Déficience intellectuelle : une évaluation rigoureuse nécessaire

26/11/2020 Par Corinne Tutin
Pédiatrie
Le diagnostic d’une déficience intellectuelle doit prendre en compte les capacités d’adaptation de l’enfant, ont rappelé des spécialistes lors du congrès de la Société française de pédiatrie (2 au 4 novembre). Les causes génétiques, aujourd’hui plus facilement identifiées grâce au séquençage haut débit, sont très nombreuses.​

« La déficience intellectuelle est un enjeu majeur car elle concerne un million de personnes en France et 2 % des enfants qui naissent vont révéler un trouble du développement intellectuel », a rappelé le Pr Vincent Desportes, neuropédiatre au CHU de Lyon. Cette déficience se définit par une limitation du fonctionnement intellectuel (QI inférieur à 70) associée à une limitation du comportement adaptatif, a précisé Nathalie Touil, neuropsychologue à Lyon. On analysera en fonction de l’âge de l’enfant, ses capacités de compréhension, visuo-spatiales, sa mémoire, son langage ainsi que son comportement, son autonomie, ses compétences socio-émotionnelles, la présence ou non d’une anxiété de façon à proposer une prise en charge individualisée en s’appuyant sur ses points forts. La diversité culturelle ne doit pas être oubliée car, le multilinguisme peut entraîner un léger décalage dans l’apparition du langage, le sens de l’écriture de la langue peut influencer les résultats. Il faut savoir aussi que la conception de l’intelligence varie dans le monde, les parents anglophones et asiatiques mettant ainsi au premier plan les compétences cognitives, tandis que les parents latino-américains privilégient les compétences sociales. Le diagnostic est compliqué car les troubles du neurodéveloppement sont souvent intriqués. Ainsi, 30 à 40 % des troubles du spectre de l’autisme (TSA) s’associent à un trouble du développement intellectuel (TDI). Les enfants avec un TDI peuvent aussi présenter un déficit de l’attention, de la coordination, du langage, des troubles sensoriels, une épilepsie, des troubles du sommeil ou de l’alimentation ou des troubles de l’humeur. Il faudra rechercher une précarité sociale, accompagner les parents pour les aider à mieux faire face à cette situation difficile sans adopter des attitudes de surprotection. L’examen somatique complet (bilan ORL, bucco-dentaire, neurologique..., cutané), vérifiera aussi, grâce à des échelles, que les enfants ne présentent pas de douleur, ce qui est fréquent. Des sites comme ceux du réseau Lucioles (www.reseau-lucioles.org), Ma santé facile (www.santefacile.fr), Sante BD Santé (www.santebd.org), Prader-Willi France (www.prader-willi.fr), peuvent aider les professionnels à expliquer les examens de santé aux familles.   Pouvoir nommer la maladie « Très peu de pathologies avec un trouble cognitif sont accessibles à un traitement, y compris préventif, si l’on excepte la phénylcétonurie et l’hypothyroïdie congénitale qui sont dépistées. L’identification de l’étiologie pourra toutefois permettre de mieux comprendre comment l’enfant fonctionne car les profils cognitifs et langagiers peuvent différer selon les syndromes, par exemple entre une trisomie 21, et un syndrome de Prader-Willi ou du X fragile », a souligné le Pr Desportes. « Répondre à la question du pourquoi, nommer la maladie ou l’anomalie génétique en cause a un intérêt pour les parents », a corroboré le Dr Delphine Heron, généticienne à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. « L’identification de la maladie pourra rompre leur isolement grâce aux réseaux sociaux, aux associations de patients. » « Cependant, la recherche d’une anomalie génétique devra avoir été préparée, car l’annonce d’une cause génétique peut être un choc pour les parents, notamment si elle survient trop tôt et que l’enfant est jeune ». Sur le plan médical, la découverte de l’étiologie pourra avoir l’avantage de fournir une idée grossière du pronostic, d’éviter les sur-handicaps en dépistant les malformations associées, d’adapter les rééducations, de permettre la participation à...

des essais thérapeutiques, et bien évidemment, de proposer conseil génétique et éventuellement diagnostic prénatal. La majorité des troubles génétiques du neurodéveloppement sont néanmoins d’origine accidentelle et non liés à une maladie génétique héréditaire (c’est-à-dire transmissible à la descendance), a insisté le Dr Heron. Auparavant, on estimait que 25 % des déficiences intellectuelles sont acquises (infections, traumatismes, toxiques, ischémiques), 25 % génétiques et 50 % indéterminées. « La part des causes génétiques est probablement bien plus forte », a estimé le Dr Heron, parmi lesquelles 5 à 15 % d’anomalies chromosomiques, 5 à 10 % de remaniements génomiques, 10 à 25 % de formes monogéniques, 5 à 10 % d’entités syndromiques. Plusieurs examens génétiques peuvent être demandés. Le caryotype peut repérer une trisomie 21 mais ne visualisera pas les anomalies de moins de 5 mégabases. On peut réaliser une analyse cytogénétique par puces à ADN (ACPA, ou CGH ou CGH-Array), dont la résolution est plus importante et de l’ordre de 50 kilobases, ou passer à l’analyse biomoléculaire par séquençage ciblé sur un gène ou, depuis 2011, par séquençage haut débit. « Une révolution, car, a expliqué le Dr Heron, il permet de lire en une fois, soit un panel de gènes de déficiences intellectuelles préalablement établi, soit toutes les séquences codantes d’un gène (exome) ou même tout le génome, alors qu’auparavant on ne pouvait étudier que des gènes connus ». Plus de 100 gènes ont été repérés sur le chromosome X, ainsi que plus de 300 gènes récessifs et plus de 200 gènes dominants (mutations de novo). Mais, à l’exception du X fragile (1 à 2 % des cas), chaque gène est responsable de moins de 1 % des cas de déficience intellectuelle.   Les limites de l’analyse génétique L’analyse génétique conserve toutefois des limites, qu’il faudra expliquer au préalable aux parents, comme le fait que certaines régions du génome peuvent ne pas être lues et des diagnostics non faits, et que certains variants trouvés sont de signification indéterminée. Le nombre de variants génétiques est en effet très important dans le génome (3 à 4 millions). Un autre problème est celui représenté par les données secondaires ou incidentales, des données sans rapport avec l’indication, la question éthique étant de savoir s’il faut les rechercher de manière active, en particulier celles pour lesquelles on pourrait proposer un geste préventif. Ce débat concerne tout particulièrement les gènes de prédisposition au cancer ou aux maladies cardiaques. L’algorithme diagnostique consiste aujourd’hui, après évaluation clinique par un neuropédiatre et/ou un généticien clinicien, à rechercher systématiquement un syndrome de l’X fragile dans les 2 sexes et après une ACPA à passer au séquençage d’exome (ou encore, dans certaines régions françaises, à l’analyse sur panel de gènes). Deux plateformes, situées à Paris et à Lyon, assurent le séquençage haut débit sur génome. « Le rendement du diagnostic étiologique génétique a beaucoup augmenté et a dépassé 60 % actuellement », a précisé le Dr Heron. En dépit du grand nombre d’étiologies génétiques, la recherche thérapeutique existe. « Des grandes familles de gènes ont été reconnues, des voies de signalisation identifiées, qui pourraient ouvrir la voie à des pistes thérapeutiques. Des essais thérapeutiques sont ainsi conduits sur le X fragile », a complété le Dr Heron.

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