"Votre activité fait perdre de l'argent" : deux pédiatres du CHU de Grenoble dénoncent le harcèlement "économique"
Dans une lettre adressée à leurs patients, ces deux médecins, en arrêt pour épuisement professionnel, racontent la pression comptable qu'elles disent subir depuis plusieurs années.
Depuis le suicide en novembre d'un neurochirurgien pédiatrique sur son lieu de travail, les langues se délient au CHU de Grenoble. Dans une lettre adressée à leurs patients, dont L'Humanité a eu copie, deux pédiatres du service endocrinologie-diabétologie pédiatrique, en arrêt "pour épuisement professionnel", se disent "désolées d'en être arrivées là". Pression comptable "Nous exerçons depuis quinze ans avec passion et dévouement (…), mettant en œuvre tout ce qui est possible pour que chacun bénéficie des meilleures thérapeutiques, des avancées technologiques, de l’accompagnement humain dont les enfants ont besoin", écrivent-elles. Mais ces sept dernières années, le nombre de patients pris en charge par leur service a été multiplié par quatre. Demandant des renforts, les médecins n'auraient obtenu qu'un mi-temps de puéricultrice. Mais le plus difficile, c'est la pression "comptable", racontent-elles. Et de citer "trois exemples" témoignant, selon elles, "d'un manque complet de respect pour notre travail et pour la santé de nos patients". Lors d'un bilan d'activité, il leur aurait été reproché le faible nombre d'hospitalisations aux urgences de leurs patients diabétiques pour acidocétose ou hypoglycémie sévère, fruit de leurs efforts en matière d'éducation thérapeutique des patients et de leurs proches. "Savez-vous docteur, combien votre activité a fait perdre d'argent au pôle cette année ?", leur aurait lancé un responsable hiérarchique. Pas rentable Dans le collimateur également, leurs consultations de suivi de 45 minutes en diabétologie : "ce n'est pas rentable ! Il faut faire des consultations plus rapides ou plus souvent, ou bien faire venir les patients en hôpital de jour en rajoutant des examens complémentaires", aurait remarqué un cadre. Quant aux adaptations de traitement par mail qu'elles ont pris l'habitude de faire, "il ne faut pas le faire, ce n'est pas valorisé", aurait récemment répondu la hiérarchie. La direction, contactée par L'Humanité, dément ces propos. Reste que le CHU de Grenoble est dans le collimateur de la ministre de la Santé. Devant l'Assemblée nationale, la semaine dernière, Agnès Buzyn a dénoncé des "situations graves de harcèlement", mises au jour par le rapport commandité suite au suicide du neurochirurgien. Harcélement moral Jeudi dernier, un chirurgien, PU-PH qui a effectué ses études et sa carrière au CHU, a également révélé avoir porté plainte en janvier pour "harcèlement moral". Le chirurgien avait dénoncé en avril 2016 "une désorganisation (dans son) service conduisant à une atteinte à ses conditions d'exercice professionnel" avec "violence verbale et discrédit", a rapporté son avocat. Selon ce praticien, en exercice depuis 17 ans, aucune réponse n'avait été apportée à ses doléances. Il a finalement dû quitter l'hôpital "pour exercer dans une autre structure privée, afin d'éviter de sombrer dans la dépression". Les investigations sont en cours. Selon l'avocat du plaignant, une rencontre entre la ministre et l'équipe dirigeante du CHU est prévue début janvier. [avec humanite.fr et AFP]
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