La CSMF réunit ses cadres ce week-end dans la presqu'île de Giens, pour son université d'été. Le président Jean-Paul Ortiz commente les grands axes de la stratégie de santé de la nouvelle ministre, et donne les conditions du syndicat non signataire de la convention, pour son retour dans le jeu.
Communication au Conseil des ministres, discours de clôture aux rencontres des URPS médecins à La Baule, puis devant la Fédération hospitalière de France… On connait désormais le programme de la ministre la santé (voir en encadré). Qu'en pense la Confédération des syndicats médicaux français ? Jean-Paul Ortiz : Pour l'instant, nous avons surtout pris connaissance d'intentions sur une stratégie nationale de santé. Et je rappelle à cet égard que Marisol Touraine, elle aussi, a commencé son quinquennat avec une stratégie nationale de santé sur laquelle la concertation avec les médecins avait permis d'obtenir un relatif consensus. Mais tout a dérapé, au moment de la loi de Santé, qui a suscité l'opposition que l'on connait. Bon. Là, Agnès Buzyn annonce une stratégie nationale de santé, avec des priorités que l'on peut partager et même soutenir comme la nécessaire orientation du système de santé vers la prévention. Elle a parlé d'une consultation dédiée à certains âges et a déclaré vouloir reconnaître le temps consacré à l'éducation à la santé. Ce sont des sujets que nous défendons depuis longtemps, il faut voir comment cela va se traduire. La ministre a également parlé des inégalités sociales et territoriales et elle a évoqué la lutte contre les déserts médicaux. Ce sont des thématiques où la Csmf a pris toute sa place en répétant son attachement à la liberté d'installation, mais aussi à la nécessaire multiplication des mesures incitatives adaptées selon les particularités des territoires. Un plan est annoncé d'ici la fin du mois de septembre. Nous espérons que les propositions que nous avons faites permettent d'avancer et d'assurer effectivement cet accès aux soins pour tous dans les territoires. L'un des grands thèmes de la ministre, c'est l'innovation. Or, vos critiques contre la convention portent notamment sur son manque d'ambition à cet égard. Nous avions critiqué la convention médicale que nous n'avons pas signée, car nous la trouvions tournée vers le passé, sans innovation. Et les faits nous ont donné raison. Qu'a fait la convention en télémédecine jusqu'à présent ? Presque rien, alors que la télémédecine est présente partout et qu'elle est en train de s'imposer y compris dans la vie quotidienne des Français. On voit bien qu'il y a un décalage entre la société et la prise en compte de ces innovations dans la convention. Si Agnès Buzyn veut aller vers une meilleure intégration de la télémédecine, nous y sommes tout à fait favorables, mais à condition que les médecins libéraux y tiennent toute leur place. Il ne faut pas que l'on centre uniquement l'innovation en santé sur les structures hospitalières publiques ou privées. Elle doit être au plus près des Français et des populations, c’est-à-dire s'appuyer sur la médecine libérale. A La Baule, devant les élus des unions régionales, la ministre a tendu à plusieurs reprises la main à la médecine libérale, à son esprit d'entreprise, sa créativité… Le ton est radicalement différent de celui de sa prédécesseure. Y êtes-vous sensible ? En effet, elle a dit à plusieurs reprises qu'elle avait besoin de nous, qu'elle voulait "renouer un pacte de confiance". Mais je lui ai répondu que la confiance, cela ne se décrète pas, cela se construit. Et la confiance, si elle met du temps à s'installer, malheureusement, elle se brise vite. En cela, c'est difficile, car nous sortons d'un conflit majeur qui n'a que trop duré. L'un des signes qui nous permettrait de retrouver cette confiance, serait le retour d'un dialogue. Je lui ai dit qu'elle avait une responsabilité immense, peut- être parce qu'elle est médecin et que les médecins ont un regard plus "tolérant" vis-à-vis d'elle. En tout cas, le ton et les mots qu'elle emploie montrent bien qu'elle veut renouer le dialogue et essayer de jouer la