Une fois n’est pas coutume, l’étude phare du congrès de l’European Society of Clinical Oncology (ESMO) qui s’est déroulé à Paris du 9 au 13 septembre, a été une étude épidémiologique. Présentée lors d’un symposium présidentiel par des chercheurs londoniens, elle a, en effet, marqué le congrès car c’est la première à prouver que la pollution atmosphérique peut déclencher la survenue du cancer pulmonaire chez les non-fumeurs. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence que des particules fines, présentes dans les gaz d’échappement et dans les fumées provenant de la combustion de carburants fossiles, sont associées à un risque accru de développer un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC). Le Pr Charles Swanton (Institut Francis Crick, Londres), qui présentait ces travaux, a souligné leur importance : « Présentes dans l’air, les particules issues de la combustion de carburants fossiles qui accentuent le changement climatique impactent aussi directement notre santé par un mécanisme cancérogène important, inconnu jusqu’ici, au niveau des cellules pulmonaires. Le risque de cancer du poumon lié à la pollution de l’air est certes plus faible que le risque lié au tabagisme, mais nous n’avons aucun contrôle sur ce que nous respirons. À travers le monde, davantage de personnes sont exposées à des niveaux problématiques de pollution atmosphérique qu’aux produits toxiques présents dans la fumée de cigarette. Ces nouvelles données montrent qu’en protégeant le climat, nous préserverons aussi notre propre santé ». Les chercheurs ont mis en évidence que des mutations oncogènes peuvent être « nécessaires mais insuffisantes » pour la formation de tumeurs ; et que la pollution joue un rôle fondamental dans la carcinogénèse. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont réalisé plusieurs études sur des modèles murins, mais aussi sur l’homme. Leurs travaux portaient sur les mutations du gène EGFR que l’on retrouve chez environ la moitié des personnes atteintes du cancer du poumon non fumeuses. Une première étude a ainsi porté sur près d’un demi-million d’individus résidant en Angleterre, en Corée du Sud et à Taiwan. Elle a mis en évidence que les particules fines dans l’air, d’un diamètre de 2,5 μm (PM 2,5), augmentaient le risque de CPNPC. Les chercheurs ont ensuite analysé la physiopathologie de ce lien en laboratoire. Ils ont alors pu établir que ces PM 2,5 entraînaient des modifications rapides et la cancérogénèse des cellules respiratoires mutées EGFR, mais aussi de celles mutées au niveau du gène KRAS, aussi connu pour être impliqué dans le cancer du poumon. Ces modifications étaient associées à un afflux de macrophages et à une augmentation d’interleukine-1β (IL-1β), une cytokine pro-inflammatoire qui stimulait la prolifération des cellules porteuses de mutations de l’EGFR, et entraîne un recrutement macrophagique. En outre, lorsque cette interleukine était bloquée, cela empêchait le développement du cancer. « Nous avons découvert que les mutations des gènes EGFR et KRAS, que l’on retrouve fréquemment dans les cancers du poumon, sont en fait présentes dans le tissu pulmonaire sain et sont probablement une conséquence de l’âge. Dans nos expériences, ces mutations seules n’avaient qu’un faible potentiel cancérogène sur les modèles de laboratoire. En revanche, lorsque les cellules pulmonaires porteuses de ces altérations étaient exposées à des polluants atmosphériques, nous avons vu davantage de cancers se développer, et se développer plus rapidement qu’en l’absence d’une telle exposition. Cela nous conduit à penser que la pollution de l’air favorise la cancérogénèse dans les cellules porteuses de mutations à risque. La prochaine étape sera de comprendre pourquoi certaines cellules pulmonaires altérées deviennent cancéreuses après avoir été exposées à des polluants, alors que d’autres, non », explique Charles Swanton. Ces recherches sont fondamentales, car elles constituent une étape majeure dans la compréhension de la cancérogénèse, mais aussi parce qu’elles ouvrent la voie à de nouvelles approches -via avec des inhibiteurs l’IL-1β - en cas de lésions précancéreuses, ou même préventives, pour des personnes présentant ces mutations. Cancers colorectaux : vers la fin de la chirurgie dans certains cas ? Une autre étude majeure du congrès est l’étude Niche-2, qui pourrait bien changer les standards thérapeutiques dans la prise en charge des cancers colorectaux dMMR, des tumeurs caractérisées par une instabilité génétique dans les cellules tumorales, en rapport avec un défaut de réparation de l’ADN. Dans ce type de cancer, Niche-2 a démontré que le traitement néo-adjuvant par immunothérapie « donne des réponses extraordinaires, exceptionnelles » s’enthousiasme la Dre Clélia Coutzac (Centre Léon Berard, Lyon), à tel point que cela pourrait remettre en cause l’intérêt de la chirurgie. Cette étude de phase 2 mono-bras, a été menée sur des patients ayant des cancers colorectaux non métastatiques mais globalement avancé (il y avait plus de 60% de cancer T4). Ils ont été traités par ipilimumab puis nivolumab, puis après une moyenne de 5 semaines, ils ont été opérés. Et l’efficacité est majeure puisque 99% des patients avaient une réponse pathologique, 95% une réponse pathologique majeure, et 67% présentaient même une réponse pathologique complète à l’immunothérapie. « Ce sont des résultats impressionnants. La question qui survient maintenant est : est-ce qu’il faut vraiment opérer ces malades-là ? » a déclaré la Dre Coutzac. Le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, ajoute : « C’est un saut conceptuel considérable car on est en train de parler de peut-être renoncer à la chirurgie ». Ces données sont d’ailleurs renforcées par une deuxième étude, présentée aussi à l’ESMO, et qui montre l’intérêt du traitement néoadjuvant, cette fois-ci pour les cancers cutanés épidermoïdes, avec le cemiplimab, qui a entraîné une efficacité de 63% dans cette étude de phase 2 mono-bras. Une nouvelle classe thérapeutique prometteuse Dans un tout autre domaine, l’étude Defi, présentée en session présidentielle, est importante car elle marque l’arrivée d’une nouvelle classe de traitement prometteurs. Cet essai a concerné des patients porteurs de tumeurs desmoïdes des tumeurs des tissus mous, qui se développent à partir des tissus de soutien et des aponévroses. Elles touchent plus fréquemment l’adulte jeune, et même les enfants. Bien que non pourvoyeuses de métastases et non mortelles, cette maladie entraine douleurs et impotence fonctionnelle qui sont parfois très handicapants. L’étude Defi a porté sur le nirogacestat, premier d’une nouvelle famille de molécules, les inhibiteurs de Notch. On observe, dans cette étude, 70% de contrôle tumoral, durable, sous nirogacestat, ainsi qu’une réduction significative de la douleur, et de l’impotence fonctionnelle. « Ce que nous enseigne cette étude, est que les maladies rares très bien caractérisées sur le plan moléculaire sont de très bons modèles pour l’arrivée de nouvelles classes médicamenteuses susceptibles de transformer la prise en charge », commente le Pr de Blay. En effet si le nirogacestat est approuvé, il ouvre la possibilité d’être étudié dans d’autres pathologies avec un nombre de possibilités de recherche considérable.
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