"Nous allons augmenter de 20% le nombre de médecins formés", s'est félicitée Agnès Buzyn ce matin en expliquant les grandes lignes de son projet de loi de santé. Le texte doit être présenté mercredi en Conseil des ministres, avant d'être débattu dès le 19 mars à l'Assemblée nationale pour un vote final avant l'été. C'était un engagement du candidat Macron lors de la campagne présidentielle, et un élément clé du discours présidentiel de l'automne dernier. "Dès la fin 2020, il n'y aura plus de Paces, cet acronyme synonyme d'échec pour trop de jeunes", avait notamment promis Emmanuel Macron. Ce projet de loi acte cette réforme, mais prévoit aussi de nombreux autres changements.
Lors de ce discours, le président avait présenté les grands axes de la réforme du système de santé qu'il souhaitait mettre en œuvre. Le projet de loi est l'une des déclinaisons du discours présidentiel. "Il y a l'essentiel", assure le ministère de la Santé, mais d'autres éléments figurent dans les négociations conventionnelles (en cours sur les CPTS et les assistants médicaux), dans le PLFSS, dans des recommandations de bonnes pratiques… Suppression du numerus clausus, de la Paces et des ECN Les deux premiers articles du projet concernent la réforme des études de santé. "Les formations en santé doivent rejouer leur rôle de levier social, explique Isabelle Richard, responsable de la réforme pour le ministère de l'Enseignement supérieur. Nous voulons un parcours flexible, sortir d'une organisation en tuyaux et offrir une équité d'accès sur tout le territoire". Sur la base du rapport de Jean-Paul Saint-André, remis en décembre dernier après quatre mois de concertation, l'article 1 supprime le numerus clausus et la Paces. "Jusqu'ici le numerus clausus était géré "top down", par l'Etat et sur la France entière", souligne Isabelle Richard. Désormais, les universités fixeront leurs capacités d'accueil en deuxième et troisième années, en concertation avec les ARS qui définiront des objectifs pour l'entrée dans le second cycle. "Nous avons l'objectif de former davantage de professionnels, tout en restant sélectifs", insiste la doyenne de la faculté de médecine d'Angers. Ce mardi, Agnès Buzyn a avancé le chiffre de 20% d'augmentation du nombre de médecins formés, tout en soulignant que, ces dernières années, le numerus clausus avait été régulièrement relevé.
"Les 40 000 étudiants inscrits aujourd'hui en Paces ne seront pas tous médecins. Nous n'allons pas supprimer la sélection", tient à expliquer le ministère. "Il s'agit avant tout d'un changement dans le mode de sélection, basé sur l'expertise du terrain et l'initiative des acteurs." L'ambition affichée est de diversifier les parcours et les profils des étudiants. Plusieurs éléments, notamment sur les parcours antérieurs à l'entrée dans les études de santé et les modalités d'amission, doivent être définis par décret. Des groupes de travail planchent actuellement sur la rédaction de ces décrets qui devraient être présentés avant l'été. La suppression des ECN, présentée l'été dernier, est actée par l'article 2 du texte. "Les ECN ont standardisé toute la formation des étudiants en médecine, a souligné Isabelle Richard. Avec des effets secondaires en termes d'investissement des étudiants dans des activités de recherche, dans leurs stages ou dans des cursus diversifiés en maths ou en informatique." Le but de la réforme est, là encore, de "déverrouiller le second cycle", pour éviter le bachotage en vue d'une épreuve finale.
