien qu’en allant bien soi-même !

 

L’Insep contribue-t-il à d’autres projets de recherche sur la santé mentale ?

Un deuxième projet de recherche sur la santé mentale, le projet "PAPS" est actuellement mené par l’Inserp en collaboration avec la Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs (FNASS) et l’Union Nationale des Sportifs de Haut-Niveau (UNSHN). Il s’intéresse principalement aux risques psychosociaux auxquels sont exposés les athlètes. Ici, 450 sportifs ont répondu à des questionnaires permettant d’identifier certains facteurs socio-environnementaux impliqués dans le risque de développer un trouble de la santé mentale. En tout état de cause, l’objectif final de la coordination des deux projets "MENTIS" et "PAPS" est d’optimiser la prévention des risques pour la santé mentale des sportifs de haut-niveau.

 

Alexis Ruffault déclare n’avoir aucun lien d’intérêts

Pour tester vos connaissances sur la santé mentale : https://insep.limequery.com/511545?lang=fr

 

Les autres articles du dossier :

Références :

D’après un entretien avec Alexis Ruffault, psychologue, chercheur en psychologie à l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (Insep) et membre du Comité Directeur de la Société Française de la Psychologie du Sport (SFPS) 

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