Sars-CoV-2 : ce que l’on sait actuellement sur le plan virologique et immunologique
Afin d’anticiper et d’épauler l’expertise scientifique de la Haute Autorité de Santé (HAS), un groupe de travail, constitué de membres de la Commission technique des vaccinations, a été mis en place, afin de bénéficier d’un état des lieux des connaissances scientifiques sur le Sars-CoV-2. Il s’agit en particulier de faire le point sur les éléments virologiques (type de virus, variabilités génétiques, …) et immunologiques (types de réponses, plateformes vaccinales…), qui seront modifiés au fur et à mesure des nouvelles données disponibles. Le Pr Agnès Gautheret-Dejean (microbiologiste, membre de la Commission technique des vaccinations de la HAS) a ainsi rappelé, lors d’une conférence de presse de présentation de ce document, que le Sars CoV-2 est un virus ARN, qui appartient à la famille des coronaviridae. Six autres coronavirus peuvent d’infecter l’Homme : Sars-CoV-1, Mers-CoV, HKU1, OC43, NL63 et 229E. Le Sars-CoV-2 a la particularité, comme Sars-CoV-1 et le Mers-CoV dont il est proche de se répliquer au niveau du parenchyme pulmonaire et donc d’entrainer des atteintes pulmonaires potentiellement létales, contrairement aux autres coronavirus « banals », qui ne se répliquent qu’au niveau des voies aériennes respiratoires supérieures (Vars), et ne sont responsables que de rhume. Cependant, le Sars-CoV-2 est aussi capable à se multiplier au niveau des Vars.
C’est un virus à ARN messager. Ce dernier est entouré d’une enveloppe, dont la protéine de surface spike - ou S - se fixe sur le récepteur cellulaire ACE2, qui est exprimé dans de nombreux tissus. De façon générale, les virus à ARN sont assez variables génétiquement. Des mutations ponctuelles peuvent être liées à des erreurs de l’enzyme à l’intérieur de la cellule, ainsi qu’à des recombinaisons (2 virus rentrent dans une cellule et on obtient un génome mosaïque ; cela entraine de gros changement génétiques). Cependant, il semble que son taux de mutation soit inférieur à celui observé pour le VIH ou le virus influenza, probablement en lien avec l'existence d'une activité correctrice. Des réponses immunitaires variables en fonction de la sévérité de la clinique Le Pr Jean Daniel Lelièvre (immunologiste, membre de la Commission technique des vaccinations de la HAS) a fait le point sur les aspects immunologiques. Pour cet expert, si la mise au point d’un vaccin a été si rapide, c’est principalement grâce au fait que le Sars-Cov-2 n’est pas très différent du Sars-CoV et du Mers-CoV, dont les réponses immunologiques ont déjà été analysées. La réponse immunitaire vis-à-vis du Sars-CoV-2 est à la fois humorale et cellulaire. Elle repose en particulier sur la présence d’anticorps neutralisants, dirigés essentiellement contre la protéine spike, qui bloquent la pénétration du virus dans la cellule. La réponse anticorps est essentiellement de type IgA et IgG, (réponse IgM moins importante). Chez les patients symptomatiques, le pic de séroconversion se situe à J14. Chez les patients moins symptomatiques, il apparait plus décalé dans le temps. Et il est même possible ne pas retrouver d’anticorps spécifiques chez les patients pauci ou asymptomatiques. Une activation des macrophages, via des anticorps facilitants, est aussi parfois observée, à l’origine de l’orage inflammatoire caractéristique des formes graves de Covid. Au lieu de bloquer l’infection, ces anticorps facilitants l’aggravent. Ils pourraient donc constituer une source d’inquiétude dans le cadre de la mise au point du vaccin. Cependant, selon le Pr Lelièvre, pour le moment, ni les modèles animaux, ni les essais cliniques n’ont mis en évidence ce phénomène. La réponse cellulaire est lymphocytaire T à la fois CD4+ et CD8+. Elle est plus fréquente que la réponse anticorps, étant retrouvée également chez les patients asymptomatiques. Et contrairement à ce qui est observé pour les anticorps, on retrouve une réactivité croisée notable de la réponse spécifique cellulaire anti-Sars-CoV-2 à l’égard des coronavirus banals.
