Depuis 2006, parmi les personnes hypertendues traitées, aucune amélioration du contrôle de l’HTA n’est observée et la proportion de femmes traitées a diminué de manière importante.
C’est un constat sévère sur la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) que dresse le dernier numéro du BEH (n° 10, 24 avril 2018). Depuis 2006, aucune diminution de la prévalence de l’HTA n’a été observée en France, avec toujours un adulte sur trois hypertendu, contrairement à la diminution observée dans la plupart des autres pays. De plus, aucune amélioration du dépistage et de la prise en charge de l’HTA n’a pu être mise en évidence. Plus de la moitié des personnes hypertendues n’ont aucun traitement antihypertenseur. Chez les femmes, la prise en charge thérapeutique s’est même dégradée depuis une dizaine d’années. Ces mauvais résultats sont issus de l’étude nationale Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition), une enquête transversale menée en France entre 2014 et 2016 auprès d’adultes âgés de 18 à 74 ans. Cette étude incluait une enquête par questionnaires en face à face, par auto-questionnaires, une enquête alimentaire et la réalisation d’un examen de santé. L’un des objectifs était d’estimer la prévalence de l’HTA en France, son dépistage et sa prise en charge en 2015 et d’en étudier les évolutions depuis l’Etude nationale nutrition santé (ENNS) de 2006. La pression artérielle (PA) était mesurée lors de l’examen de santé, réalisé dans un centre d’examen de santé ou à domicile. Parmi les 3 021 adultes ayant réalisé la première visite à domicile, 2 169 ont été inclus dans l’analyse de la pression artérielle (974 hommes et 1 195 femmes). L’âge moyen des personnes incluses était de 46,9 ans (47,2 chez les hommes et 46,6 chez les femmes). Plus de 84% des personnes déclaraient avoir eu une mesure de la PA dans l’année précédant l’examen de santé. Cependant, parmi les personnes hypertendues, seule 1 sur 2 avait connaissance de son HTA (55%). Cette proportion était plus importante chez les femmes (62,9%) que chez les hommes (50,1%). Parmi les personnes hypertendues déclarant avoir connaissance de leur HTA, près de 30% n’étaient pas traitées par un médicament à action antihypertensive. Ce résultat ne différait pas entre les hommes et les femmes. La proportion de personnes hypertendues traitées, indépendamment de la connaissance de la pathologie, n’était que de 47,3% [45,1-54,8]. Enfin, près de 15% des personnes traitées par un médicament antihypertenseur ne déclaraient pas d’HTA connue. Chez les personnes traitées, seulement la moitié avait une pression artérielle contrôlée, abaissée sous le seuil recommandé des 140/90 mmHg. Le contrôle de la pression artérielle était meilleur chez les femmes (60,1%) que chez les hommes (41,4%). Chez les sujets âgés de 65 à 74 ans, seul 1 homme traité sur 3 avait une pression artérielle suffisamment abaissée. Parmi les personnes hypertendues, 37,5% présentaient un facteur de risque supplémentaire, majoritairement la sédentarité et l’obésité ; 19,8% présentaient deux autres facteurs de risque et 4,2% cumulaient trois facteurs de risque en plus de l’HTA. "Depuis la précédente enquête de 2006, la valeur moyenne de la PA systolique est restée stable chez les hommes mais elle a significativement augmenté chez les femmes dans toutes les classes d’âge jusqu’à 64 ans (<0,0001)" soulignent les auteurs, Anne-Laure Perrine, Camille Lecoffre, Valérie Olié (Santé publique France) et Jacques Blacher (Centre de diagnostic et de thérapeutique, Hôtel-Dieu, AP-HP) . Si la prévalence de l’HTA n’a pas évolué depuis l’enquête ENNS (30,6% vs 31% dans ENNS), la proportion de personnes avec une HTA connue traitée à diminué de manière significative entre les deux études (72,6% vs 82,0% dans ENNS). Les auteurs notent que "cette diminution était complétement imputable aux femmes, chez lesquelles la proportion d’hypertendues connues traitées est passée de 86,6% dans ENNS à 70,7% dans Esteban. De la même manière, la proportion de femmes avec une HTA traitée a diminué de manière significative entre 2006 et 2015, notamment chez les plus âgées (53,2% vs 72,3% dans ENNS)". Parmi les personnes hypertendues traitées, aucune amélioration du contrôle de l’HTA n’était observée depuis 2006 (49,6% vs 50,6% dans ENNS). Selon les auteurs, "cette diminution du nombre de femmes traitées est un signal assez défavorable concernant la prise en charge de l’HTA en France". Et ailleurs Dans les pays à revenus élevés, la prévalence de l’HTA s’établissait en 2010 à 31,5% chez les hommes et 25,2% chez les femmes. La prévalence observée dans l’étude Esteban est très proche pour les femmes (25,1%) mais supérieure pour les hommes (36,5%). En matière de prise en charge, la proportion de personnes hypertendues traitées pharmacologiquement est plus basse en France (47,3%) que dans la moyenne des pays de même niveau socioéconomique (55,6%). Cette différence est particulièrement marquée chez les femmes : 49,1% en France vs 61,7% dans les autres pays à revenus élevés. Autre résultat problématique, près de 27% des personnes connaissant leur HTA en France n’avaient aucun remboursement de traitement antihypertenseur. Les auteurs concluent que "dans ce contexte, il est primordial de poursuivre les efforts de prévention en matière d’activité physique et de nutrition, principaux déterminants de l’HTA, et d’identifier les causes de la diminution de la proportion de femmes hypertendues traitées afin de pouvoir améliorer, de manière significative, la prise en charge de cette pathologie".
La suppression, en juin 2011, de l’ALD12 (hypertension artérielle sévère) de la liste des affections de longue durée (ALD) pourrait avoir influé sur la proportion de personnes traitées pour HTA, selon les auteurs de l’article du BEH. En effet, si l’impact financier reste minime pour les bénéficiaires d’une couverture complémentaire, cette suppression de l’ALD12 entraine une hausse du reste à charge pour les autres patients. De plus, la suppression de la « reconnaissance » de la pathologie par une ALD pourrait entrainer une moindre incitation des patients à initier ou poursuivre leur traitement. Néanmoins, aucune étude n’a, pour le moment, mis en évidence d’impact de cette suppression sur la prise en charge de l’HTA en France.
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