Temps de travail hebdomadaire explosé, rémunération pas à la hauteur de leurs heures, cadre d’étude à revoir, anticipation des besoins du futurs… Les revendications des internes et des étudiants en médecine sont nombreuses. Egora fait le point sur leurs contributions, qui seront présentées au Ségur de la santé à partir de ce mardi 26 avril. Les conditions de travail des internes : le fer de lance des négociations Alors que plusieurs engagements ont été pris successivement par Agnès Buzyn, puis Olivier Véran à propos du respect du temps de travail des internes, rien n’a avancé depuis les promesses du ministre de la Santé, en février. C’est donc sur ce point que l’interSyndicale nationale des internes (Isni) et l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG) vont donc se concentrer. “Ca fait des années, plus de 20 ans, qu’on attend des mesures concrètes pour l’application du temps de travail. Le manque de moyens humains et financiers retentit directement sur les internes”, rappelle Marianne Cinot, présidente de l’Isnar-IMG.
Le syndicat demande donc des sanctions pour les établissements qui ne respecteraient pas les 48 heures de travail hebdomadaires, ceux empêchant les internes de pouvoir disposer de leur demie-journée de formation ou le repos de sécurité. D’après leur état des lieux, 9% des internes ne pourraient pas bénéficier de leur demi-journée de formation et 15%, de leur demie-journée en autonomie. Le syndicat réclame, dans ses contributions, que l’agrément des terrains de stages soit retiré si la réglementation n’est pas respectée. “Une procédure de réévaluation accélérée de l’agrément des terrains de stages concernés par le non-respect du repos de sécurité ou le dépassement manifeste du temps de travail doit donc être instaurée de façon systématique et intransigeante”, écrivent-ils. “Aujourd’hui, les internes sont de garde un jour sur cinq. Concrètement, on est donc assez peu souvent sur le terrain de stage et les internes ont du mal à bénéficier des demies journées de formation. C’est comme ça qu’on explose notre temps de travail. Ce serait vraiment un pas vers l’application du temps de travail réglementaire. Ceci, ajouté à une sanction financière, ajouté à un examen annuel des tableaux de service en commission médicale d’établissement… C’était d’ailleurs c’est un engagement d’Olivier Véran à notre congrès”, rappelle Marianne Cinot. Car, pour l’Isnar-IMG, la gestion du temps de travail des internes dans un établissement est un sujet primordial. “Les responsabilités des chefs de pôle et du chef d’établissement doivent être engagées dans le respect de la réglementation. La définition d’indicateurs permettant d’objectiver le non-respect des règles doit être statuée et en lien avec un mécanisme de sanction financière”, développent-ils. “Là, ils annoncent un remodelage de tout le système de santé. On veut être sûrs que les engagements forts concernant nos conditions de travail ne soient pas oubliés et sont surtout honorés”, martèle la présidente.
Revendication largement partagée par l’Isni, qui insiste également sur l’amélioration de la formation, en plus du temps de travail. “On demande une surveillance horaire du temps de travail des internes. On pense qu’il ne peut pas y avoir de surveillance du temps de travail des internes s’il y a pas de surveillance horaire journalière”, explique Justin Breysse, président du syndicat. Ca a d'ailleurs été validé par la Cour européenne de justice.” Enfin, concernant les demi-gardes, l’Isnar-IMG rappelle que pour l’instant, elles ne sont réglementées que le samedi après-midi. Le syndicat souhaite qu’elles commencent “au plus tôt à 18h30”, et se terminent “au plus tard à minuit”, avec un repos de sécurité systématique. La revalorisation des salaires : l’autre pilier Autre enjeu de ces négociations qui s’ouvrent à partir du 26 mai avec une première réunion pour les internes : la revalorisation des salaires et l’attractivité. L’Isni demande une augmentation de 300 euros bruts pour tous les soignants, internes compris et le doublement de la rémunération des gardes. “Etant donné qu’on a pas accès aux heures supplémentaires, c’est une manière pour nous de valoriser le temps de travail supplémentaire qui est réalisé par certains internes, qui travaillent parfois jusqu’à 70 heures par semaine”, souligne Justin Breysse. Pour rappel, une garde de 12h de nuit est rémunérée 119,02€ brut. De son côté, l’Isnar-IMG n’a pas encore de montant à proposer. “Nous attendons de voir ce qui est proposé. On y réfléchi au sein de notre réseau, car le salaire d’un interne est compliqué : il y a le salaire de base, des indemnités, des primes, les gardes. En tout cas, il faut une revalorisation significative du salaire de base”, affirme Marianne Cinot. La présidente du syndicat rappelle aussi une autre revendication portée depuis longtemps : la mise en application de l’augmentation de l’indemnité d'hébergement pour les stages en ambulatoire. “Cela avait été annoncé par Agnès Buzyn et Olivier Véran l’avait repris. Je rappelle que c’était un premier pas mais qui ne touche pas tous les internes”, tempère-t-elle.
