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Proposition de loi Garot: les députés rejettent la régulation à l'installation des médecins en commission

Réunis en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, ce mercredi 26 mars, les députés ont adopté une proposition de loi Garot vidée de sa substance. En effet, sa mesure phare qui vise à réguler l'installation des médecins a été rejetée. Le rétablissement de l'obligation de permanence des soins ambulatoires a, en revanche, été approuvée.

26/03/2025 Par Louise Claereboudt
Politique de santé
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Faut-il réguler l'installation des médecins pour répondre à la problématique des déserts ? La question a divisé les députés de la commission des Affaires sociales, réunis ce mercredi matin pour examiner la proposition de loi transpartisane portée par Guillaume Garot (PS). Le texte, cosigné par 256 députés de tous bords (à l'exception du Rassemblement national), prévoit de mettre en place une autorisation préalable à l'installation ou à l'exercice qui serait délivrée par les agences régionales de santé. "Elle serait automatique lorsque le médecin viendrait s'installer dans une zone sous-dotée, mais elle serait subordonnée à l'arrêt de l'activité d'un médecin [pratiquant la même spécialité, NDLR] dans les zones suffisamment dotées", a expliqué le chef de file du groupe transpartisan, créé en juillet 2022.

Également rapporteur, Guillaume Garot a souligné, en préambule de l'examen ce mercredi, "l'urgence" de la situation, "dans un pays où la santé a valeur constitutionnelle". "Pour huit millions de Français, la situation n'est plus supportable : pas de médecin traitant voire pas de médecin tout court, des départements entiers dépourvus de certaines spécialités, notamment de gynécologues, et en bout de chaine, il faut le dire, des urgences qui craquent sous la pression de patients qui n'ont plus d'autre choix pour se soigner." Le député de la Mayenne a insisté sur l'inégalité de répartition des médecins sur le territoire national, qui justifie, selon lui, que soit portée une solution "nouvelle", là où "les politiques d'incitation ne suffisent pas ou ne suffisent plus".

Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray

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Oui

Je vais me faire l'avocat du diable. On en a formés trop peu, trop longtemps. On le paye tous : Les patients galèrent à se soigne... Lire plus

"Nous avons laissé se créer ici des concentrations et là, des déserts", a déploré Guillaume Garot, prenant sa part de responsabilité dans ce qu'il décrit comme "un échec collectif". "Les inégalités entre les territoires, et donc entre les patients, se sont aggravées depuis dix ans. Entre 2010 et 2023, le nombre de médecins par habitant s'est dégradé de plus de 15% dans le Creuse, plus de 12% dans l'Indre, plus de 13% dans le Gers. Et, dans le même temps, la densité s'est améliorée de près de 28% dans les Hautes-Alpes, de plus de 22% dans les Pyrénées-Atlantiques, et de plus de 21% en Haute-Savoie."

Alors que d'ici "2032, près de 30% des médecins généralistes seront partis en retraite", Guillaume Garot a appelé ses collègues élus à "agir", "maintenant". "Nous sommes tous en charge ici de l'intérêt général, nous avons la responsabilité d'avancer, de garantir que le pacte républicain sera respecté et que nul ne devra se sentir abandonné par la République, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, de telle sorte que notre santé ne dépende plus de notre code postal", a plaidé le fondateur du groupe transpartisan sur les déserts médicaux.

Il faut que nous fassions preuve de courage politique

L'article phare de cette PPL, portant sur la régulation à l'installation, a donné lieu à des débats animés voire tendus entre les députés de la commission. Ceux-ci étant divisés sur la réponse à apporter au problème des déserts. "Nous savons qu'il n'y a pas de solution miracle, mais le désespoir de ces millions de personnes qui n'ont plus de médecin nous impose d'explorer de nouvelles pistes", a martelé le député écologiste Jean-Claude Raux, taclant au passage "un certain nombre de médecins" pour lesquels "l'idée de régulation leur est insupportable" et qui font preuve d'un "chantage à peine voilé : 'nous allons déplaquer, nous déconventionner voire partir à l'étranger'". "Il faut que nous fassions preuve de courage politique. Nous devons unir nos forces […] et dépasser les intérêts voire les égoïsmes catégoriels pour répondre enfin aux attentes et au désespoir de nos concitoyens", a abondé le député Liot Yannick Favennec-Bécot.

Observant une "très grande hétérogénéité de la présence des médecins sur le territoire", le député écologiste Hendrik Davi a également apporté son soutien à cette proposition de loi. "Si les médecins ont une activité qui fonctionne et qui est lucrative, c'est qu'ils sont remboursés en partie par la Sécurité sociale. C'est légitime qu'on ait un regard sur leur installation", a-t-il plaidé.

