"L'exercice isolé doit devenir l'exception d'ici à 2022", déclarait Emmanuel Macron, en septembre 2018, dévoilant son plan Ma Santé 2022. Force est de constater, cinq ans après, que la politique de promotion de la collaboration inter et intra professionnelle portée par le Gouvernement a porté ses fruits – même si l’objectif n’est pas complètement atteint. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 29% des généralistes exercent désormais dans un cabinet avec d’autres médecins (dans la majorité des cas d’autres généralistes) et 40% avec diverses professions de santé. 17% des médecins exercent, en outre, dans une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), et 32% font partie d’une CPTS. Des structures d’exercice coordonné favorisant les échanges entre soignants.
Dans le cadre de son sixième volet du quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale, la Drees s’est justement intéressée aux collaborations qu’entretiennent les généralistes. Publiés ce jeudi, les résultats de cette enquête, menée entre le 5 janvier et le 22 avril 2022, montrent que les médecins de famille interagissent souvent avec d’autres professionnels de santé. Les infirmières apparaissent comme étant leurs interlocutrices privilégiées. En effet, deux médecins généralistes libéraux sur trois échangent au moins toutes les semaines des informations d’ordre médical avec des infirmières. Ces interactions sont quotidiennes pour 35% des MG. Plus, donc, que les échanges entre confrères.
La moitié des généralistes échangent avec des confrères généralistes ou d’autres spécialistes de façon hebdomadaire. Les interactions quotidiennes sont en revanche un peu moins courantes qu’avec les infirmières, "surtout avec les médecins d’autres spécialités et les pharmaciens (respectivement 22% et 19%)". Les jeunes médecins semblent plus enclins à dialoguer avec leurs confrères de façon quotidienne, ce qui peut s’expliquer par des "effets générationnels dus au regroupement", avance la Dress, les généralistes les plus âgés étant plus souvent installés seuls (46% des 60 ans ou plus, contre 5% des moins de 40 ans). Même quand ils ont le même mode d’exercice que les plus jeunes, les généralistes plus âgés ont tendance à moins échanger, sûrement parce que la collaboration intrapro était "moins encouragée" durant leur formation.
Les échanges entre généralistes et kinés sont encore moins fréquents, "cela pourrait être dû à des modalités d’intervention auprès des patients nécessitant moins d’allers-retours entre ces professionnels, ainsi qu’à une culture de la collaboration moins développée", explique la Drees. S’agissant des pharmaciens, 54% des généralistes communiquent avec eux "au moins une fois par semaine", pour des motifs allant "de l’observance et du renouvellement des traitements aux problématiques de polyprescription et d’iatrogénie médicamenteuse".
Patients chroniques, traitements et gestes techniques
L’enquête s’est en outre intéressée aux motifs des échanges entre généralistes et infirmières. "Les échanges avec les infirmières à propos de patients atteints d’une maladie chronique sont fréquents : 44% des médecins généralistes en ont au moins une fois par semaine", indique la Drees. "Plus d’un tiers des médecins communiquent à ce rythme sur les traitements ou la réalisation de gestes techniques pour leurs patients (37%) et un quart pour la gestion des personnes âgées à domicile et le suivi des patients à la suite d’une hospitalisation", ajoute l’organisme de statistiques. Les discussions entre généralistes tournent davantage autour des diagnostics, des prises en charge, ou – moins fréquemment – de l’organisation des remplacements en cas d’absence, etc.
Source : Drees
Plus ils ont un volume d’activité élevé, plus les médecins généralistes collaborent avec les infirmières, montre l’enquête. Sans doute parce qu’ils "voient plus de patients et ont donc plus de motifs d’échange et/ou qu’ils sont amenés à transférer plus de tâches à leurs collègues infirmières pour diminuer l’intensité de leur activité". En toute logique, les échanges entre généralistes et infirmières apparaissent moins fréquents dans les territoires les moins dotés en soins de ville infirmiers.
L’étude montre également que les femmes médecins ont des interactions moins régulières avec les infirmières, les hommes ayant plus de facilité "à se positionner comme supérieurs dans les rapports hiérarchiques possiblement en jeu dans les collaborations avec des infirmières". Et "les infirmières seraient moins disposées à les accepter de la part de médecins femmes".
MSP, CPTS
Sans surprise, les échanges entre pairs ou entre généralistes et paramédicaux sont plus fréquents lorsque ces professionnels travaillent sous le même toit : 45% des généralistes exerçant en groupe (monoprofessionnel ou pluriprofessionnel) déclarent collaborer de manière quotidienne avec d’autres généralistes, contre 6% de ceux qui exercent seuls ; et 41% des médecins en groupe pluriprofessionel échangent quotidiennement avec des infirmières, contre 28% des médecins en groupe monoprofessionnel et 33% des médecins exerçant seuls.
Par ailleurs, "seulement un médecin généraliste exerçant seul sur 10 communique au moins une fois par semaine avec des collègues à propos de la prise en charge de patients (contre 37% des médecins en groupe monoprofessionnel et 33% des médecins en groupe pluriprofessionnel hors MSP). Ces collaborations concernent 44% des médecins appartenant à une MSP (contre 24% pour les autres)".
La collaboration des généralistes avec les autres professionnels "dépend plus de leur appartenance à une structure d’exercice coordonné que du fait de travailler dans un cabinet avec d’autres professionnel de santé", analyse la Drees, citant notamment les MSP, qui portent un projet de santé commun. "Le partage de locaux serait une condition favorable mais non suffisante à la collaboration."
51% des médecins en MSP échangent quotidiennement avec des infirmières (contre 31% des médecins hors MSP), par exemple. Les maisons de santé pluriprofessionnelles ayant signé un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) en contrepartie d’un soutien financier de l’Assurance maladie, emploient par ailleurs une personne dédiée à la coordination, et doivent mettre en œuvre des protocoles pluriprofessionnels, et disposer d’un système d’information partagé, ce qui facilite la coordination. Le Gouvernement plébiscite ces structures et veut d’ailleurs porter leur nombre à 4000 d’ici 2027.
"L’appartenance à une CPTS semble également favoriser les échanges entre médecins généralistes et entre médecins et infirmières, mais dans une bien moindre mesure", souligne la Drees.
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