Syndrome de l’intestin irritable : vers de nouvelles stratégies thérapeutiques

25/04/2022 Par Brigitte Blond
Hépato-gastro-entérologie
De nombreuses stratégies nouvelles voient le jour pour tenter d’améliorer cette pathologie difficile à traiter. Les recommandations françaises sont en cours d’actualisation.

  De nouvelles recommandations américaines de l’American College of Gastro-Enterology concernant le syndrome de l’intestin irritable (SII) ont été publiées en 2020. Elles présentent certaines divergences avec les recommandations de pratique cliniques françaises, de la Société nationale française de GastroEntérologie qui sont en cours d’actualisation. En outre certains médicaments notamment ne sont pas disponibles dans les 2 pays. C’est pourquoi le Pr Jean-Marc Sabaté (Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, Hôpital Avicenne à Bobigny) a mis en perspective ces 2 rapports et fait le point sur les stratégies alternatives avancées, lors d’une session des Journées Francophones d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive (JFHOD, 17 au 20 mars 2022, Paris). Selon la classification de Rome IV, le SII est caractérisé par des douleurs abdominales chroniques, c’est-à-dire présentes au moins un jour par semaine dans les 3 derniers mois depuis au moins 6 mois. Ce syndrome est associé à au moins 2 des points suivants : il est en relation avec la défécation et s’accompagne d’une modification de la fréquence ou de l’apparence des selles en fonction de l’échelle de Bristol (de 1 à 7), ce qui permet d’établir le sous-type de SII sur le transit, avec diarrhée (SII-D) ou constipation (SII-C) prédominante ou mixte.   Explorations a minima Pour ce qui est du diagnostic et des explorations, sans préjuger de la physiopathologie du SII (qui n’était ici pas abordée), l’ACG recommande la réalisation de tests sérologiques pour exclure la maladie cœliaque sur un SII-D ; ainsi que, toujours pour un SII-D, un dosage de la calprotectine fécale et de la CRP pour exclure une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ((Mici). « En revanche, les examens de selles à la recherche de pathogènes sont inutiles, comme le testing des allergies alimentaires (IgE, prick-tests et a fortiori panels d’IgG) ou une coloscopie de routine pour les patients de moins de 45 ans sans signes d’alarme (hématochézie, perte de poids involontaire, âge avancé d’apparition des symptômes, antécédents familiaux digestifs) », rappelle le Pr Sabaté. Pour les plus de 45 ans, une coloscopie récente réalisée en particulier pour le dépistage du cancer colique suffit en l’absence de nouveaux signes d’alarme.   Divergences de traitements En ce qui concerne les traitements, l’ACG recommande un essai limité dans le temps d’un régime pauvre en Fodmap avec l’aide éventuelle d’une diététicienne. Elle suggère aussi l’utilisation de fibres solubles, d’antidépresseurs tricycliques (à doses progressives, sous formes de gouttes), et de psychothérapies dirigées sur l’intestin (niveau de preuves très faible). Elle conseille, en outre, de ne pas utiliser les probiotiques ; ce qui n’est pas le cas en France quand ils ont fait l’objet d’études randomisées positives : pour tous les types de SII, Kijimea, Smebiocta, Alflorex, Ultralevure, Activia, et pour les SII-D et mixtes, Probiolog Florvis. Il est aussi possible de recourir à l’huile de menthe poivrée, aujourd’hui disponible en France. Cette dernière renferme une monoterpine cyclique aux propriétés antispasmodiques (par blocage des canaux calciques du muscle lisse), nettement supérieures au placebo sur la distension abdominale, la fréquence des selles, etc. Elle est disponible sous forme de gélule gastrorésistante à libération entérique.   Stratégies alternatives De nombreux médicaments évoqués par l’ACG ne sont pas autorisés en France. C’est pourquoi on a recourt à d’autres stratégies, certes moins validées, telles que l’ébastine, un antagoniste des récepteurs à l’histamine de type 1 (présents dans la paroi du tube digestif) qui à dose double (20 mg) de celle préconisée pour les rhinites allergiques, peut améliorer les symptômes d’hypersensibilité viscérale d’un SII. « Faute de mieux encore, les laxatifs osmotiques PEG peuvent être proposés aux SII-C : ils doublent le nombre de selles, améliorent les efforts de poussées, etc. », suggère le spécialiste. L’ondansetron, “cousin germain“ de l’alosetron, antagoniste des récepteurs 5-HT3, anti-émétique recommandé par l’ACG (pour les femmes dont la SII-D est résistante au traitement conventionnel) est lui disponible en France : il diminue les ballonnements, les scores d’impériosités, etc. Autre traitement alternatif, un dispositif médical (Gelsectan) qui associe du xyloglucane, des protéines de pois, des tanins extraits de pépins de raisin et un prébiotique (des xylo-oligosaccharides) : il améliore le nombre de selles normales, et réduit les douleurs et ballonnements. Enfin, la colestyramine, indiqué pour les malabsorptions des acides biliaires, réduit le nombre de selles liquides à la dose de 2 sachets par jour dans les formes SII-D. La transplantation reste du domaine de la recherche.

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