Les découvertes biomédicales rapportées par la presse: pas toutes fiables

30/03/2017 Par Dr Philippe Massol
Santé publique

A l’affut du scoop ou des innovations médicales, la presse couvre préférentiellement les études scientifiques initiales et n'informe quasiment jamais le public lorsqu’elles sont invalidées, ce qui est pourtant le cas le plus fréquent. C'est ce que montrent Estelle Dumas-Mallet, du Centre Emile Durkheim, et ses collaborateurs de l'Institut des maladies neurodégénératives (Bordeaux). Les auteurs ont analysé la couverture médiatique de 4723 études associant un facteur de risque avec une pathologie.

La reproductibilité de la recherche biomédicale préoccupe la communauté scientifique depuis le début des années 1990. En particulier, les résultats d’études initiales, que ce soit dans le cadre d’études précliniques, d’essais cliniques ou d’études d’association, sont souvent invalidés par les études ultérieures. Il n’y a rien de choquant du point de vue de la connaissance scientifique, mais cela pose problème concernant la médiatisation des recherches, car les résultats négatifs venant abroger les premières recherches ne sont pratiquement jamais relayés par la presse.  Les chercheurs du Centre Emile Durkheim et de l'Institut des maladies neurodégénératives (CNRS UMR 5116 et 5293, Université de Bordeaux) ont analysé la couverture médiatique de 4723 études d’association entre différents facteurs de risque (génétiques, environnementaux, épidémiologiques) pour trois domaines de la recherche biomédicale: la psychiatrie (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, autisme, schizophrénie et dépression), la neurologie (maladies d’Alzheimer et de Parkinson, épilepsie et sclérose en plaque) et quatre maladies somatiques (cancer du sein, glaucome, psoriasis et polyarthrite rhumatoïde). Ces études ont été classifiées en deux catégories : les études concernant l’influence du "mode de vie", sur lequel un sujet peut agir (par exemple ne pas fumer) et les lautres études. Ces publications scientifiques avaient été préalablement sélectionnées en compilant les résultats de 306 méta-analyses. La reproductibilité de chaque étude a donc pu être évaluée en comparant leur résultat avec celui de la méta-analyse correspondante. La base de données Dow Jones Factiva a été utilisée pour déterminer quelles études scientifiques avaient été couvertes par la presse anglo-saxonne.  Les chercheurs ont identifié 156 études (3,3%) relayées par 1475 articles de presse. Cette analyse montre que la probabilité pour une étude d’être couverte par la presse augmente largement avec le facteur d’impact, autrement dit le prestige du journal scientifique dans lequel l’étude est publiée. La presse couvre de manière égale les études initiales ou ultérieures sur "le mode de vie". En revanche, pour les autres études, les journalistes couvrent plus fréquemment les études initiales (13,1%) que les études ultérieures (1,2%). Par ailleurs, les journaux ne couvrent jamais les études initiales rapportant un résultat nul et rarement les études ultérieures négatives.  Parmi les 156 études couvertes, seulement 48,7% ont été validées par les méta-analyses correspondantes. En particulier, le taux de validation des études initiales ne se rapportant pas au "mode de vie" est bien inférieur (33,3%) à celui des études subséquentes (64%) ou des études sur le "mode de vie" (49%). Finalement, alors que 234 articles de presse avaient été consacrés à la couverture de 35 études initiales qui ont été par la suite invalidées, seulement 4 articles de presse se sont fait l’écho d’une étude ultérieure négative et ont mentionné la réfutation de l’étude initiale.  Ainsi, les journalistes couvrent préférentiellement les études initiales et ils n’informent que rarement le public des réfutations. "Il semblerait donc que les journalistes n’ont pas conscience ou choisissent d’ignorer l’incertitude inhérente aux résultats initiaux", expliquent les auteurs. "Les chercheurs ont sans doute une part de responsabilité: lors de leurs échanges avec les journalistes, pensent-ils bien à préciser le caractère incertain d'une étude initiale?"

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