"Cette condamnation n'envoie pas un message fort" : sursis pour le gynéco accusé d'agressions sexuelles sur des soignantes
Le Dr. B., ancien gynécologue-obstétricien de 66 ans, a été condamné à six mois de prison avec sursis et plus de 10.000 euros de dommages et intérêts pour agressions et harcèlement sexuels sur des collègues. Il s’était défendu en minimisant ces faits, qu’il qualifiait de “blagues”.
Près de neuf ans après les premiers faits qui lui étaient reprochés, le docteur B. a été condamné lundi 25 novembre par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à six mois de prison avec sursis et un peu plus de 10 000 euros de dommages et intérêts à verser aux différentes parties civiles. Ce gynécologue-obstétricien de 66 ans était poursuivi pour "agressions sexuelles et harcèlement sexuel par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction" contre cinq femmes, la plupart étant alors internes ou sages-femmes. Il n’a finalement été condamné que pour deux agressions sexuelles et des faits de harcèlement sur deux plaignantes. Il a été relaxé pour les autres accusations d’agressions sexuelles et n’a reçu aucune interdiction d’exercer.
La seule plaignante à la même hauteur que lui dans la hiérarchie, J., connue sur les réseaux sociaux comme “Juju la Gygy”, coresponsable avec lui du service des grossesses à haut risque, avait porté les faits à la connaissance de la direction du centre hospitalier André-Grégoire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) en juin 2017. La procédure a permis de recueillir la parole des autres victimes avant ce procès symbolique du mouvement #MeToo hôpital. “La justice est enfin rendue, a déclaré J. dans une vidéo postée sur son compte Instagram, suivi par plus de 97 000 personnes. La justice m’a reconnue comme victime et c’est un soulagement.”
“Cela ne reflète pas la gravité des faits”
“Il y a une chose à retenir, c’est que cette condamnation n’envoie pas un message clair, ni fort, de protection par la justice des femmes soignantes victimes de violences sexistes et sexuelles sur leur lieu de travail, déplore cependant Marjolaine Vignola, l’avocate de J. Cela ne reflète pas la gravité des faits.” Le Dr. B. a notamment été relaxé du chef d’agression sexuelle pour un baiser dans le cou et des caresses sur les cuisses d’une sage-femme, finalement qualifié de harcèlement sexuel par la justice.
Lors de l’audience, le 21 octobre, le Dr. B avait reconnu la quasi-totalité des actes qui lui étaient reprochés, sans toutefois sembler prendre la mesure de leur gravité, répétant seulement qu’il n’avait “pas compris que l’époque avait changé”. Il a notamment été condamné pour avoir agrippé la poitrine de J., proposé à une sage-femme de le rejoindre quand il allait prendre sa douche, s’être collé derrière des internes pendant des interventions, assurant que c’était la seule façon pour lui de contrôler les gestes qu’elles étaient en train d’accomplir, ou encore avoir mis une main sur les fesses d’une interne “pour lui dire au revoir” à son départ.
Désormais retraité, le Dr. B. n’a plus exercé depuis le signalement de J. en 2017, puisqu’il avait alors été suspendu par le centre hospitalier André-Grégoire et est désormais retraité. Le Conseil de l’ordre des médecins l’avait condamné à un mois d’interdiction d’exercer avec sursis en 2019.
“Mauvaise gestion du dossier par l’hôpital”
Après sa plainte, J. avait été placée en arrêt maladie, avant de partir en congé maternité. Elle n’a pas pu retrouver son poste de praticienne hospitalière (PH) à Montreuil à son retour, la direction l’ayant confié à une autre personne entre-temps. Elle a dû quitter la région parisienne, s’installant près de Nantes pour n’y retrouver qu’un poste de PH contractuelle, plus bas dans la hiérarchie que celui qu’elle occupait jusqu’en 2017.
Le Dr. B. n’a toutefois pas été condamné à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice professionnel en raison de l’absence d’un “lien de causalité suffisant”, bien que les conséquences de l’affaire sur la carrière de J. aient été jugées “indéniables”. “Cela relève du positionnement de la hiérarchie et non directement du Dr. B., précise Marjolaine Vignola. C’est contradictoire et hallucinant. Le jugement met en avant la très mauvaise gestion du dossier par l’hôpital et s’inscrit dans une haute tolérance de la justice en ce qui concerne les violences sexistes et sexuelles sur le lieu de travail.”
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