Sanofi a "commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d'information" sur les risques de malformations et de retard de développement pour le fœtus en cas prise du médicament antiépileptique durant la grossesse, a jugé le tribunal judiciaire de Paris, ce mercredi. Il a par ailleurs estimé "recevable" l’action de groupe présentée par l’association de victimes de la Dépakine contre le laboratoire français, laissant entrevoir la possibilité d’une indemnisation. Selon l’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), à l’origine de l’action lancée en 2017, Sanofi et les autorités sanitaires ont tardé à informer sur les risques de malformations physiques et de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant provoqués par le valproate de sodium, commercialisé depuis 1967 sous les marques Dépakine (pour les épileptiques), Dépakote et Dépamide (pour les bipolaires) et sous des marques génériques. Selon l’Assurance maladie et l’ANSM, le valproate de sodium serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants.
Dans son jugement, le tribunal fixe à 1984-2006, la période durant laquelle le risque de malformations congénitales n’a pas été suffisamment pris en compte. Elle est fixée à 2001-2006 pour les troubles neurodéveloppementaux. Au regard des informations scientifiques disponibles à ces périodes, il estime que Sanofi a "produit et commercialisé un produit défectueux entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales, et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neurodéveloppementaux". Une décision saluée par l’association qui regrette néanmoins que "les dates retenues" par le tribunal soient "trop restrictives et ne [soient] pas conformes aux données de la science", a indiqué son avocat, Me Charles Joseph-Oudin, ajoutant "qu’il allait étudier" l’opportunité de faire appel. Selon l’asso, en effet, le risque de troubles du développement était connu avant 2001 et le manque d’information a persisté après 2006, date à laquelle le médicament est devenu "déconseillé" durant la grossesse. Les conditions de prescription ont continué à être restreintes après jusqu’à une contre-indication totale chez les femmes en âge de procréer en juin 2018, sauf dans des situations exceptionnelles où les autres traitements ne sont pas efficaces. Le laboratoire Sanofi a néanmoins annoncé son intention de faire appel de cette décision, considérant que le jugement n’était "pas en adéquation avec les premières décisions de justice qui, soit ne retiennent pas la responsabilité du laboratoire, soit constatent que la responsabilité prépondérante repose sur d'autres acteurs du système de santé", à l’instar de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), mise en examen pour "homicides involontaires" dans le cadre de l’enquête pénale, en 2020, tout comme Sanofi. La justice a également condamné l’Etat en juillet 2020 à indemniser des familles de victimes. Sanofi a par ailleurs assuré à l’AFP avoir "toujours été transparent, en alertant les autorités de santé et en sollicitant à plusieurs reprises des modifications des documents d'information de la Dépakine". En parallèle, l’AFP a appris de sources concordantes que le magistrat chargé de l'instruction pénale sur la commercialisation de la Dépakine devra faire réaliser une deuxième expertise. En effet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a infirmé mi-décembre la décision qu'avait rendue le magistrat instructeur refusant de diligenter une nouvelle expertise, réclamée par Sanofi. Le nombre d’experts devant réaliser le nouveau rapport doit encore être fixé. [Avec AFP]
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