[CONGRES DE L'EULAR] Le congrès de la Ligue européenne contre les rhumatismes (Eular), qui s’est déroulé à Madrid du 12 au 15 juin 2019, a confirmé que, dans l’arthrose, la recherche de traitements se poursuit, alors que le nombre de médicaments disponibles se réduit. Divers agents modifiant le métabolisme osseux ou cartilagineux, limitant la douleur ou l’inflammation, sont en développement. Trouver de nouvelles solutions thérapeutiques est indispensable dans l’arthrose. La maladie connait en effet un développement considérable dans le monde, ce qui est source d’une charge croissante pour la société. En outre, il s’agit d’une maladie sérieuse qui s’associe à un excès de mortalité, notamment cardiovasculaire en comparaison de la population générale, a rappelé le Pr Francis Berenbaum (Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris). Une étude américaine conduite à partir d’analyses de squelettes a, par exemple, observé que 8 % des individus de plus de 50 ans présentaient des signes de gonarthrose à la période préhistorique (6000-300 before present), 6 % à la période pré-industrielle (1800-1900) et 16 % depuis la période post-industrielle (fin des années 1900 au début des années 2000) (1). "Ce doublement de prévalence de l’arthrose met probablement en cause d’autres facteurs liés à l’environnement que l’obésité et qu’il faudra identifier", a indiqué le Pr Berenbaum. Que faire ? En premier lieu, proposer les traitements non pharmacologiques tels qu’exercice, réduction du poids, aide à la marche au besoin avec des dispositifs techniques. Les recommandations de l’Eular (qui concernent aussi les patients avec une polyarthrite rhumatoïde (PR) ou un rhumatisme psoriasique) préconisent en cas de gonarthrose ou de coxarthrose la pratique d’exercices contribuant à améliorer santé cardiorespiratoire, force musculaire, souplesse et performances neuromotrices (2). Peu de moyens médicamenteux Sur le plan médicamenteux, "les moyens disponibles sont de moins en moins nombreux", a admis le Pr Berenbaum. De fait, une méta-analyse Cochrane (10 essais randomisés, 3541 patients), publiée en février 2019, a conclu que l’efficacité antalgique et fonctionnelle du paracétamol (pourtant conseillé en 1e ligne dans toutes les recommandations internationales) est faible (3). Une étude danoise réalisée à partir de 252 études de cohorte nationales a aussi suggéré que les anti-inflammatoires non stéroïdiens oraux (préconisés en 2e ligne) exposent non seulement à un risque cardiovasculaire accru au long cours, comme on le suspectait depuis longtemps, mais que le diclofénac pourrait majorer de 20 à 80 % à court terme la probabilité de survenue d’événements cardiovasculaires (4). En septembre 2018, l’ANSM a d’ailleurs rappelé aux prescripteurs français d’AINS la nécessité "d’évaluer au préalable les risques cardiovasculaires du patient" et "d’administrer les doses les plus faibles possibles et pour la durée la plus courte possible". En mars 2019, c’est le tramadol qui était à son tour visé avec la publication d’une étude décrivant un excès de mortalité (en comparaison des AINS) chez les patients arthrosiques de plus de 50 ans ayant pris cet antalgique (5). Dans ce contexte décourageant, "les améliorations ne peuvent venir que de l’innovation", a considéré le Pr Berenbaum. Fort heureusement, quelques cibles d’action ont été identifiées qui reposent sur le freinage du catabolisme osseux (voie WNT, cathepsine K), ou cartilagineux (inhibiteurs de métalloprotéases), l’activation de l’anabolisme ou la régénération du cartilage. "Pour le moment, agir sur l’inflammation en inhibant l’interleukine 1 a été un échec mais la cytokine ciblée n’était peut-être pas la bonne." Un essai de phase 2 b de 24 semaines, présenté en octobre 2018 par le Dr Yusuf Yazici (San Diego, États-Unis), lors du congrès de l’American College of Rheumatology, a rapporté