Selon l’enquête conduite sur l’état de la prise en charge de la douleur depuis le déclenchement du plan d’urgence sanitaire auprès des 243 structures spécialisées douleur chronique (SDC), près de la moitié des soignants ont changé de poste, et les deux tiers d’entre eux sur la base du volontariat. Beaucoup ont été impliqués dans de nouveaux dispositifs, des secteurs Covid, en première ligne, avec un grand nombre d’astreintes et de gardes. Télé et visioconférences ont été, à cette période, particulièrement précieuses. Autre enseignement de l’enquête, 70 % seulement des effectifs des SDC ont été reconstitués au cours de l’été 2020, et le déficit en psychologues et en infirmiers est désormais avéré. « Un dévissage des professionnels qui oblige à revoir le recrutement de ces structures », prévient le Pr Pierrick Poisbeau (CNRS/Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, Strasbourg). A la fin de l’été, le délai pour une consultation spécialisée s’était allongé d’un mois, s’établissant à 4,3 mois. Des tensions d’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux (pompes, analgésie, sédatifs, etc.) ont par ailleurs été notifiés, notamment pendant la crise. Douleurs neuropathiques et virus « Même si les données sont encore éparses en matière de douleur chronique, prévient le Pr Nadine Attal, responsable du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’Hôpital Ambroise Paré à Boulogne (92), l’infection Covid majore probablement les douleurs préexistantes et ce, pour plusieurs raisons : conséquences psychologiques du confinement, mais aussi arrêt de certains traitements (stimulation transcrânienne, rééducation, prise en charge psychologique, etc.) ». Le virus Sars-Cov-2 a également des effets propres sur le système nerveux, les douleurs post-Covid pouvant être des douleurs chroniques post-réanimation (après un séjour prolongé à l’origine d’une fonte et des contractures musculaires, de lésions des nerfs périphériques liées à la position allongée, etc.), des douleurs neuropathiques (notamment carentielles), un syndrome douloureux fibromyalgique… Les liens entre fibromyalgie et virus, tels que constatés avec le virus Epstein-Barr par exemple, expliqueraient ici aussi les douleurs diffuses chroniques observées au décours de l’infection. « On peut s’attendre encore, anticipe-t-elle, à des douleurs neuropathiques directement dues au virus en raison de son tropisme neurologique (anosmie, agueusie, céphalées, syndrome de Guillain-Barré, etc.) ». Des études sont en cours pour objectiver ces douleurs spécifiques, de suite de séjour en réanimation. Un enjeu de taille tout au long de cette crise, la continuité des soins, permise par les outils numériques qui devront être accessibles à l’avenir au plus grand nombre. « Reste à inventer la façon de conduire une consultation à distance, palpation et prise de pression artérielle comprises », souligne le Dr Radouhane Dallel, Unité Inserm 1107 Neuro-Dol.
La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) participe à l’expérimentation dédiée au cannabis thérapeutique, autorisée depuis le 9 octobre, qui devrait débuter au 1er trimestre 2021. « Au moins 700 patients douloureux chroniques, sans doute ceux qui sont dans les files actives des SDC (50 d’entre eux), précise le Pr Attal, seront suivis pendant 6 mois, et le médicament sera testé sous différentes formes : gélules, formes sublinguales et fleurs séchées vaporisées ».
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) passe en revue actuellement les fournisseurs, nécessairement des laboratoires. Plusieurs ratios en produits actifs seront utilisés, avec tétrahydrocannabinol (THC) ou cannabidiol (CBD) dominant, pour allier efficacité des THC et tolérance du CBD. « Des médicaments destinés en priorité donc aux patients les plus sévères, souffrant de lésions du système nerveux (SN) périphérique (zona, chirurgie, etc.) ou du SN central (SEP, post-AVC, etc.), réfractaires aux traitements de 1ère et 2ème intention, médicamenteux ou non, le critère primaire d’évaluation étant la faisabilité », ajoute le Pr Attal.
En plus des douleurs neuropathiques, indique l’ANSM, l’expérimentation vise les indications suivantes : certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, les soins de support en oncologie et les situations palliatives.
*En prélude au 20è Congrès de la SFETD du 18 au 20 novembre à Lille
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