Crise à Mayotte : "L'hôpital doit être remis en état, mais la médecine de ville existe aussi"
Les libéraux de Mayotte ont écrit aux ministres de la Santé et des Outre-mer ainsi qu’au Premier ministre pour demander à être mieux intégrés à la réponse à la crise sanitaire, après le passage du cyclone Chido sur l’île. Egora fait le point avec la Dre Christine Kowalczyk, présidente de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) "médecins" de l’Océan indien.
Egora : De quelles informations disposez-vous sur l’état des cabinets des médecins libéraux à Mayotte après le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier ?
Dre Christine Kowalczyk : Il y a une trentaine de médecins libéraux sur l’île. Certains n’ont pas eu de dégâts, d’autres en ont eu beaucoup, mais aujourd’hui ils ont pour la plupart réussi à remettre leur cabinet en état. Au début, ils ont surtout souffert des coupures d’électricité, des difficultés d’approvisionnement en eau et des problèmes de communication qui étaient flagrants. Ils ont eu besoin de bâches pour parer au plus pressé, et au bout d’une semaine, la majorité des cabinets étaient fonctionnels, même s’il reste des besoins. Et je souligne que ce sont des gens qui ne se sont occupés de leur propre maison qu’ensuite, et qu’ils ont dû faire cela tout seuls, sans aide.
Pourquoi avez-vous, avec l’UPRS "infirmiers" de l’Océan indien, décidé d’écrire au Premier ministre, au ministre de la Santé et à celui des Outre-mer ?
En réunion, dans les journaux... nous avons constaté qu’on parlait de la réponse à la crise sanitaire sans parler des libéraux. Nous ne pouvons pas continuer à nous taire. Le Premier ministre est venu, nous avons été invités à venir l’écouter, mais il n’a rien dit sur nous. Personne n’a demandé comment les professionnels de santé de ville allaient, ce dont ils avaient besoin pour remettre leurs cabinets en état… L’ARS a mis une semaine à rentrer en contact avec eux. Et quand, à l’URPS "Océan indien", nous avons dit que nous voulions faire un appel aux dons, envoyer des colis, on nous a dit de nous débrouiller par nous-mêmes, ce qui nous a beaucoup surpris. Certes, l’hôpital doit être remis en état, mais la médecine de ville existe elle aussi !
Quelles étaient les demandes formulées dans cette lettre ?
Tout d’abord, nous constatons que les libéraux n’ont pas été sollicités dans le cadre de la cellule de coordination qui inclut la réserve sanitaire, Médecins du Monde... Ils n’ont été contactés que dans un deuxième temps. Or, les libéraux ont des informations, une vision du terrain que les autres acteurs ne peuvent pas avoir. Ils peuvent savoir mieux que personne quels sont les besoins de la population, et devraient donc avoir leur place autour de la table.
D’autre part, nous constatons que toutes les aides vont vers l’hôpital, il n’y a pas eu de fléchage vers les libéraux. Nous avons joué le jeu des appels aux dons pour la société civile mais ensuite, quand nous avons dit qu’il fallait de l’aide aussi pour les libéraux, nous n’avons pas eu de réponse.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis des autorités sanitaires et de l’Assurance maladie ?
Nous demandons à être pleinement intégrés à la réponse à la crise, car celle-ci n’est pas finie. On parle de 4 000 blessés, et nous allons devoir faire face au risque épidémique, avec les maladies vectorielles. Il faudra donc que nous puissions participer aux différents échanges qui pourront avoir lieu. Par ailleurs, nous n’avons eu la première réunion avec l’Assurance maladie que le 27 décembre, alors que des questions administratives particulièrement saillantes doivent être traitées avec elle : il y a une importante population sans-papiers à gérer, beaucoup de gens ont perdu leurs papiers, on ne peut plus télétransmettre… Nous avons donc besoin d’alléger tout ce qui est administratif. Le plus triste, c’est qu’on a l’impression qu’on n’apprend pas de nos erreurs : pendant l’épidémie de Covid déjà, les libéraux s’étaient fédérés très rapidement, mais il a ensuite fallu que nous allions pleurer pour avoir des informations et être intégrés dans les dispositifs.
Quels sont vos besoins en termes de matériel ?
Les médecins nous disent qu’il n’y a plus de dispositifs médicaux dans leurs cabinets, qu’il faut refaire les stocks pour la vaccination… Ils ont besoin de moyens de communication, par exemple d’antennes Starlink permettant d’accéder facilement à internet, car l’hôpital de campagne n’est pas le seul à avoir des besoins en ce sens. Il y a aussi besoin de bâches. Mais nous sommes bien conscients que l’île n’a jamais connu de crise aussi grave, et qu’il faut se montrer compréhensifs.
Le plus important pour nous, c’est d’anticiper pour la prochaine crise. Pour cela, il faudrait que nous sachions précisément comment nous positionner. Nous sommes au contact de la population, les infirmières libérales le sont encore plus, nous devons à l’avenir être mieux intégrés aux flux d’informations. Nous ne voulons pas forcément être décisionnaires, mais nous voulons pouvoir remonter les informations dont nous disposons, et être mis au courant de celles dont les autorités disposent. Un simple exemple : nous n’avons pas été mis au courant du fait que jusqu’à ces derniers jours, seuls des vols militaires étaient possibles pour Mayotte, et de la date à laquelle les vols commerciaux pourraient reprendre. Pour les approvisionnements, c’est une information importante !
Quelles ont été les réactions des autorités sanitaires à votre lettre ?
On nous a dit que le directeur général de l’ARS n’était pas très content. Nous n’avons rien contre lui et ne contestons pas sa compétence, c’est juste que les lourdeurs administratives françaises sont ce qu’elles sont !
Quelles sont vos attentes pour les futures crises qui ne manqueront malheureusement pas de se présenter ?
Il faut que dans toutes crises sanitaires, les URPS soient sollicitées dès la première réunion. Mais je pense que les choses sont en train de changer et que nous commençons à être entendus.
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