"L'Etat a commis une faute en ne maintenant pas à un niveau suffisant le stock de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène", a considéré, ce vendredi, la cour administrative d'appel de Paris, dans une décision qui confirme un avis similaire rendu il y a un an en première instance. L’Etat a également failli "dans sa communication sur l'utilité du port du masque en début d'épidémie", a ajouté l’instance.
Début 2020, alors que le virus venu du Chine se propageait sur le sol français, le flou avait régné sur l'intérêt des masques chirurgicaux pour se protéger. A ce moment-là, face à des stocks insuffisants, le Gouvernement avait souhaité réserver les masques aux soignants directement exposés aux malades. Mais les stocks s’étaient rapidement vidés et les professionnels de santé, agents d’accueil, caissières, et autres personnels exposés, s’étaient retrouvés démunis.
"Si un stock très important de masques existait en 2009, aucune commande de masques FFP2 n’avait été passée après 2011, ni de masques chirurgicaux après 2013 et jusqu’en 2019, les masques périmés n’étant ainsi pas renouvelés", a constaté la cour d’appel. "Enfin, la décision prise en 2018 de constituer un stock plus faible ne s’était pas accompagnée de l’évaluation des stocks des hôpitaux et des capacités de production et d’approvisionnement susceptibles d’être mobilisées en cas de menace sanitaire grave."
En outre, l’Etat ne s’est pas contenté "d’expliquer que les masques devaient être réservés aux personnes qui en avaient le plus besoin", mais a affirmé "que le port du masque était inutile en l’absence de symptômes", a noté la cour d’appel dans sa décision.
Une trentaine de plaignants avaient alors attaqué l’Etat en justice, estimant que ces décisions avaient contribués à ce qu’ils attrapent le Covid. En juin 2022, le tribunal administratif de Paris leur avait donné en partie raison, mais il estimait qu’on ne pouvait établir un lien direct avec les contaminations des plaignants. Ce vendredi, la cour administrative d'appel a accepté une indemnisation partielle pour certaines personnes, plus exposées au risque d'infection du Covid, et pouvant être considérées comme "privées d'une chance d'échapper à la contamination".
"Compte tenu de la difficulté à prouver l'origine exacte de la contamination", l’instance a ainsi reconnu "un droit à réparation partielle pour les personnes qui, sans qu'un comportement à risque puisse leur être reproché, ont été particulièrement exposées au virus, notamment du fait de leur profession, alors qu'elles ne pouvaient maintenir des distances physiques avec les personnes potentiellement contagieuses".
Parmi les plaignants ayant eu gain de cause, la famille d’un médecin généraliste, mort du Covid le 23 avril 2020 à l’âge de 61 ans. Il avait reçu, en mars 2020, des patients porteurs du virus dans son cabinet de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), sans avoir pu se procurer de masques, "ainsi qu’en atteste l’une de ses patientes, par ailleurs infirmière, qui lui en a apportés quelques-uns le 18 mars, à une date à laquelle il avait très vraisemblablement déjà été contaminé", peut-on lire dans la décision. Il a "été privé d'une chance d'échapper à la contamination", a estimé la cour d’appel administrative, qui a rappelé que l'origine professionnelle de son Covid avait été reconnue par l'Assurance maladie.
"Eu égard notamment à l’efficacité attendue du port des masques de type FFP 2 auxquels, en sa qualité de professionnel de santé, il aurait eu vocation à accéder par priorité, il y a lieu d’évaluer l’ampleur de cette perte de chance à 70%", indique la cour d’appel, qui évalue le préjudice moral à 14 000 euros pour son épouse, et 7 000 euros pour chacun de ses enfants.
L’instance n’a cependant pas retenu la faute de l’Etat sur d’autres accusations liées à la gestion de la crise sanitaire, comme la date du premier confinement ou le dépistage des personnes présentant des symptômes.
[avec AFP]
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