Plusieurs craintes ont toutefois été soulevées. En particulier, le risque d'une "migration" des médecins libéraux vers le salariat. "Combien d'internes aujourd'hui en médecine générale pourraient être désincités à faire le choix de l'installation et préférer le salariat ?", a interrogé de droite républicaine Thibault Bazin, pour qui "s'il est indéniable que nous manquons de médecins installés dans la plupart de nos territoires, cette PPL apporte des mesures qui, en l'état, pourraient davantage aggraver le problème qu'elle prétend traiter plutôt que d'y remédier". "Nos concitoyens vont croire que cette mesure va leur permettre de trouver un médecin traitant alors qu'elle sera contre-productive et aggravera le problème en décourageant les médecins qui ne s'installeront pas en médecine libérale", a souscrit Cyrille Isaac-Sibille (Démocrates).

"Un médecin salarié n'est pas médecin traitant et suis moins de patients en moyenne qu'un libéral", a encore souligné Thibault Bazin. Mise en garde reprise par le député Michel Lauzzana (Ensemble pour la République) pour qui les jeunes "iront vers la médecine salariée dont on sait tous que c'est une perte de temps médical".

Guillaume Garot a tenté de rassurer, défendant "un texte de compromis". "La liberté d'installation prévaut, le principe n'est pas remis en cause, il est simplement aménagé, encadré au nom de l'intérêt général", a-t-il insisté. "Il ne s'agit pas d'aller affecter de façon autoritaire un médecin ici ou là, c'est à 10 000 lieues de ce que nous proposons. Nous proposons le jumeau du dispositif mis en œuvre depuis le 1er janvier pour les chirurgiens-dentistes." Dans une tentative d'apaisement, le député a déposé un amendement pour que "tous les praticiens [soient] concernés par cette régulation, quel que soit leur statut", libéraux ou salariés, conventionnés ou déconventionnés, comme il l'avait annoncé à Egora. "Vous n'aurez plus d'inquiétude vis-à-vis d'une forme de stigmatisation", a-t-il lancé.

"Les principes fondateurs de la médecine libérale ont déjà tous bougé, ne soyons pas cramponnés comme des moules sur un rocher à des principes qui doivent vivre", a également appelé le député socialiste Jérôme Guedj, déclarant, lui aussi, que ce texte "n'est pas une proposition de loi de stigmatisation". Guillaume Garot a par ailleurs demandé aux élus présents dans la salle de ne pas "avoir peur". "Ne refusez pas une nouvelle fois la régulation pour l'ensemble des praticiens parce que je vous assure, on est regardés ce matin".

 

Le rétablissement de l'obligation de PDSA voté

Si l'amendement d'extension du principe de régulation aux médecins salariés a été adopté, les députés de la commission ont ensuite fait volte-face sur ce principe. Après avoir voté un amendement visant à supprimer le conditionnement de l'installation d'un médecin sur un territoire suffisamment doté à la cessation d'activité d'un confrère, les députés ont finalement écarté le principe de régulation. Ils ont en effet rejeté l'article 1 de la PPL Garot, à trois voix près, amputant ainsi le texte de sa mesure phare. Les initiateurs du texte espèrent désormais réintroduire la régulation à l'installation en séance publique. Le texte devrait en théorie faire son entrée dans l'hémicycle la semaine du 31mars.

Les députés de la commission ont, en revanche, donné leur feu vert aux autres articles contenus dans cette PPL, l'article 2 visant à supprimer la majoration du tarif de consultation pour les patients sans médecin traitant et l'article 3 qui prévoit de garantir dans chaque département une formation a minima de première année en études de médecine. Ils ont également voté le rétablissement de l'obligation de la permanence des soins ambulatoires pour les médecins. "Les données dont nous disposons sont parfaitement claires ; plus d'un médecin sur deux ne réalise jamais de [garde]", a fait valoir Guillaume Garot. "Vous inscrivez une obligation qui, là aussi, pourrait se conclure par la baisse du nombre global de médecins généralistes libéraux qui s'installent", a alerté Thibault Bazin.

Après 4 heures d'échanges, les députés ont voté l'ensemble de la proposition de loi Garot… amputée. 

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372 points
Débatteur Renommé
Neurologie
il y a 3 jours
Les étatistes centralisateurs au pouvoir depuis 44 ans mais pas capables de lisser sur ces années un numerus clausus national se réveillent!! Alleluia! Ils réalisent leurs fautes, à la bonne heure ! S
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Débatteur Passionné
Aide Médicale Urgente
il y a 3 jours
"Si les médecins ont une activité qui fonctionne et qui est lucrative, c'est qu'ils sont remboursés en partie par la Sécurité sociale. C'est légitime qu'on ait un regard sur leur installation" Il est
Photo de profil de Romain L
15,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 jours
L'obligation de PDSA est pour moi une mesure pire que la régulation de l'installation, car elle impactera concrètement bien davantage de praticiens. Cette loi rendra encore un peu moins attractif notr
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