On connaissait les maisons de santé sans médecins. Voilà le centre de santé qui n'arrive pas à recruter. A Nogent-sur-Seine (Aube), la mairie a ouvert un centre municipal il y a deux ans. Pour soutenir le généraliste en poste, la ville cherche depuis plusieurs mois à recruter un nouveau venu. En vain.
La mairie de Nogent-sur-Seine n'en revient pas. En proposant un poste de médecin salarié au centre municipal de santé, les élus pensaient trouver rapidement preneur. Las, plusieurs mois plus tard, toujours rien. "Nous avons construit ce centre municipal de santé en 2015 pour palier le désert médical qui s'annonce. Depuis le 1er juillet 2015, nous avons un généraliste salarié mais nous cherchons à en recruter un second", explique Virginie Claudé, directrice adjointe à la mairie de Nogent-sur-Seine. La mairie indique que le budget annuel pour le fonctionnement du centre est de 320 000 euros. 70 euros bruts de l'heure Cette ville de 6 200 habitants compte encore cinq médecins, mais deux d'entre eux pensent à prendre leur retraite. Pour tenter d'appâter une nouvelle recrue, la mairie s'est rapprochée des universités de Paris, de Reims, de Dijon et de Nancy. Elle met en avant un "cadre de vie exceptionnel", des écoles, des lieux de loisirs, un tissu associatif dense et même un musée Camille Claudel. En vain. La ville a alors pensé à proposer des vacations au CMS, payées 70 euros bruts de l'heure, en mettant a disposition un cabinet, le matériel et le secrétariat. Sans plus de succès. Si on considère que la moyenne en médecine libérale est d'environ 4 actes par heure, on visualise tout de suite le gap. Comment expliquer, alors, ces difficultés ? Une rémunération insuffisante ? "Nous nous basons sur la grille de la fonction publique territoriale" assure Richard Journet, collaborateur au cabinet du maire. Et la grille commence autour de 45 000 euros bruts annuels, pour un médecin fraîchement diplômé. "On peut négocier selon l'expérience du candidat", assure le collaborateur du maire. "Proposer un poste de médecin salarié ne fait pas tout, rappelle le Dr Yannick Schmitt, vice-président de Reagjir. Avec le problème de démographie que l'on connaît, on va avoir du mal à combler les trous, même en salariat." "Un peu comme à l'usine" Pourtant, le médecin généraliste en poste l'assure, les besoins sont là, et le confort dans l'exercice aussi. "Il est impératif de trouver un second médecin. Mes rendez-vous sont pris une semaine à l'avance", confie le Dr Michel Randrianjafy. Arrivé de Madagascar en 1999, ce généraliste âgé de 58 ans, a d'abord exercé une quinzaine d'années à l'hôpital. "C'était un peu comme à l'usine. Il faut faire tourner. On dit qu'on finit à 18 heures, et il reste toujours des choses à faire après…", se souvient-il. Aujourd'hui, il apprécie ses nouvelles conditions de travail. Avec des consultations qui durent de 15 à 20 minutes, sans paperasse à faire, il reçoit une trentaine de patients par jour. "Parfois plus". Surtout quand toute une famille se présente alors qu'un seul rendez-vous a été pris. "Ça arrive souvent, commente le Dr Randrianjafy en souriant. Mais ça n'est pas grave, on s'arrange." Pour ce travail, et du fait de son expérience, le médecin touche autour de 6 000 euros mensuels et bénéficie de cinq semaines annuelles de congés payés. "Dès juillet 2018, met en avant Virginie Claudé, un pôle de santé ouvrira à Nogent-sur-Seine". Il intégrera le centre municipal de santé, des cabinets dentaires, un laboratoire d'analyses, des infirmières... Quatre des cabinets seront proposés en accession à la propriété. L'un d'eux a déjà été réservé par un futur généraliste, encore étudiant, qui a grandi à Nogent-sur-Seine. "Il n'y a pas grand-chose dans l'Aube" Tout comme l'équipe municipale, le Dr Randrianjafy s'étonne des difficultés à recruter un médecin salarié mais avance des explications. "Quand j'échange avec des jeunes qui vont s'installer, ils me disent qu'ils préfèrent l'hôpital. Ils ont l'habitude des grandes villes", glisse-t-il. Le Dr Schmitt, de Reagjir, fait la même analyse. "Vu la localisation, ça ne m'étonne pas qu'ils aient du mal à recruter. On est dans l'Aube, c'est l'un des départements qui le plus de mal à attirer des nouveaux médecins. Faut dire qu'il n'y a pas grand-chose dans l'Aube…", souligne Yannick Schmitt, faisant fi du musée Camille Claudel, des gymnases et du théâtre de Nogent-sur-Seine. "L'attractivité, ce sont les grandes villes, les CHU à proximité. En 2016, il y a eu 923 médecins inscrits dans le département de l'Aube. Contre 5 600 dans le Bas-Rhin, par exemple." Sans oublier, qu'à trois heures de route de Nogent-sur-Seine, le département de Saône-et-Loire fait depuis quelques mois, lui aussi, une grosse campagne pour recruter non pas un mais 30 médecins généralistes. Avec un budget très conséquent pour assurer la publicité de cette annonce. "Ils se font sûrement concurrence, note Yannick Schmitt. Et la rémunération que propose la Saône-et-Loire, adossée sur la grille de la fonction publique hospitalière, est plus intéressante que la territoriale…"
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