Sanctionnée par l'Ordre pour ses "rapports tendancieux" sur le harcèlement au travail
Jugée en appel par la chambre disciplinaire du Cnom, le Dr Karine Djemil vient d'écoper de trois mois d'interdiction d'exercice. Ce médecin du travail était mis en cause par deux entreprises, poursuivies par leurs salariées dans le cadre d'affaires de harcèlement.
Des "conditions de travail dégradées", des règles qui "favorisent +++ les dérapages et passages à l’acte vers des violences sexuelles et morales imposées", voire une "pratique de 'droit de cuissage au travail'" et de "chantage à l'emploi". Les deux études de poste produites en 2012 et 2013 à la demande de deux salariées par le Dr Karine Djemil, médecin du travail en Seine-Saint-Denis, ne sont pas rédigées avec des pincettes : pas assez de conditionnel, ni de propos rapportés par les salariées entre guillemets. Ces rapports sont le fruit des visites effectuées sur le lieu de travail par le médecin.
Déclarées inaptes, les deux salariées ont poursuivi leurs entreprises respectives pour harcèlement, leur dossier médical à l'appui. Mis en cause, les deux employeurs se sont retournés contre le Dr Djemil et ont porté plainte devant l'Ordre des médecins. Et le 4 mai dernier, la chambre disciplinaire du Cnom leur a donné raison. Comme le CROM d'Ile-de-France en première instance, l'Ordre national a considéré que le médecin du travail avait méconnu, à deux reprises, l'interdiction de délivrer un "rapport tendancieux", en y incluant des "suppositions de graves comportements de harcèlement sexuel susceptibles d’exister au sein de l’entreprise sans avoir constaté des faits précis permettant d’en déduire l’existence avec suffisamment de vraisemblance". L'Ordre reproche également au Dr Djemil d'avoir violé le secret médical en adressant au gérant de la seconde entreprise "une lettre lui signalant de nombreux cas de maltraitance et harcèlement au travail s’étant produits selon elle dans un établissement de la société et concernant plusieurs salariées ", désignant nommément l'une d'elles. La praticienne a donc été sanctionnée d'une interdiction d'exercer la médecine de six mois, dont trois mois fermes, qui prendra effet au 1er septembre prochain. "Aucun médecin ne pourrait plus sur la base de son examen clinique, prendre en charge une victime de harcèlement sexuel ou moral dans une entreprise, sous peine d'interdiction d'exercice !", en conclut l'UGICT-CGT (représentant les cadres), dans un communiqué. Pour le syndicat, l'Ordre des médecins, "en recevant les plaintes d’employeurs", "contraint les médecins du travail à rompre le secret médical pour justifier leur diagnostic, et remet en cause la possibilité de faire le lien entre la pathologie du patient et son travail, pourtant au cœur des missions des médecins du travail". Et ce alors que surgissent "dans le monde entier des luttes contre le harcèlement sexuel, notamment au travail".
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