des résultats intéressants sur le plan fonctionnel dans la gonarthrose, après injections intra-articulaires de lorecivivint, un inhibiteur de la voie WNT impliquée dans le catabolisme osseux. Le MIV-711, un inhibiteur sélectif de la cathepsine K, semble aussi prometteur. Le développement de la sprifermine est, quant à lui, "plus avancé". Cette molécule, qui active la production de cartilage par les chondrocytes en activant les récepteurs du fibroblast growth factor (FGF), a montré dans des résultats préliminaires de l’essai de phase 2 de 2 ans Forward, un effet structural dans la gonarthrose. La médecine régénérative, qui fait le buzz sur la toile, se développe aussi avec les injections de cellules mésenchymateuses, dont on espère qu’elles auront la capacité de se transformer en chondrocytes fabriquant du cartilage ou de sécréter des molécules anti-inflammatoires ou freinant les processus de dégradation osseuse. Une méta-analyse a conclu à la sécurité de cette stratégie thérapeutique et à ses effets positifs pour améliorer à 1 an scores de douleur et de fonction articulaire dans la gonarthrose (6). "Mais cela reste à vérifier dans un essai randomisé rigoureux", a insisté le Pr Berenbaum. C’est d’ailleurs l’objectif de l’étude Adipoa-2, qui va comparer en double aveugle chez 153 patients, suivis 25 mois, injection dans le genou de cellules mésenchymateuses (à 2 doses) et placebo. Une biothérapie antalgique Enfin, la lutte contre la douleur reste essentielle dans l’arthrose ; "20 % des patients avec une prothèse de genou continuent de se plaindre de douleurs chroniques". Le nerve growth factor (NGF), une neurotrophine qui intervient dans la transduction du signal douloureux semble être une bonne cible. L’analyse de plusieurs études cliniques de phase 3 contrôlées contre placebo, menées dans la gonarthrose ou la coxarthrose, vient de confirmer que le tanézumab, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le NGF, a une efficacité intéressante contre la douleur arthrosique (8). Cependant, étant donné un risque certes faible mais significatif d’arthrose rapidement progressive (1 à 3% des patients traités), liée probablement au fait que les patients ne ressentent plus la douleur, "la question sera de savoir à quels patients proposer en priorité cette biothérapie, que l’on administre sous la forme d’injections sous-cutanées toutes les 8 semaines". 1 - Wallace IJ, et al. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017;114:9332-9336. 2 - Rausch Osthoff A.K, et al. 2018 EULAR recommendations for physical activity in people with inflammatory arthritis and osteoarthritis. Ann Rheum Dis. 2018;77: 1251-1260. 3 - Leopoldino AO, et al. Cochrane Database of Systematic Reviews 2019, Issue 2. Art. No.: CD013273. 4 - Schmidt M, et al. BMJ 2018;362:k3426. 5 - Zeng C, et al. JAMA. 2019;321:969-982. 6 - Yubo M, et al. PLos One 2017.12(4): e0175449. 7- Tive L, et al. J Pain Res. 2019;12:975-995.
L’étude randomisée en double aveugle, Hope, menée chez 92 patients (dans 79 % des femmes) avec une arthrose des mains sévère s’accompagnant de synovite, suggère qu’une corticothérapie à faible dose permet de soulager une poussée inflammatoire douloureuse. Les patients ayant reçu 10 mg/j de prednisolone durant 6 semaines présentaient, en effet, un score de douleur nettement plus faible que les patient mis sous placebo (-16,5 points pour l’échelle visuelle analogique). Ce traitement a été bien toléré "et la fonction articulaire s’est significativement améliorée sous celui-ci (p = 0,01), de même que la qualité de vie", a rapporté le Dr Féline Kroon (Centre médical universitaire de Leiden, Pays-Bas). A 12 semaines, après arrêt (sur 2 semaines) de la corticothérapie, la différence avait néanmoins disparu entre les 2 bras.
D’après la communication de : F. Kroon (Leiden, Pays-Bas).
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