"Humiliant et infantilisant" : les syndicats de médecins réagissent à la proposition de la Cnam
"Est-ce que la préoccupation de l'Assurance maladie et de l'Elysée est d'améliorer l'accès aux soins? J'en suis de moins en moins sûr", lâche le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF au lendemain d'une séance plénière décisive au cours de laquelle la Cnam a enfin dévoilé le montant de la revalorisation proposée aux généralistes entrant dans "l'engagement territorial". S'ils atteignent les objectifs fixés par la caisse, ces derniers pourront facturer 30 euros, contre 26.5 euros seulement pour ceux qui décident de ne pas jouer le jeu. Mais les tarifs majorés ne seraient facturables qu'en 2025. "J'avais cru comprendre quand j'écoutais les vœux du président de la République que c'était une urgence les 657000 patients en ALD sans médecin traitant. Là, la Cnam nous dit : les revalorisations seront en 2025. On marche sur la tête!", s'indigne le généraliste de Mayenne. "Nous, on voulait 30 euros pour tout le monde", rappelle la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France, qui refuse que la revalorisation soit conditionnée à des "contraintes supplémentaires" qui vont encore plomber "l'attractivité" de la profession. "La médecine générale est une spécialité comme les autres", insiste la praticienne, amère de constater que les autres spécialistes se voient proposer un tarif de niveau 1 à 35 euros s'ils entrent dans l'engagement territorial.
Pour le Dr Patrick Gasser, président d'AvenirSpé, la proposition de la Cnam est "insuffisante" en regard de l'investissement demandé aux spécialistes au travers du CET. "Il reste beaucoup à négocier", déclare le syndicaliste. "Je vais faire des propositions pour essayer d'avancer. Moi je souhaite y arriver." "Corseter pour des miettes rémunératrices, telle est la stratégie affichée par la Cnam", commente le SML dans un communiqué, ironisant sur le "médecin enchaîné". "Le directeur général Thomas Fatôme assume une convention à visée généraliste aux dépens des autres spécialistes et ne se gêne pas pour le dire. Pourtant soyons clairs, même pour les généralistes, la proposition n’est ni respectueuse, ni à la hauteur !" "Bientôt, il faudra demander l'autorisation pour aller faire pipi" "30 euros, ça devrait être le tarif actuel en tenant compte de l'inflation depuis 2017", relève de son côté la Dre Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Alors vous imaginez dans deux ans, pour peu qu'il y ait 12 ou 15% d'augmentation sur une année, on est perdants…" Mais quel que soit le montant, la FMF ne veut pas d'un contrat d'engagement territorial. "On ne veut pas un malus, on veut un bonus", lance-t-elle, déplorant par ailleurs que l'Assurance maladie joue " à l'employeur" en proposant ce qui s'apparente à un "contrat de travail". "On met le nombre de samedis où le cabinet est ouvert, le nombre de jours travaillés… Nous on est des libéraux, donc c'est niet. Bientôt il faudra demander l'autorisation pour aller faire pipi et partir en vacances !" Même lecture du côté du Dr Jérôme Marty, président de l'UFML. "Ces gens-là n'ont rien compris, tempête le généraliste du sud-ouest. Quand je vois Braun ce matin qui va dire c'est un 13e mois pour les médecins... Premièrement, on ne signe pas la convention pour avoir un 13e mois. Deuxièmement, on n'est pas des agents de la fonction publique, on n'est pas des salariés, nous ne sommes pas le petit personnel de Monsieur Braun. On est des libéraux. Et on ne veut pas que l'engagement soit lié à des tarifs."
"Mais quelle honte cette déclaration ! renchérit Luc Duquesnel. Nous, tout ce qu'on demande, c'est d'avoir les moyens de transformer nos cabinets pour travailler avec un assistant médical à temps plein, on demande d'être accompagnés dans ces innovations organisationnelles, on ne demande pas un 13e mois !" Pour le président des Généralistes-CSMF, le CET est vécu "comme humiliant et infantilisant" par nombre de médecins. "Ils n'ont pas besoin de ça, les MG. On n'a pas eu besoin de CET pour organiser la PDSA sur 95% du territoire ou pour mettre en place des centres Covid en 8 jours en 2020. On a montré notre capacité à s'organiser… si on nous en donne les moyens et si on nous fait confiance." Si 40% des généralistes en cochent déjà les cases, quid des 60% restants? S'interroge le syndicaliste. Ceux qui participent à la PDSA ou encore au SAS, "de colère" risquent de "tout arrêter", alerte-t-il. "Cette convention, par effet domino, elle va dégrader l'accès aux soins." "On peut se poser la question : jusqu'à quel point tout cela n'est pas orchestré…", soulève Jérôme Marty. "Ils sont conscients du fait que tout ça est invendable. Et ils ont rajouté des clauses qui rendent cette convention encore plus invendable", comme le décalage à 2025 des consultations majorées pour les médecins entrants dans l'engagement territorial ou le tiers payant généralisé sur la part AMO, pointe le président de l'UFML. "Ils ne veulent pas que des jeunes s'installent, ils font comme avec la Covid, ils gèrent le manque et le pérennise." Les négociations se poursuivent jusqu'à ce soir. Les syndicats et la Cnam ont jusqu'au 28 février pour trouver un accord.
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