Par ailleurs, les auteurs du rapport confirment que le nombre de cas rapportés de réinfection clairement documentée reste « anecdotique ». Les raisons de ces réinfections ne sont pas connues : « absence de réponse adaptative initiale, perte de celle-ci ou sélection de variants viraux résistants à cette réponse » évoquent les spécialistes. Le point sur les vaccins Les plateformes vaccinales « classiques » sur lesquelles sont actuellement réalisés certains essais de candidat-vaccin contre le Covis sont de 3 types :
- Vaccin vivant atténué, le virus étant alors non pathogène. Ce procédé est celui utilisé pour le vaccin contre la polio oral, ou celui contre la fièvre jaune. Mais ce type de vaccin est compliqué à produire, nécessitant, en particulier, un laboratoire de sécurité. En conséquence, peu d’équipe développent ce type de vaccin.
- Vaccin inactivé (par procédés chimiques). C’est celui utilisé pour le vaccin de la polio injectable. Des équipes chinoises travaillent actuellement sur ce procédé.
- Enfin, le vaccin protéique, qui consiste en l’injection d’une petite partie du virus, en l’occurrence la protéine de surface spike. Ce type de technique est aussi utilisé pour le vaccin de l’hépatite B ou contre le papillomavirus. Il utilise des vecteurs viraux.
« La technologie de ces vaccins classiques est bien connue et leur production à grande échelle selon les normes de bonnes pratiques de fabrication est relativement simple pour les vaccins protéiques » précisent les auteurs du rapport. En outre, dans le contexte de pathologies émergentes, ont été développées des plateformes capables de produire rapidement des vaccins, et ne nécessitant pas de doses importantes. Ces vaccins utilisent des fragments géniques codant des protéines d’intérêt. On en distingue deux types : les vecteurs viraux (virus rendus non pathogènes qui intègrent une séquence nucléique) ; et les vaccins nucléiques (ADN et ARN). « Les vaccins ARN sont sans doute les moins avancés en termes d’ancienneté de développement mais ont l’avantage d’un profil de sécurité optimal (du fait de leur traduction dans le cytosol des cellules, ils ne doivent pas pénétrer dans les noyaux cellulaires et le risque de voir leur matériel génétique incorporé au génome de l'hôte est écarté) et d’être par essence particulièrement inducteurs de signaux de danger au sein de la cellule hôte » détaillent les spécialistes. En outre, les vaccins vivants atténués, les vaccins ARN et ceux fondés sur l’utilisation d’un vecteur viral, ont l’avantage de ne pas nécessiter l’ajout d’un adjuvant. Globalement, en s’appuyant sur les données actuellement disponibles, la capacité des candidats-vaccins à induire une réponse immunitaire semble « très bonne », de même que leur tolérance. Seuls des effets modérés et classiques ont été observés (fièvre modérée, douleur locale, …). « On n’a pas de raison de croire que les résultats ne sont pas conformes à ce qui est donné par les labos » assure le Pr Lelièvre. Cependant, du fait de la diversité des techniques utilisés, il est impossible avec les données actuelles de comparer entre eux les différents candidats vaccins. En outre, il reste à connaitre les effets de ces produits dans les différentes populations, par exemple, chez les sujets âgés, les enfants, ou encore les femmes enceinte, qui ont été peu étudiés. Intérêt d’un vaccin muqueux En outre, si ces vaccins semblent avoir une efficacité sur le plan individuel, en limitant les formes graves de l’infection et les décès, nous n’avons pas encore de données sur l’impact des vaccins au plan collectif, c’est-à-dire sur le portage du virus et sa transmission. Dans cette optique, le développement de vaccin à administration muqueuse pourrait avoir un intérêt, en agissant directement sur les lieux de la contagiosité. Des vaccins muqueux sont en cours de développement. Le problème principal auquel ils sont confrontés ces produits est une mauvaise tolérance. Plusieurs candidats vaccins « muqueux » anti-Sars-CoV-2 ont montré une efficacité dans les modèles animaux, mais seuls deux vaccins de ce type sont actuellement en phase 1 de développement chez l’Homme.
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