confiance. Je m'en félicite. Mais n'oublions pas que les paroles sont une chose mais qu'au final, ce qui compte ce sont les actes. Quels sont alors, les actes déterminants qui pourraient vous persuader de la volonté réelle de la ministre de renouer avec la médecine libérale ? Je n'ai pas changé mon discours depuis quelques mois : nous posons trois conditions pour le retour du dialogue et de la confiance. Un, nous ne voulons pas du tiers payant généralisé. Qu'il y ait un tiers payant facile, simplifié pour ceux qui en veulent et pour certains malades, pourquoi pas ? La ministre emploie maintenant le terme de tiers payant généralisable. Pour moi, cela veut dire possible, facile, facultatif et laissé au libre choix du médecin en fonction de son patient. Si on arrive à cela, le premier point sera résolu. Mais il faut aussi des actes car je rappelle que dans la loi, le tiers payant généralisé deviendra un droit pour tous les français au 30 novembre prochain. Nous venons d'être auditionnés sur la mise en place du tiers payant par l'IGAS. Nous attendons avec impatience ses conclusions, puis les décisions qui seront prises, fin septembre. Le deuxième point, c'est la suppression de l’article 99 de la loi de financement de la sécurité sociale 2017. On ne peut concevoir un véritable dialogue conventionnel tant que l'une des deux parties (l'assurance maladie. Ndlr), s'octroie le droit, sans concertation, d'agir sur les tarifs des forfaits techniques en radiologie. La disposition est aujourd'hui, limitée à cette spécialité, mais rien ne nous garantit qu'elle ne sera pas élargie demain. Cet article pose une question de fond : veut-on sauvegarder l'esprit conventionnel, ou veut-on que la convention soit entièrement sous la coupe de l'Etat alors qu'elle l'est déjà en grande partie ? Nous avons posé la question et nous n'avons pas eu de réponse claire. On nous renvoie au dialogue technique régulier entretenu entre les radiologues et les caisses*. Enfin, le dernier point concerne l'Ondam. Nous voulons savoir quels moyens seront accordés à la ville pour qu'elle puisse assumer cette prévention, cette innovation, cet accès aux soins dont la ministre nous parle. Je ne veux pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais la ville doit avoir les moyens. Lorsque la ministre parle de consultation dédiée à la prévention, il faudra bien lui consacrer des moyens. *Depuis cet entretien, un arrêté relatif à la commission prévue à l'article 99, a été publié au Journal officiel. La CSMF a immédiatement appellé le gouvernement à revenir "sur les décisions qui sont contraires à la logique du contrat conventionnel négocié, et qui empêchent de renouer un pacte de confiance avec les médecins libéraux".
Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé porte sur la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d'accès. Les acteurs doivent avoir un objectif commun : favoriser le maintien à domicile du patient, simplifier son parcours coordonné. Troisième axe : promotion de l'innovation.
La ministre a par ailleurs pris plusieurs engagements : doublement des structures d'exercice coordonné d'ici la fin du quinquennat, développement des stages en ambulatoire, développement des pratiques avancées chez les paramédicaux au sein des équipes de soins, développement de la télémédecine. Elle attend les conclusions de la mission IGAS sur le tiers payant, qui doit devenir "généralisable. Les évolutions nécessaires n'interviendront probablement pas avant la fin de l'année. Nous en tirerons donc les conséquences", a-t-elle précisé.
Un plan contre la désertification médicale est en préparation. Plusieurs grandes étapes sont donc à venir : publication de la stratégie nationale de santé en décembre 2017, démarrage des missions relatives à la réalisation du plan national de santé publique et du programme de recherche en santé publique, courant octobre, comité interministériel pour la Santé, sous l'égide du Premier ministre, en novembre. Plan national de santé publique avant la fin du premier trimestre 2018.
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