Seuls 3 autotests sur 13 validés par l'Académie de pharmacie

12/02/2018 Par Marielle Ammouche
Santé publique

L’Académie nationale de pharmacie publie un rapport dans lequel elle souligne la nécessité d’augmenter le niveau d’exigence de qualité et l’information des patients concernant les autotests et Trod. Sur treize autotests analysés, l’institution en recommande seulement trois et en déconseille formellement cinq.

Depuis quelques années, les tests rapides d’orientations diagnostiques (Trod) et les autotests se sont multipliés sur le marché. Ils couvrent de multiples domaines, allant de l’angine au VIH, en passant par la surveillance glycémique. Ce développement s’accompagne d’inquiétudes concernant leur efficacité et leur sécurité. Ce sentiment a été exprimé en particulier dans une enquête récente publiée par 60 millions de consommateurs en juin 2017, qui concluait que seuls deux autotests sur 20 vendus en pharmacie était fiables ; et que les autres étaient souvent couteux et pouvaient même d’avérer dangereux. Dans ce contexte, la Direction générale de la Santé a demandé un rapport sur ce sujet à l’Académie nationale de pharmacie. Ses conclusions viennent d’être présentées à la presse. L’Académie rappelle ainsi que le Trod est un test d’orientation pour le professionnel de santé. Il "ne constitue pas un examen de biologie médicale et ne se substitue pas au diagnostic réalisé au moyen d'un examen de biologie médicale". Il s’agit principalement, pour le médecin généraliste du Trod oropharyngé des angines à streptocoque du groupe A, ou du Trod nasopharyngé de la grippe. Mais il en existe aussi pour d’autres situations variées, et pour des professionnels ciblés: mesure transcutanée des paramètres d'oxygénation, test capillaire de détection de l'état immunitaire vis-à-vis du tétanos, Trod de l'infection par les virus de l'immunodéficience humaine, Trod de l'hépatite C, test vaginal de rupture prématurée des membranes fœtales, ou encore test transcutané d'évaluation de la bilirubinémie. L’autotest, au contraire, est utilisé par l’usager ou son entourage. Certains dispositifs comportent des outils de mesure comme les appareils d’autosurveillance glycémique, ou ceux de mesure de l’INR ; d’autres sont des tests de détection ou d’orientation diagnostique tels que les tests de grossesse, d’ovulation, les bandelettes urinaires, les éthylotests, ou plus récemment les autotests de dépistage du VIH. Ils sont réalisés sur le sang, les urines ou encore les selles (dépistage du cancer colorectal).   Autotests : améliorer la qualité et l’information du patient   Les autotests et trod répondent à plusieurs nécessités et évolution des pratiques. "Le développement des autotests […] est associé à des progrès réels en matière de prise en charge des usagers non diagnostiqués et des patients atteints de maladies chroniques, notamment en raccourcissant les circuits de prise en charge et de surveillance thérapeutique" et "l’utilisation des Trod permet souvent un dépistage rapide en amont d’une confirmation par un examen de biologie médicale (EBM)", reconnaissent les auteurs du rapport. Ces tests permettent aussi d’impliquer davantage le malade dans sa pathologie, de renforcer l’observance aux traitements, et au final, et d’améliorer la prise en charge de la maladie. Cependant, leur développement est "rapide et peu régulé", considèrent les académiciens. Le rapport critique en particulier certaines informations figurant sur la notice ou la boite des autotests pour le patient, qui ne sont pas toujours justes. Ainsi, l’"autotest Insti de dépistage du VIH" revendique "une détection du VIH jusqu’à deux semaines plus tôt que les produits concurrents". Or "cette mention a été récemment remise en cause par la Société française de lutte contre le sida (SFLS)", après la parution de nouvelles données montrant des performances similaires, affirment les auteurs du rapport. Autre exemple, l’"autotest allergie", qui préconise la détection des anticorps IgE "en cas de symptômes récurrents d’allergie, pour détecter si j’ai une allergie alimentaire ou respiratoire". Or, "la relation directe de cause à effet entre une augmentation de la concentration sérique des IgE et l’allergie n’est pas clairement établie", rappelle le texte, qui mentionne de nombreuses autres "erreurs".  Seuls trois autotests recommandés sur 13 Finalement, sur les 13 autotests analysés, l’Académie de pharmacie en recommande trois : contre le VIH, contre les infections urinaires, et dans la recherche d'anticorps antitétaniques. Dans le cas du VIH, "le conseil du pharmacien est très important puisque cet autotest ne peut être utilisé que trois mois au moins après un rapport à risque, et le résultat doit être confirmé par un autre test", a souligné lors d'une conférence de presse à Paris la secrétaire perpétuelle adjointe de l'Académie, Liliane Grangeot-Keros. L'autotest contre l'infection urinaire permet de gagner du temps sur le diagnostic. Et celui concernant le tétanos dit avec fiabilité si une personne est vaccinée ou non. "J'en ai longtemps rêvé, de ce test. À un moment où il y a de grands doutes sur la vaccination, on a là un moyen de dire objectivement si un patient est protégé ou non contre la maladie", a commenté Martial Fraysse, membre de l'Académie et président du Conseil de l'ordre des pharmaciens en Île-de-France. Les autotests déconseillés le sont parce qu'ils manquent d'intérêt ou de fiabilité. Ainsi celui de la maladie de Lyme comporte-t-il un "risque majeur d'interprétation inadéquate", avec trop de "faux positifs" et de "faux négatifs". Également déconseillés : les autotests sur les allergies, trop simplistes pour qu'on leur fasse confiance. La mesure des immunoglobulines E (IgE) "ne présente pas d'intérêt médical avéré dans le cadre d'un dépistage d'une allergie", d'après l'Académie. Sont aussi déconseillés l'autotest pour l'infection à Helicobacter pylori (une bactérie de l'estomac), pour le cancer de la prostate (par l'antigène PSA), et pour le cancer colorectal.  