La validation du second cycle reposera désormais sur trois éléments : une évaluation des connaissances, une évaluation des compétences et la prise en compte du parcours de l'étudiant (double cursus par exemple). Contrairement à la situation actuelle, les étudiants devront obtenir une note minimale aux épreuves de connaissances et de compétences pour valider leur second cycle. Enfin, le nombre de places par spécialités reste défini par l'Etat. Hôpitaux de proximité C'est l'autre gros morceau de la réforme. "Aujourd'hui quand vous êtes soigné dans des hôpitaux de zone rurale, vous n’êtes pas soigné avec la même qualité qu’en ville", a assuré Agnès Buzyn ce mardi matin, pour justifier la réorganisation de l'offre hospitalière. "Nous prévoyons entre 500 et 600 hôpitaux de proximité", avance la ministre alors que ses conseillers restent prudents et assurent que le nombre d'établissements n'est pas encore défini. La création d'un label "hôpital de proximité", assurant des missions de médecine générale, de gériatrie, de soins de suite et réadaptation, de biologie…, fera l'objet d'une ordonnance dans les prochains mois. Le régime des autorisations concernant les activités de maternité, de chirurgie, d'urgences sera aussi modifié par ordonnance. Ce nouveau fonctionnement sera appliqué dès 2022. Réfutant l'argument d'un "déclassement" des hôpitaux, les services du ministère expliquent au contraire qu'il s'agit de "revaloriser les hôpitaux de proximité". Des financements adaptés, "qui ne seront pas liés à l'activité" seront déployés pour apporter "plus de médecine, plus de consultations dans ces établissements". Ils pourront être ouverts aux praticiens libéraux en fonction des besoins des territoires, ajoute le ministère. Fin du concours de praticien hospitalier La création d'un statut unique de praticien hospitalier titulaire, prévue par l'article 6, prévoit la suppression du concours de praticien hospitalier. Ce point vise à faciliter l'entrée dans la carrière, diversifier les parcours professionnels et développer l'exercice mixte hôpital-ville. "C'est une volonté des jeunes médecins, qui ne veulent plus faire toute leur carrière uniquement à l'hôpital", assure le ministère de la Santé.
Par ailleurs, cet article prévoit aussi la révision des conditions de recours à l'emploi contractuel par un contrat unique, qui pourra permettre à des médecins libéraux d'intervenir à l'hôpital "dans des conditions beaucoup plus attractives", notamment en termes de rémunération. En conséquence, le recours aux médecins intérimaires pourrait être réduit. Recertification des médecins Sur la base du rapport remis par le Pr Serge Uzan en novembre dernier, le projet de loi prévoit une recertification des compétences des médecins. Les modalités ne figurent pas dans le texte, et seront précisées ultérieurement par ordonnances. Ce délai doit permettre un temps de concertation avec les professionnels.
Extension du dispositif de médecin adjoint Jusqu'ici les internes en dernière année pouvaient assurer des remplacements uniquement dans les zones de plage l'été, ou de montagne l'hiver, en période d'afflux touristique. Une modification du statut de médecin adjoint permettra désormais aux internes en dernière année d'assurer des remplacements dans toutes les zones sous-denses. Télésoin Pour aller au-delà de la télémédecine et ouvrir la pratique aux autres professionnels, le texte autorise une activité à distance pour les paramédicaux. Prescription dématérialisée Dans un souci de modernisation des outils, le texte ouvre la voie aux "e-ordonnances". Ces ordonnances dématérialisées pourront être intégrées à l'espace numérique de santé du patient, elles seront aussi accessibles aux pharmaciens. Elles devraient permettre de "réduire les interactions médicamenteuses", de "ne plus oublier son ordonnance quand on part en vacances", sans parler de "l'avantage évident en termes d'environnement", assurent les services du ministère.
Praticiens à diplôme hors Union européenne Deux articles concernent les Padhue. L'article 4 leur permettra d'accéder aux Contrats d'engagement de service public (CESP). Ces dispositifs, qui existent déjà pour les étudiants et les internes en médecine, prévoient une allocation mensuelle de 1 200 euros en échange de l'engagement d'une installation en zone-sous dotée. Par ailleurs, l'article 21 modifie les conditions de recrutement des Padhue. Le texte "sécurise les processus de vérification des compétences acquises et améliore leurs conditions d'intégration au système de santé". Un statut unique de "praticien associé en intégration" remplace les trois statuts existants de contractuels associés. Numérique en santé A compter du 1er janvier 2022, tous les patients pourront ouvrir un compte pour accéder à leur espace numérique de santé. Via ce portail, ils pourront retrouver leur DMP, leur carnet de vaccination ainsi que les rappels, des connaissances actualisées sur les pathologiques les concernant, des applis agréés de suivi de santé, leurs ordonnances, radiographies, examens… "J'ai étudié les dessous du DMP et ça ne marchera pas" Un Health data hub, plateforme de données de santé, remplacera l'actuel Institut national des données de santé. Cette base très riche et sécurisée pourra permettre aux chercheurs d'exploiter des données de santé élargies aux données cliniques, et plus seulement médico-administratives. Missions des ARS L'article 19 prévoit "l'allègement des missions des ARS", afin de les recentrer sur l'organisation territoriale. Par ailleurs, il permet la création d'une ARS de Mayotte, distincte de celle de La Réunion.
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