Réflexion sur le cadre d’études Dans ses contributions, l’Isnar-IMG propose une réflexion sur la définition d’une demie-journée, pour “clarifier la réglementation en vigueur”. Il compte également demander le passage à six internes minimum, contre cinq actuellement, pour ouvrir une ligne de garde. “La réforme du troisième cycle prévoit un développement des stages ambulatoires, en lien avec notre exercice futur. De ce fait, nous serons, de moins en moins présents en stage hospitalier, notamment dans les hôpitaux périphériques”, analyse le syndicat d’internes en médecine générale. Réfléchir à l’avenir de la santé Si dans l’immédiat, les syndicats d’internes auront donc à réfléchir à la revalorisation des carrières, le second volet portera sur l’avenir du système de santé, et notamment sur les modèles de financement, de gouvernance. “On ne sait pas encore comment va se dérouler le calendrier, nous aurons aussi des propositions en terme de perspective professionnelles et d’avenir du système de santé”, appuie Marianne Cinot. “Ce sont des questions difficiles à traiter en légiférant dans l’urgence, regrette Justin Breysse. Il s’agit plus d’un changement de logiciel qui doit opérer vers plus de démocratie sanitaire”. L’Isni promeut en effet un fonctionnement basé sur plus de partage entre les différents acteurs. “Aujourd’hui, la commission médicale d’un établissement n’a qu’un avis consultatif. Ceux qui ont un rôle décisionnaire, ce sont les directeurs administratifs. Ca doit aussi se faire à l’échelle des GHT, des ARS”, explique-t-il.
Les 20 piliers des externes et étudiants en médecine Après une lettre ouverte adressée à Olivier Véran, les étudiants en médecine, par la voix de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), ont obtenu un siège au Ségur de la santé. Ces derniers ont formulé 20 propositions pour “un nouveau souffle” pour l’hôpital. Sur l’attractivité des carrières et amélioration des conditions de travail, l’Anemf demande un alignement du salaire des étudiants hospitaliers de quatrième année a minima sur celui des étudiants stagiaires de l’enseignement supérieur (390 euros net mensuel), ainsi que le “respect des droits” de l’ensemble du personnel soignants dont les étudiants hospitaliers : une chambre de garde individuelle aux normes, la sanctuarisation du temps de formation universitaire, ainsi qu’une enquête de l’IGAS sur les conditions d’accueil, de logement et de restauration au sein de leur terrains de stage. Plusieurs propositions sont formulées sur la prévention des risques psycho-sociaux et l’amélioration de la qualité de vie : recrutement de paramédicaux, sanctuarisation des postes dans les services en limitant les pools de personnels tournant entre plusieurs services pour favoriser l’émergence de compétences et de savoir faire chez les personnels non médicaux, généralisation de la création de postes d’IDE ou enfin, prise en compte de la pénibilité au travail des personnels soignants pour permettre une retraite anticipée.
L’Anemf propose également un groupe de travail sur la modernisation des carrières des praticiens hospitaliers, l’augmentation du ratio personnel hospitalo-universitaire/nombre d’étudiants tout en l’équilibrant sur le territoire, pour “rattraper le retard causé par 20 ans de gel du nombre de postes d’hospitalo-universitaires associé à une multiplication par deux du numerus clausus” et la refonte du statut d’hospitalo-universitaire. Investir massivement dans l’hôpital : Pour l’Anemf, il s’agit de “retrouver un équilibre entre l'efficience du soin et l’humanité nécessaire à l’exercice des professions de santé”. Pour cela, elle demande une rénovation de la gouvernance hospitalière (réorganisation de la réparittion des charges décisionnelles, renforcement de la place des personneles médicaux et paramédicaux et des représentants des étudiants), l’abolition du tout T2A, “au profit d’un modèle mixte et équilibré comportant une part de tarification à l’activité, une dotation globale ainsi que des financements sur forfait adaptés aux différents services”. Enfin, l’Anemf insiste sur une approche territoriale nécessaire de la santé. Alors que la crise a permis de mettre en exergue les “lacunes” des ARS, elle propose de favoriser le développement des stages hors-CHU au premier, deuxième et troisième cycle pour “promouvoir les territoires et modes d’exercice”, avec notamment la possibilité de permettre l’agrément de terrains de stage ambulatoires dans d’autres spécialités que la médecine générale, diversifier les terrains de stage accessibles aux étudiants de deuxième cycle, en incluant notamment la possibilité de réaliser des stages dans des structures médico-sociales sur la base du volontariat ou créer une indemnité d’hébergement de 300€ similaire à celle existante pour les internes afin de permettre aux étudiants hospitaliers d’accéder aux stages éloignés de l’UFR.
L’Anemf demande aussi la création d’une commission jeunes médecins consacrée aux questions d’installation et d’accès aux soins au sein des ARS et enfin, de soutenir financièrement le développement d’outils numériques nécessaires à la coordination des soins.
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