Deuxième groupe de maladies liées au travail après les troubles musculo-squelettiques, le burn out reste une entité floue et souvent mal reconnue par les professionnels de santé. C’est pourquoi la Haute Autorité de santé vient de publier une fiche mémo qui contient des recommandations pour améliorer le repérage et la prise en charge de ce syndrome complexe.
Si les suicides de soignants font régulièrement la Une de l’actualité, le "burn out" reste une entité floue pour beaucoup de praticiens. "Il est mal connu, difficile à repérer, parfois diagnostiqué à tort ou confondu avec d’autres troubles psychiques", reconnaît ainsi la Haute Autorité de santé (HAS), qui vient donc de publier ses premières recommandations sur le sujet. Ce document, sous forme de fiche mémo, s’adresse à la fois aux médecins traitants et aux médecins du travail, et vise à leur permettre de "repérer les symptômes et de dresser le bon diagnostic, afin de proposer une prise en charge personnalisée et d’aider au retour au travail".
Un diagnostic difficile
En effet, après les affections de l’appareil locomoteur, la souffrance psychique causée ou aggravée par le travail représente le 2e groupe d’affections d’origine professionnelle décrit dans la population salariée active française. Même s’il ne constitue pas une maladie en tant que telle dans les classifications de référence (CIM-10 et DSM-5), l’existence du "syndrome d’épuisement professionnel" ou "burn out" est actuellement bien reconnu. Il s’agit d’un processus de dégradation du rapport subjectif au travail. Il est caractérisé par "un épuisement physique, émotionnel et mental profond, causé par un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes", avancent les experts de la HAS. Et ses conséquences sont majeures tant sur le plan socioprofessionnel qu’affectif, et peuvent aller jusqu’au suicide. Cependant, la diversité de ses manifestations, qui peuvent être totalement différentes d’un individu à l’autre, leur installation progressive, voire insidieuse, et leur non spécificité, font que le diagnostic du burn out est souvent difficile à porter de façon formelle : "il peut souvent passer inaperçu, être diagnostiqué à tort ou encore traité de façon inadéquate", souligne la HAS. Les principaux symptômes sont souvent d’ordre émotionnel avec des éléments pouvant s’apparenter à l’anxiété ou la dépression (tristesse, hypersensibilité, absence d’émotion...). Peuvent s’y ajouter les troubles cognitifs (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration...), ou comportementaux (isolement social, comportement agressif ou violent, diminution de l’empathie, comportements addictifs...). Sur le plan professionnel, on retrouve fréquemment une remise en cause professionnelle, une dévalorisation de soi, ou un désengagement. Enfin, des éléments physiques sont à rechercher : troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques, gastro-intestinaux.... Ces symptômes peuvent être assimilés à une dépression, des troubles anxieux ou un stress post-traumatique. Le diagnostic de burn out repose donc aussi sur l’identification d’un contexte professionnel et/ou personnel particulier. Il peut s’agir de conditions de travail mal supportées : intensité et organisation du travail difficiles, exigences émotionnelles, autonomie et marge de manœuvre restreintes, problèmes relationnels dans le travail, conflits de valeurs, insécurité de l’emploi... On recherchera aussi des antécédents personnels et familiaux - notamment antécédents dépressifs -, des événements survenus dans la vie personnelle. Et on étudiera le soutien de l’entourage.
Le cas particulier des soignants
De nombreuses études ont mis en évidence une morbidité particulièrement élevée chez les professionnels de santé, qu’ils soient en activité ou en formation. Cela est lié à la nature même de l’activité médicale (confrontation avec la souffrance et la mort, prises en charge impliquant l’entrée dans l’intimité des patients, etc.) et/ou à l’organisation et à la charge de travail. "Différents facteurs rendent les professionnels de santé vulnérables : demande de performance, image du soignant infaillible, valeurs d’engagement et d’abnégation, injonctions contradictoires, dispositifs de soin complexes et évolutifs, tensions démographiques, insécurité, etc.", détaille la HAS.
Personnaliser la prise en charge
C’est le médecin traitant qui est au cœur de la prise en charge du burn out. La première étape, après avoir identifié les manifestations du syndrome, est d’écarter l’hypothèse d’une maladie physique. Il faudra ensuite évaluer la sévérité des symptômes et en particulier le risque suicidaire. Le maitre mot de la prise en charge du burn out est sa "personnalisation" au patient. En effet, vu l’étendue des manifestations possibles, elle doit être individualisée et tenir compte des éventuelles pathologies associées, de l’historique du patient et de son travail. Différentes modalités sont envisageables. Le traitement médicamenteux ne doit pas être la priorité. La prise en charge repose principalement sur un arrêt de travail, dont la durée est adaptée à l’évolution du trouble et au contexte socio-professionnel, associé à la combinaison d’interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles (thérapies cognitivo-comportementales, relaxation, médiation pleine conscience, …). Les antidépresseurs peuvent être prescrits, "mais uniquement si le burn-out est associé à des troubles anxieux ou dépressifs", précise la HAS. En outre, l’intervention d’un psychiatre peut s‘avérer nécessaire pour les cas complexes ou sévères, pour une réévaluation des traitements médicamenteux ou pour une poursuite d’arrêt maladie. L’objectif de cette prise en charge est le retour au travail. Pour cela, l’anticipation et la préparation sont nécessaires, en analysant le poste et les conditions de travail. Cela permettra ainsi de juger de la nécessité d’éventuelles actions de prévention individuelle et/ou collective. Concrètement, "avant le retour au travail, il est recommandé d’organiser une (ou plusieurs) visite(s) de pré-reprise avec le médecin du travail, détaille la HAS. A l’issue de la visite de pré-reprise, le médecin du travail pourra recommander des aménagements ou adaptations du poste de travail, voire des mesures visant à faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle. Un suivi régulier impliquant le médecin du travail, le médecin traitant et, le cas échéant le psychiatre, est indispensable pour aider au maintien dans l’emploi du patient".
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