1er mai à la Salpêtrière : le scénario de "l'attaque" prend l'eau et la comm' gouvernementale avec

03/05/2019 Par Yvan Pandelé
Faits divers / Justice
Mercredi 1er mai, plusieurs dizaines de manifestants ont pénétré dans l'enceinte de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Dénoncé à hauts cris par la direction de l'hôpital puis par l'exécutif, l'épisode prend de plus en plus la tournure d'un incident sans gravité. Et les ministres, Christophe Castaner en tête, de se retrouver sur la sellette…

  L'intrusion de manifestants dans l'hôpital parisien de la Salpêtrière le 1er mai a suscité une prompte indignation du côté de l'exécutif. "On a attaqué un hôpital" et "agressé son personnel soignant", a tweeté mercredi le ministre de l'Intérieur Christophe Castener, bientôt rejoint par ses collègues du Gouvernement. "Exaction" inédite, "inqualifiable" pour Agnès Buzyn au micro d'Europe 1 jeudi. Geste "totalement irresponsable", a renchéri le Premier ministre Edouard Philippe, en marge d'un déplacement en Charente… Aujourd'hui que la poussière retombe et que les témoignages affluent, la thèse gouvernementale d'une intrusion violente est pourtant battue en brèche. Si un portail d'entrée de l'enceinte de l'hôpital a bien été forcé – une chaîne en acier et un loquet ont été brisés –, les témoignages sur l'intrusion dans le bâtiment de réanimation tendent à dessiner le scénario de manifestants non agressifs, qui tentent de trouver refuge pour échapper aux gaz lacrymogènes. Des dégradations et le vol d'un vidéoprojecteur ont également eu lieu dans d'autres services. Mais contactée par l'AFP, l'AP-HP a précisé jeudi qu'"à ce stade aucun lien ne (pouvait) être fait" avec l'incident du 1er mai.   Aucune violence à l'encontre des soignants Une vidéo anonyme, diffusée sur un compte Facebook de gilet jaune, montre des manifestants, nassés sur une passerelle, qui tentent de se réfugier dans le service de réanimation chirurgicale du bâtiment Gaston-Cordier de la Pitié-Salpêtrière, sans violence ni dégradation visible. Les soignants bloquent la porte et expliquent à plusieurs reprises aux personnes attroupées, dont des personnes âgées, qu'elles ne peuvent entrer. Les policiers interviennent ensuite pour évacuer les manifestants dans le calme. Interrogés par plusieurs médias, les soignants de la Pitié ont réfuté avoir subi des violences "Ça s'est passé dans le calme, il n'y a pas eu de débordements", a indiqué un jeune médecin de garde dans le service au micro de BFM TV. "Ça a été très court, on ne s'est pas sentis en danger plus que ça", a indiqué Gwenaelle Bellocq, aide-soignante. "Il n'y avait rien de violent, en tout cas envers nous", a encore témoigné l'infirmier Jérôme Lecrecq à l'AFP. "C'était plus un état de panique, la peur de se faire taper, de recevoir quelque chose de la police, qu'une attaque."   Gardes à vue levées, Castaner sur la sellette À la suite de l'intrusion, 32 manifestants ont été interpellés par la police et placés en garde à vue pour "attroupement en vue de commettre des dégradations ou des violences". Toutes ont été levées jeudi en début de soirée. D'après Le Monde, seuls deux personnes présentaient un profil de "black bloc", les 30 autres ayant tout de manifestants normaux. Les investigations se poursuivent "afin de faire la lumière sur toutes les circonstances de l'intrusion au sein de l'établissement", a indiqué le parquet de Paris, désormais en charge d'une affaire politiquement sensible. Car l'opposition fait feu de tout bois pour critiquer la communication gouvernementale, avec le ministre de l'Intérieur au cœur des attaques. "Monsieur Castaner est un menteur, en plus d'être un incompétent", a commenté Jean-Luc Mélenchon (France insoumise), tandis que Benoît Hamon (Génération.s) évoque "un mensonge délibéré" et que Yannick Jadot (EELV) demande une commission d'enquête parlementaire, accusant le Gouvernement de "souffler en permanence sur les braises de la violence". À droite également, Bruno Retailleau (président LR au Sénat) a exigé que le ministre de l'Intérieur "[cesse] de mettre de l'huile sur le feu" et "[s'explique] sur ses déclarations démenties par les faits". Vendredi matin lors d'une conférence de presse, Christophe Castaner a initié son mea culpa. "Je n’aurais pas dû employer le terme “attaque”" mais plutôt celui "d’intrusion violente", terme employé par Martin Hirsch, directeur de l'AP-HP. "Forcer la grille d’un hôpital et courir vers une réanimation s’apparente à un moment violent, persiste et signe ce dernier, dans un message adressé à l'ensemble des agents de l'AP-HP en ce début d'après-midi. L’i’intrusion possible dans un mouvement de panique, de plusieurs dizaines de personnes dans un service de réanimation chirurgicale, représente quels qu’en soient les motifs non seulement un risque pour la sécurité des personnels mais aussi un risque sanitaire très important pour les patients. C’est d’ailleurs ce qu’ont ressenti les équipes concernées", jusitifie-t-il, se défendant d'avoir été l'instrument d'une récupération ministérielle. "Nous avons organisé la venue de la Ministre de la santé le lendemain qui souhaitait apporter, par sa visite, un soutien aux équipes impliquées, ce qu’elles ont apprécié." [Avec AFP, LeMonde.fr et LeParisien.fr]

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