Dans ce "Samu de la mer" unique en France, "ce n'est jamais le patient qui appelle", précise le Dr Patrick Roux, responsable de l'unité. C'est le rôle du commandant, responsable de la santé des marins, car la plupart des bateaux français ne disposent pas de médecin à bord. "Ce médicament, il est compatible avec les quarts ?", s'enquiert ainsi un commandant en mer de Chine, soucieux de savoir si un de ses hommes, blessé à la cheville, pourra continuer d'assurer la surveillance tournante du navire. Le centre a été installé en 1983 au sein des locaux du Samu de Toulouse, premier en France, fondé en 1968. Il bénéficiait d'une position stratégique, à une trentaine de kilomètres de la station de radio de Saint-Lys, qui lui permettait de communiquer avec les navires battant pavillon français ou ayant un commandant français. Depuis, les moyens de communication ont évolué : les échanges se font essentiellement par téléphone et par mail, ce qui permet notamment d'adresser des photos du patient aux médecins de Toulouse.
Des motifs de consultation différents Quelques navires se sont équipés ces dernières années de valises de télémédecine, pour une consultation vidéo avec des appareils connectés (électrocardiographe, tensiomètre...). Une petite révolution qui demande une bande passante importante, pas toujours accessible au large, précise le Dr Roux. Les motifs de consultation ont aussi évolué pour les plus de 2 000 patients pris en charge chaque année, au fil des épidémies - comme pendant la crise du Covid où il a fallu gérer les confinements à bord - mais aussi des transformations sociétales. "La prise en considération des pathologies mentales a évolué, en parler n'est plus un tabou pour les marins", explique le Dr Pierre Roucolle, médecin au CCMM et directeur adjoint du Samu de Haute-Garonne. Auparavant coupés du monde, les marins ont accès à internet et aux réseaux sociaux, mais ils restent coincés à bord en cas de problème, ce qui peut créer une détresse psychologique. "On a eu des patients ukrainiens qui font face à des nouvelles terribles avec la guerre et ne peuvent rien faire", raconte le Dr Roucolle.
MeToo en mer Le CCMM travaille en partenariat avec le Centre ressource d'aide psychologique en mer et aux marins (Crapem), lancé en 2020. Un partenariat d'autant plus important que, depuis le mouvement MeToo, la parole des femmes se libère aussi en mer et le centre commence à être alerté sur des cas d'agressions sexuelles à bord. "En milieu maritime, il y a un cumul des facteurs de risques", a expliqué Camille Jego, psychologue du Crapem, lors d'un congrès mi-octobre à Toulouse pour le 40e anniversaire du Samu de la mer, en citant notamment le surreprésentation des hommes, la promiscuité ou encore l'abus d'alcool. Les victimes ne pouvant pas bénéficier d'un examen médico-légal après une agression à bord, la consultation avec le centre toulousain peut servir de preuve en cas de plainte. "Ensuite, on essaie de gérer au coup par coup pour protéger tout le monde, avec la difficulté d'un milieu clos", ajoute le Dr Roux.
Soins aux migrants Les médecins sont tous formés aux conditions et aux règles de la navigation. "Quand on décide d'évacuer un patient, il faut être conscient du risque qu'on fait prendre aux équipes de sauvetage", souligne-t-il. Ces opérations restent peu fréquentes, environ un cas sur dix. Le CCMM a par exemple participé à l'évacuation en novembre de quatre migrants de l'Ocean Viking, le navire-ambulance de l'association SOS Méditerranée, avant son arrivée à Toulon. "Pour le moment, on en a encore peu, car le sauvetage en Méditerranée est bien organisé, avec des équipes médicales à bord. On est plus sollicités sur la zone entre le Pas-de-Calais et l'Angleterre", indique le Dr Roux. "Ces phénomènes migratoires vont continuer à augmenter, la question est de savoir comment s'adapter" à ce public, parfois blessé ou/et traumatisé, a soutenu lors du congrès du CCMM Caroline Pfister, responsable des activités médicales à bord de l'Ocean Viking.
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