Sédation profonde : les recos de la HAS pour la médecine de ville 

10/02/2020 Par Brigitte Blond
Santé publique
La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de publier ses préconisations pour l’utilisation des (rares) médicaments, hors AMM, qui permettent une sédation profonde et continue jusqu’au décès, à l’hôpital comme en ville.

  Chaque patient, atteint d’une affection grave et incurable a le droit d’être soulagé en fin de vie, quand la souffrance est réfractaire aux traitements opiacés et le pronostic vital engagé à court terme, par une sédation profonde et continue. Celle-ci n’est pas antalgique (l’association à des antalgiques est indispensable), mais produit une suspension de la conscience, une “déconnection“. « Ce droit est inscrit dans la loi Clayes-Léonetti du 2 février 2016 », rappelle le Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles à la Haute Autorité de Santé (HAS).   Médicaments hors AMM Pour que les patients puissent y avoir effectivement accès, la HAS a publié en 2018, à l’intention des médecins, un guide parcours de soins “Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) ?“, d’aide à la décision et à la mise en œuvre de cette sédation. Or, la prise en charge médicamenteuse n’y était qu’évoquée. Faute d’évolution réglementaire sur ce volet pratique, la HAS s’est donc depuis autosaisie du dossier. C’est l’objet de la recommandation de bonne pratique actuelle que d’expliciter les modalités d’utilisation, dans le détail, des médicaments de la sédation, hors autorisation de mise sur le marché (AMM).   Décision collégiale Sur la base de cette recommandation, la HAS demande aux Autorités de Santé de permettre la dispensation des sédatifs hors AMM aux médecins qui prennent en charge...

des patients en fin de vie à leur domicile. « Le problème est en effet particulièrement aigu en ville où l’accès à ces traitements est par ailleurs laborieux, oblige à une rétrocession par une pharmacie hospitalière, à la famille directement », observe le Dr Gabach. La décision de cette sédation est bien sûr toujours prise collégialement même si le malade, conscient, en a exprimé le souhait, au moment présent ou à l’occasion de ses “dispositions anticipées de fin de vie“.   Sédation protocolisée Le groupe de travail qui réunissait professionnels de santé et patients a ainsi établi la (petite) liste des médicaments les plus appropriés. En première intention, le midazolam injectable, qui dispose en France d’une AMM pour les anesthésies, en perfusion ou en injection, est le plus utilisé. Il est administré en commençant par une dose de charge, suivie d’une titration pour une augmentation des doses progressive qui permet d’atteindre une suspension de la conscience. La dose d’entretien est maintenue jusqu’à ce que l’évolution naturelle de la maladie entraîne le décès. En deuxième intention, quand le midazolam est manifestement inefficace, avec des phases de réveil, ou mal toléré, on recourt éventuellement aux neuroleptiques (chlorpromazine, lévomépromazine), injectables toujours, en dose de charge, puis titration.   En ville « Pour affronter ces situations inhabituelles (2 à 3 par an pour les médecins les plus concernés) et très intenses de la fin de vie, souligne le Pr Pierre-Louis Druais (vice-président de la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs), le médecin de famille doit être préparé, se former sur les conditions de mise en œuvre de la sédation, et être en lien avec une équipe de soins palliatifs qui a l’habitude d’utiliser ces médicaments ». Il doit par ailleurs être présent lors de la titration et joignable 24 heures sur 24, enfin pouvoir disposer d’un lit de repli rapidement, notamment si la famille s’épuise… « La sédation, ce n’est pas provoquer la mort », insiste-t-il. A l’appui de la recommandation, la HAS met à la disposition des médecins généralistes 2 fiches outils, l’une sur l’antalgie des douleurs rebelles en situations palliatives, la seconde sur les pratiques de sédation. Prochaine étape, espérée par les experts de la HAS, le Ministère, fort de ces recommandations, devrait étudier avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) les modifications réglementaires, sous la forme d’une extension d’indication, pour que les patients et leurs médecins puissent accéder véritablement et plus directement à ces médicaments.  

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