Pourquoi tant de pubertés précoces pendant le Covid ?

09/11/2022 Par Brigitte Blond
Endocrinologie-Métabolisme Pédiatrie
Le nombre de cas de puberté précoce a fortement augmenté au cours de la phase initiale de la pandémie de Covid. Une étude récente, allemande, présentée lors du congrès 2022 de la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique, faisait état d’une explosion des cas de puberté précoce, d’un facteur de 1 à 3 dans un même centre médical. Mais cette observation a été faite dans bien d’autres pays touchés par la Covid 19. Interview de Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm au sein du laboratoire Lille Neuroscience et Cognition (Inserm/CHU de Lille/Université de Lille).

  Egora-le Panorama du Médecin : Quels facteurs de puberté précoce sont aujourd’hui identifiés ?

Vincent Prévot : Certains des facteurs de risque de puberté précoce sont bien établis, comme les perturbateurs endocriniens, dont les pesticides. Ainsi, les enfants vivant au Congo et migrant en Belgique déclenchent une puberté précoce à l’arrivée sur le sol européen : ils ne sont plus exposés aux pesticides qui ont la faculté de se lier aux récepteurs à estrogène et d’inhiber ainsi la sécrétion de GnRH. Dans un environnement indemne, le système “se réveille“. De la même manière, des expériences précliniques chez le rat ont été conduites avec des doses de bisphénol A -BPA- (présent dans les plastiques et autrefois les biberons) en dessous des seuils de tolérance fixés par l’Union européenne, mais qui restent à l’évidence “perturbantes“ : à fortes doses, le BPA déclenche précocement la puberté et aux doses seuils, la retarde. L’effet cocktail d’une trentaine de perturbateurs aux doses présentes dans l’environnement est actuellement testé. Et chez l’Homme, les conséquences des expositions aux PE sont étudiées d’après l’analyse des cheveux (qui agrègent les PE et retracent l’histoire des expositions aux PE) d’enfants de Picardie exposés aux pesticides. Si la piste génétique est peu satisfaisante (un seul gène identifié associé causalement à la puberté précoce, celui de la protéine Makorine 3 qui, muté, laisse la puberté s’installer précocement), l’épigénétique l’est davantage : les modifications de la méthylation liées aux PE se transmettent, et plus intensément, au fil des générations.   Quelle pourrait être le rôle de l’infection par le virus Sars-CoV2 ? En juin 2020, notre laboratoire a découvert que les neurones à GnRH, chefs d’orchestre de la fertilité, pouvaient être infectés dans l’hypothalamus par le Sars-CoV2 et mourir. En parallèle, nous avons mieux compris leur rôle dans le déclenchement de la minipuberté (caractérisée cliniquement par une “pousse“ mammaire), un évènement qui survient chez les mammifères une semaine environ après la naissance où le système à GnRH s’active pendant un certain temps, le pic chez l’humain survenant entre 1 et 3 mois. Les enfants nés prématurément présentent une minipuberté plus “intense“, avec un taux de FSH qui peut être 200 fois plus élevé que celui d’un enfant né à terme. On sait par ailleurs que la prématurité est associée à une plus grande incidence de maladies mentales et non mentales : troubles de l’apprentissage, de la fertilité, diabète et surpoids notamment. Nous avons aussi appris de la souris que l’amplitude de la minipuberté est contrôlée par le monoxyde d’azote (donné aux prématurés pour améliorer leur fonction respiratoire), qui auraient donc un rôle dans la maturation du cerveau et la puberté. Les pubertés précoces relevées lors de l’épidémie de Covid pourraient par conséquent être liées à l’atteinte du système à GnRH, ces neurones spécifiques naissant dans le nez et migrant vers l’hypothalamus pendant la vie fœtale.   L’environnement particulier de cette époque pourrait-il également y contribuer ? Les changements de mode de vie (écrans et prise de poids), l’environnement anxiogène de la pandémie, ont probablement induit des stress épigénétiques à l’origine d’une activation du système à GnRH. On sait encore que le pouponnage [s’occuper d’un nourrisson de façon très attentive, ndlr] à une période où l’enfant est très sensible à l’environnement et aux soins apportés affecte les marques épigénétiques de certaines régions du cerveau chez le rongeur.    

Une puberté précoce ?
Pathologique, elle se manifeste par des signes de puberté avant l’âge de 8 ans pour les filles, de 9 ans pour les garçons : développement des seins et caractères sexuels secondaires, puis survenue des règles pour les premières ; augmentation de volume des testicules, puis mue et développement de la pilosité pubienne pour les seconds. Le risque à court terme est celui d’une accélération de la maturation osseuse associée à une soudure prématurée des cartilages de croissance, et ainsi d’une réduction de la taille définitive. Un problème plus volontiers féminin (qui concerne 10 fois plus de filles que de garçons).

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