Décès, hospitalisations, perte d'efficacité, comportements addictifs… Mal utilisé, le médicament peut faire des ravages. Vendredi 22 mars, les membres de l'Association du bon usage du médicament se sont réunis au ministère de la Santé, à Paris, pour faire le point sur les actions de prévention entreprises.
Mauvais dosage, non-respect du traitement prescrit, interaction entre plusieurs médicaments… chaque année, le mauvais usage du médicament serait responsable de 10 000 décès et de nombreuses hospitalisations. Or, 45% de ces accidents seraient évitables. Face à ce fléau de santé publique, "le médecin tout seul ne suffit pas" a rappelé Xavier Cnockaert, président de l'association Bon usage du médicament, vendredi 22 mars lors d'un colloque organisé au ministère.
"Nous ne sommes pas des experts du médicament"
Née en 2016, l'association rassemble tous les acteurs de la chaine du médicament : des médecins aux industriels, en passant par les pharmaciens, les infirmières, les éditeurs de logiciel d'aides à la prescription et même les kinés. "Nous ne sommes pas des experts du médicament, mais des professionnels de grande proximité avec le patient", a souligné Michel Arnal, vice-président du Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Au cours d'une séance de 30 minutes, le kiné peut en effet détecter des troubles de la fonctionnalité, de l'équilibre ou de la coordination qui peuvent êtres causés par le traitement médicamenteux et ainsi "jouer un rôle d'alerte" auprès du prescripteur. "En moyenne, un patient en France 'consomme' 48 boites de médicaments par an", a rappelé Nicolas Revel, directeur de la Caisse nationale d'Assurance maladie (Cnam). Ce mésusage du médicament constitue non seulement un problème de santé publique, mais aussi de maitrise des dépenses : les médicaments représentent environ 38 milliards d'euros de dépenses par an (dont 32 milliards en ville), dont 27 milliards prises en charge par l'assurance maladie obligatoire. La Cnam a choisi d'infléchir cette tendance par le biais des conventions signées avec les médecins libéraux d'une part, et des pharmaciens d'officine d'autre part. La rémunération sur objectif de santé publique (Rosp) du médecin traitant de l'adulte, version 2016, comprend ainsi deux indicateurs visant à lutter contre l'antibiorésistance. Les premiers résultats sont "encourageants", relève Nicolas Revel : le taux de prescription d'antibiotiques chez les 16-65 ans en ALD a été réduit à 36.1% en 2017, soit une baisse de 3.4 points. "C'est 170 000 traitements évités." Un taux que la Cnam a ambitionné de diviser par 2 en 2018. "Les résultats seront connus fin avril", a précisé le directeur de l'Assurance maladie, qui continue de déplorer la faible utilisation des Streptotest. Par ailleurs, les résultats des indicateurs de iatrogénie (prescription d'anxiolytiques, d'hyponotiques et de psychotropes) sont "en dents de scie", déplore Nicolas Revel.
Entretiens pharmaceutiques et les bilans de médication
Côté pharmaciens, la Cnam investit "fortement" sur les entretiens pharmaceutiques (AVK, AOD et asthme) et sur les bilans de médication chez les personnes âgés polymédiquées (au moins 5 traitements chroniques). Introduits par l'avenant de juillet 2017, ces bilans concernent un "potentiel de 4 millions de patients". Même s'ils se développent lentement, ils correspondent à "une nécessité et une aspiration profonde des jeunes professionnels", veut croire Nicolas Revel. Les infirmières ne sont pas en reste : la convention en cours de négociation prévoit de créer un nouvel acte d'accompagnement de la prise médicamenteuse par l'infirmière libérale à domicile. Le bon usage du médicament passe aussi par des "recommandations de bonne pratique plus accessibles", a insisté le directeur de la Cnam. La HAS et les collèges médicaux de spécialité travaillent actuellement à "des outils d'aide à la décision". Quant au dossier médical partagé, il représente "une absolue nécessité" pour diminuer la iatrogénie. Le colloque a également permis de mettre en avant d'autres initiatives innovantes conduites par les membres de l'association. L'éditeur Vidal a développé une application à usage hospitalier : sur la base de l'analyse du flux de prescriptions, des examens biologiques et des variables du patient (âge, poids, sexe), cette solution permet d'identifier les situations à risque qui nécessitent l'intervention d'un pharmacien hospitalier. La société ExactCure a quant à elle développé un "Jumeau digital" qui simule l'efficacité et les interactions des médicaments dans le corps d'un individu en fonction de ses caractéristiques personnelles. L'expérimentation associera une association de patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques, des patients isolés polymédiqués, le syndicat de pharmaciens Uspo ainsi que le syndicat de jeunes généralistes Reagjir.
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