Cinquante-quatre mesures, trois grandes orientations et une rallonge budgétaire de 400 millions d'euros en 2019. Ce mardi 18 septembre, Emmanuel Macron, épaulé par les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur, a présenté sa Stratégie nationale de transformation du système de santé. Avec cette réforme ambitieuse, recentrée sur le patient, le Président de la République entend restructurer l'organisation des soins "pour les 50 années à venir", comme l'ont fait les ordonnances Debré en 1958. Mots d'ordre : qualité, prévention et coordination. Décryptage des principales mesures.
"Mon ambition est claire : je veux que le système de santé soit un des piliers de l’Etat providence." Moins d'une semaine après la présentation de son plan pauvreté, Emmanuel Macron a présenté ce mardi 18 septembre sa Stratégie nationale de transformation du système de santé, qui sera déclinée en 54 mesures dès 2019, au travers du prochain budget de la sécurité sociale et d'une loi dédiée au premier semestre. "1958 a été un tournant, l’excellence universitaire. C’était un vrai changement d’approche. Aujourd’hui, c’est à un changement de paradigme que nous devons œuvrer", a déclaré le Président de la République en ouverture de son discours. "Cela ne se fera pas en un jour, mais nous devons restructurer notre organisation pour les 50 années à venir." Urgences engorgées, hôpital "qui risque l'implosion", prévention à la traine, "perte de sens" des professionnels, "course folle à la productivité", système cloisonné, accès aux soins de plus en plus difficile… la tâche est immense et le budget sera conséquent. "Je m'étais engagé à un Ondam de 2.3% pour le quinquennat, a rappelé Emmanuel Macron. Mais j'ai conscience que compte tenu de la réorganisation que nous lançons, il nous faut investir." L'Ondam sera porté à 2.5% en 2019, soit une rallonge budgétaire de 400 millions d'euros. Le plan global sera doté d'un budget de 3,4 milliards d'euros d'ici 2022, a précisé le ministère de la Santé. Dans le détail, près de 1,6 milliard d'euros sera consacré à "la structuration des soins dans les territoires", 920 millions à l'investissement hospitalier, 500 millions à la "transformation numérique" et 420 millions à "l'évolution des métiers et des formations". Trois orientations guident cette vaste réforme : regagner du temps médical, mieux coordonner les soins autour du patient et améliorer la qualité. 1 – "Une refonte complète des études de médecine" dès 2020 Enjeu : former "mieux" et plus de médecins. Pour Emmanuel Macron, le système actuel est "absurde" : "c'est un gâchis qui concerne chaque année 25 000 étudiants, qui passent du statut d’excellent lycéen à celui qui échoue", alors que dans le même temps la pénurie de médecins conduit à recourir massivement à des vacataires et à des diplômés de l'étranger. Le concours de la Paces, "acronyme synonyme d'échec", sera supprimé "dès 2020" a donc annoncé Emmanuel Macron. Mis en place en 1971, le numerus clausus sera supprimé. Mais une forme de sélection sera maintenue pour ne pas "rogner sur l'excellence de la formation", a précisé l'Elysée. Les contours du nouveau système sont encore flous, mais les modalités d'accès aux futures études de sanét seront "précisées d'ici Noël" a assuré la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, à l'AFP. Pour passer à l'année supérieure, les étudiants en médecine devront avoir le niveau de compétences et de connaissances requis, à l'instar des étudiants d'autres filières comme le droit. Les études de médecine reviendront ainsi "dans le droit commun". Les passerelles seront facilitées afin de permettre aux étudiants venant d'autres licences de "rejoindre ce cursus". Reste à savoir dans quelle mesure les capacités de formation des universités seront limitées. "On travaille à la fois avec les organisations étudiantes, les professionnels de santé, les centres de formation, les facultés de médecine, de santé, etc., de façon à définir quelles seront" ces différentes voies d'accès "aux différentes formations", a développé Frédérique Vidal. "Ce sera différent pour les formations à bac +3, avec a minima une entrée au niveau de la deuxième année", tandis que l'entrée en médecine pourra intervenir "plus tard"... Autant de "choses qui vont être discutées et précisées d'ici Noël", selon la ministre.
