Un point des connaissances a été fait sur cette pathologie complexe lors du Congrès de l'Alliance européenne des associations pour la rhumatologie (Eular), qui s’est déroulé du 2 au 5 juin 2021. La douleur fibromyalgique, considérée comme nociplastique, met en jeu des mécanismes centraux. Il est important de proposer aux patients des traitements non pharmacologiques en plus des traitements médicamenteux. Le mécanisme physiopathologique de la fibromyalgie est aujourd'hui mieux connu, a rappelé le Dr Daniel Clauw (université du Michigan, Ann Arbor, États-Unis). La douleur fibromyalgique est ainsi considérée aujourd'hui comme nociplastique. Ce type de douleurs, qui a été ajouté aux douleurs nociceptives et neuropathiques par l'Association internationale pour l'étude de la douleur (IASP*), résulte d'une altération de la nociception qui ne peut être expliquée, tout au moins totalement, par des lésions tissulaires activant les nocicepteurs périphériques. Elle implique une sensibilisation centrale**. Le système nerveux central est mis en jeu, comme pour d'autres douleurs chroniques fréquentes après 50 ans : céphalées de tension, syndrome de l'intestin irritable, cystite interstitielle... Sur le plan clinique, cette douleur nociplastique est étendue et s'accompagne de fatigue, de troubles du sommeil, de l'humeur, de problèmes de mémoire et d'antécédents de douleur dans d'autres zones du corps. Les symptômes fibromyalgiques semblent, en outre, suivre un continuum au sein de la population plutôt que d'être absents ou présents. Les différentes douleurs chroniques sont souvent associées et dans des affections comme l'arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, les lombalgies, le score de symptômes fibromyalgiques prédit mieux le niveau de douleur et de handicap que des mesures plus objectives de la maladie, a expliqué le Dr Clauw.
Les études en imagerie résonance magnétique (IRM) fonctionnelle révèlent que la connectivité cérébrale est modifiée dans la fibromyalgie. Après activation d'un signal douloureux la réponse est aussi augmentée dans certaines zones cérébrales (comme l'insula) chez les patients fibromyalgiques tandis qu'elle est au contraire diminuée dans d'autres (comme le cortex fronto-latéral). Ce qui pourrait déboucher sur une signature neurophysiologique. D'autres études, effectuées en recourant à l’IRM fonctionnelle mais aussi à la tomographie par émission de positons (TEP), suggèrent que l'activité opioïde pourrait être dysrégulée chez ces patients. Sur le plan thérapeutique...
les médicaments qui possèdent le plus haut niveau de preuve d'efficacité sont, comme dans les douleurs centrales, les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline...), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN : milnacipran, duloxétine...), et les gabapentinoïdes (prégabaline, gabapentine). Cependant, même ces médicaments « n'agissent que chez un patient sur trois environ et ont de nombreux effets secondaires », a souligné le Dr Clauw. La naltrexone à faible dose pourrait avoir une certaine efficacité. Enfin, les cannabinoïdes semblent prometteurs, et pourraient éviter les mésusages liés aux opioïdes. Intérêt du sport et des TCC Cependant, il est important d'utiliser des traitements non médicamenteux également afin de diminuer les conséquences fonctionnelles des symptômes : stress, réduction de l'activité physique, prise pondérale, troubles du sommeil, qui favorisent les processus nociceptifs surajoutés et peuvent majorer la douleur fibromyalgique. Les thérapies à l'effet le mieux démontré sont l'éducation thérapeutique, l'exercice aérobique et les thérapies cognitivo-comportementales. Puis de façon moins manifeste, l'exercice en endurance, l'hypnose, le biofeedback, le yoga, le tai-chi, la neuromodulation, l'acupuncture et les massages et thérapies manuelles. Des essais suggèrent aussi qu'une perte pondérale pourrait réduire la douleur et la fatigue associée.
Un programme en 10 modules a été développé à l'université du Michigan (www.fibroguide.com), qui explique ce qu'est la fibromyalgie, comment rester actif, se relaxer, bien dormir, communiquer... Un essai randomisé sur 118 patients fibromyalgiques a confirmé qu'il améliorait de 30 % la douleur et les performances fonctionnelles.
* The International Association for the Study of Pain **Nijs J, et al. Lancet Rheumatol 2021;3:e383-92.
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