Tuberculose : quels vaccins pour demain ?

05/05/2022 Par Roxane Goulam
Infectiologie
La 6ème édition du Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose s’est tenue en février dernier en France. Tour d’horizon des voies de recherche dans ce domaine, par le Dr Olivier Neyrolles*, directeur de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale de Toulouse, et co-organisateur de ce Forum.

    Egora - Le Panorama du médecin : La France a été choisie pour accueillir cette année la 6ème édition de ce forum mondial, parmi d’autres pays candidats. Pourriez-vous nous en dire plus sur le cœur de ce projet ? Pr Olivier Neyrolles :  Le forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose se tient tous les 2 ans. Cette année, la France a été choisie parmi les finalistes de l’appel à candidatures pour accueillir l’événement. Sur un plan historique, la symbolique est forte car le vaccin contre la tuberculose a été inoculé pour la première fois en France, en 1921. Nous avons donc été l’hôte de ce centenaire, et ce sous le haut patronage du Président de la République. La raison d’être de ce forum est de faire se réunir tous les acteurs impliqués dans la recherche autour de la tuberculose. Cela signifie les chercheurs, mais aussi les cliniciens, les politiques, les financeurs, les associations de malades, les ONG…absolument tous les acteurs investis dans la lutte contre la tuberculose.   Cette pathologie constitue-t-elle à ce jour une urgence sanitaire ? Oui, la tuberculose est une vieille maladie pour laquelle il y a encore 10 millions de cas et 1 million et demi de décès par an dans le monde. Cette situation dure depuis des décennies, il s’agit de la maladie infectieuse la plus meurtrière, bien devant le sida et le paludisme. On a un vaccin, le BCG, que l’on continue à donner dans les pays où la tuberculose sévit de manière endémique, car il protège très bien contre les formes infantiles chez les nouveau-nés et les petits enfants, qui sont des formes graves disséminées de la maladie. En revanche, on s’est rendu compte avec le temps que le vaccin BCG protégeait de façon insatisfaisante et trop variable contre les formes pulmonaires les plus courantes, qui sont les formes transmissibles et contagieuses. Le développement de nouveaux vaccins est donc devenu une priorité déclarée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).   Quels sont à l’heure actuelle les axes d’innovation en la matière ? Il existe à ce jours plusieurs pistes prometteuses. Il y a globalement deux grandes stratégies. La première consiste à continuer de vacciner avec le BCG à la naissance, mais à développer un autre vaccin qui viendrait en complément. Ce dernier serait donné comme une dose de rappel dans l’enfance ou à l’adolescence pour compléter le schéma vaccinal actuel et booster l’efficacité du BCG. Il y a à l’heure actuelle un vaccin en cours de développement par le laboratoire GSK qui a donné de très bons résultats en essais cliniques de phase II dans plusieurs pays : il augmenterait l’efficacité du BCG de 50%.  La seconde stratégie consiste, quant à elle, à remplacer complètement le BCG. Là encore, deux axes de recherche sont envisagés.  Le premier vise à mettre au point un meilleur vaccin BCG en le rendant plus immunogène. C’est le cas par exemple d’un vaccin BCG en cours de développement par les Allemands, qui a été modifié génétiquement pour induire une réponse immunitaire un peu plus forte. La deuxième possibilité serait de repartir carrément du bacille pathogène et de l’atténuer par génie génétique en inactivant les gènes de virulence, tout en conservant des propriétés immunogènes suffisantes pour une bonne protection. En tout, on a à ce jour une vingtaine de candidats vaccins, certains à des stades pré-cliniques et d’autres à des phases d’essais cliniques plus avancées.   La crise sanitaire liée au Covid-19 a-t-elle eu un impact sur le dépistage et la prise en charge des patients atteints de tuberculose ? Oui, l’OMS a d’ailleurs publié une alerte très forte à ce sujet car la crise du Covid a complètement déstabilisé les systèmes de santé. Elle estime que de très nombreux cas de tuberculose n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui a eu un impact très négatif sur la prise en charge des patients. Paradoxalement, il y a eu face à ce constat un impact positif, car la situation a permis d’alerter de nouveau les politiques sur le fait que cette maladie infectieuse n’avait pas disparu, ce qu’on a tendance à oublier dans les pays industrialisés. D’ailleurs, la guerre en Ukraine nous fait également prendre conscience de cela, car il s’agit d’une population très porteuse de tuberculose. Ainsi, l’OMS a récemment alerté quant à un risque de recrudescence de tuberculose en Europe en raison des flux migratoires de réfugiés ukrainiens, et des systèmes de santé des pays d’accueil qui ont des difficultés à cribler et à dépister dans le contexte actuel.   Pour conclure, avez-vous un message clé à faire passer au sujet de cette lutte contre la tuberculose ? Je rappellerai simplement que même si le vaccin BCG n’est plus obligatoire en France depuis 2007, il reste des recommandations très fortes à se faire vacciner dans certaines situations particulières et dans certaines régions en France, comme en île-de-France.

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