Deux enquêtes épidémiologiques rendues publiques à Cayenne font état d'une contamination nouvelle au plomb sur l'ensemble de la Guyane, et du maintien de l'intoxication au mercure dans les villages autochtones de l'intérieur. Les orpailleurs clandestins qui utilisent du mercure relâché dans le fleuve Maroni ont contaminé les poissons.
"On suspectait une imprégnation élevée" au mercure en Guyane, a indiqué jeudi Audrey Andrieu de la cellule interrégionale d'épidémiologie (CIRE), lors de la restitution publique d'une enquête inédite sur la contamination au plomb en Guyane, "Guyaplomb", menée de 2015 à 2017 sur près de 600 jeunes Guyanais de moins de 6 ans. Au final, avec 22,8 µg/l (microgrammes de mercure par litre de sang) en Guyane, "la moyenne géométrique est plus élevée" que la moyenne nationale (15 µg/l) ou qu'en Martinique (19,8 µg/l) ou en Guadeloupe (20,7 µg/l), a-t-elle expliqué. Le seuil de déclaration obligatoire auprès des organismes médicaux est de 50 µg/l de sang. Les premières détections de plomb remontent à 2011 à Charvein, lieu-dit proche de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni (est). "Depuis Charvein, on avait peu de données sur le saturnisme à l'échelle guyanaise même si on suspectait une imprégnation élevée au-delà de cette zone géographique", a ajouté Audrey Andrieu. La CIRE a précisé que les causes de cette intoxication étendue "sont encore en cours d'étude", mais de fortes suspicions pèsent sur une cause alimentaire. Les cas de saturnisme sont "plus importants chez les garçons et les enfants sous CMU" (couverture maladie universelle) et "sur le littoral guyanais". Néanmoins, à Camopi et Trois-Sauts, villages amérindiens sur le fleuve Oyapock, frontalier avec le Brésil, les taux sont très élevés. A Camopi, 16 enfants sur 20 prélevés ont une plombémie supérieure à 50 µg/l. Une autre étude épidémiologique a confirmé le maintien de la forte surimprégnation du mercure chez les autochtones du Haut Maroni, zone du Parc amazonien de Guyane, qui vivent à plusieurs heures de pirogue et d'avion du littoral. "En 2012, le taux d'imprégnation était considérable pour plus de la moitié de la population" du Haut Maroni, selon le docteur Rémy Pignoux, en charge de l'étude menée de 2012 à 2017. Aujourd'hui, selon lui, sur les 300 femmes enceintes et jeunes enfants suivis, "87 % des femmes présentent un risque au niveau foetal" pouvant engendrer des "malformations définitives" et "40% des enfants" sont contaminés à plus de 5 µg/l. La valeur seuil de l'Organisation mondiale de la santé est fixée à 10 µg/g de cheveu, mais pourrait être divisée par deux prochainement. La surimprégnation dans le haut Maroni est démontrée depuis les années 90. Selon Rémy Pignoux, la baisse de 2012 à 2017 est néanmoins "significative" chez les femmes enceintes suivies, car elles "ont adopté les bons usages alimentaires", c'est-à-dire moins consommer les poissons du fleuve contaminés par le mercure utilisé pour l'orpaillage clandestin. "L'orpaillage est le premier vecteur de la remise en suspension du mercure qui contamine les poissons", a ajouté le médecin. [Avec l'AFP]
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