Les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur ont par ailleurs rappelé que les ECNi disparaitront en 2022 "au profit d'une procédure d'admission qui fera toute sa place aux connaissances, aux compétences et au parcours de l'étudiant". 2 – 4000 assistants médicaux d'ici à 2022 La création de cette nouvelle fonction, mi-administrative mi-soignante, était réclamée par la CSMF et par MG France. Ces professionnels, dont le profil reste à définir (secrétaire médicale ? aide-soignante de ville ? infirmière ?) "accompagneront les médecins et les déchargeront d’actes simples", a annoncé le Président. Les assistants pourront notamment accueillir les patients, recueillir les données, vérifier les vaccinations, suivre les dépistages, gérer l'aval de la consultation ou encore mettre à jour des dossiers, a détaillé Agnès Buzyn. Les retours d'expérience de l'étranger ont montré que ces medical assistants permettent de dégager 15 à 20% de temps médical supplémentaire, souligne-t-on à l'Elysée. Les premiers assistants arriveront dès 2019, a promis Emmanuel Macron. "L'objectif du quinquennat est d’en déployer au moins 4 000. Si le besoin est là, nous en financerons autant que de besoin." Interrogé sur le coût d'un poste d'assistant, l'Elysée a précisé qu'il se chiffrait entre 40 et 50 000 euros chargés par an. L'Etat financera partiellement ce poste, avec une enveloppe importante pour accompagner sa création. La hausse de son activité devrait permettre au médecin de compléter, espère l'Elysée. Mais ce financement est soumis à conditions : exercer de façon regroupée et remplir un certain nombre de missions (prévention, soins non programmés notamment). 3 – Généralisation des CPTS, qui géreront les "urgences de ville" Un passage aux urgences sur 5 relèverait de la médecine générale selon Emmanuel Macron. "Pourquoi se rend-on aux urgences ? Presque par réflexe et aussi pour une raison de disponibilité. On ne trouve plus de médecins après une certaine heure, et il n'y pas d’avance de frais", estime le chef d'Etat. A charge pour les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la loi Touraine en 2016, d'organiser, sans avance de frais, la prise en charge de ces soins non programmés, que le Président de la République qualifie d'"urgences de ville", de 8 heures à 20 heures, voire 22 heures : "ce serait formidable si on pouvait trouver un accord jusqu'à 22 heures", a lancé Emmanuel Macron. Les CPTS auront d'autres missions : garantir un médecin traitant pour chaque patient, développer l'offre de télémédecine, organiser les interventions autour des patients les plus complexes, piloter des programmes de dépistage… "Ces CPTS devront couvrir tous les territoires d’ici le 1er janvier 2021, elles devront couvrir 100 000 patients d’ici 2022", annonce Emmanuel Macron. "Nous nous engageons à aider financièrement toutes les CPTS créés d'ici 18 mois." Pour inciter fortement les médecins à rejoindre leur CPTS (qui couvrira un bassin de vie de 20.000 à 100.000 habitants), l'Elysée pourrait conditionner les rémunérations forfaitaires (forfait structure et Rosp) à l'adhésion à cette structure. D'ici à 2022, "l'exercice isolé sera marginal, il sera l'aberration", ambitionne Emmanuel Macron. La ministre de la Santé a par ailleurs annoncé la création de 2000 structures d'exercice coordonné conventionnées (MSP, centres de santé) supplémentaires dans les 5 ans. 4 – 400 médecins salariés dépêchés "en urgence" dans les déserts A mesure que les déserts médicaux s'étendent, les appels à la coercition à l'installation des médecins se multiplient. "L'impatience légitime est là", a concédé Emmanuel Macron. Mais pour le Président, ce serait "une réponse fallacieuse, de tribune". "Je l’ai dit de longue date, la contrainte unilatérale venant d’en haut peut faire plaisir à des élus, mais elle ne marchera pas", a affirmé le chef d'Etat, avant de mettre en garde les médecins : "si nous ne parvenons pas à organiser un système qui répond mieux aux besoins, le débat ressurgira". Et les médecins en sortiront perdants. Dans l'immédiat, pour faire face à l'urgence, le Président a annoncé le déploiement de 400 postes de médecins généralistes "à exercice partagé ville hôpital". Ces médecins (salariés des établissements hospitaliers ou des centres de santé?) seront envoyés dans les "territoires les plus fragiles". "Je fais le pari que cette mesure sera attractive." La ministre de la Santé conduira des négociations "dans les deux mois". 5 – Hôpital : gradation des soins, financement à la qualité et gouvernance partagée "Nous devons sans tabou nous attaquer à cette question de la qualité des soins. C'est une hypocrisie de dire qu'elle est la même sur tout le territoire", a lancé Emmanuel Macron. Au nom de l'amélioration de la qualité, le Président de la République compte engager une refonte de la carte hospitalière, avec trois niveaux de gradation des soins : soins ultra-spécialisés dans les CHU, soins de recours dans les hôpitaux moyens et soins courants (médecine polyvalente, suivi des maladies chroniques, soins aux personnes âgées, soins de suite et de réadaptation, consultation de spécialités, imagerie, biologie…) dans les hôpitaux de proximité, qui seront labellisés comme tels (500 à 600 d'ici 2022). Aucun hôpital ne sera fermé, a assuré Agnès Buzyn. "Mais certaines activités devront fermer à certains endroits, si l'activité est insuffisante", estime Emmanuel Macron, qui plaide pour des reconversions. "D'ici 2022, nous en aurons fini avec la course à l'acte", a par ailleurs promis le Président de la République, rappelant que 30% des actes sont considérés comme non pertinents. Dès 2019, deux financements au parcours seront expérimentés dans des pathologies chroniques : diabète et insuffisance rénale chronique, "mais sans possibilité de retour en arrière, précise l'Elysée". Pour chaque patient, les établissements recevront un forfait, ce qui devrait les inciter à privilégier la qualité plutôt que la quantité des actes réalisés. L'enveloppe dédié à ce financement à la qualité passera de 60 à 300 millions l'an prochain. Alors que 19 000 postes de médecins ne sont pas pourvus à l'hôpital, Emmanuel Macron a annoncé son intention de "moderniser" le statut de praticien hospitalier, afin de promouvoir l'exercice mixte ville-hôpital. Il souhaite par ailleurs remettre "le médecin à la gouvernance de l'hôpital", en associant davantage la CME aux décisions médicales et en intégrant des représentants des CPTS.
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