  Les auteurs du rapport ajoutent que la rédaction des informations fournis à l’utilisateur "doit être mieux encadrée et faire l’objet d’un contrôle, afin d’éviter une interprétation erronée et des conséquences néfastes pour l’usager/patient qui pourrait être rassuré ou inquiété à tort". Dans leurs recommandations, ils conseillent aussi "d’augmenter le niveau d’exigence d’assurance qualité des autotests et des Trod à des niveaux comparables à ceux exigés en Allemagne et en Suisse, la qualité analytique des autotests, n’étant pas suffisamment évaluée".   Elargir l’utilisation des Trod en pharmacie   L’Académie de pharmacie souhaite aussi élargir l’utilisation des Trod. Elle considère en effet que leur "développement en officine constitue une véritable avancée en matière de santé publique".  En particulier, elle recommande d’augmenter la liste des Trod disponibles en pharmacie, en autorisant, par exemple, les Trod "tests urinaires" et  "recherche d’anticorps antitétaniques", "ce qui permettrait si nécessaire une prise en charge thérapeutique plus rapide par le pharmacien d’officine" ; en permettant la réalisation du Trod VIH, et en autorisant "dès maintenant, la délivrance du kit de dépistage du cancer colorectal par le pharmacien d’officine dans le cadre de la campagne nationale". Elle souhaite, en outre, encourager le pharmacien d’officine à réaliser les Trod "angine", de façon à "renforcer la lutte contre l’antibiorésistance".  Dans ce cadre, le texte précise la nécessité d’augmenter l’information et le conseil aux patients, en les orientant si besoin vers les autres professionnels de santé, avec qui une meilleure coordination des soins doit être mise en place en développant des "interfaces entre pharmaciens d’officine, biologistes médicaux, médecins et infirmières". Les pharmaciens soulignent enfin la nécessité que ces Trods soient pratiqués par des professionnels formés, que ce soit par le biais de la formation initiale des pharmaciens d’officine, ou encore du DPC, "en élaborant des programmes sur les autotests et les Trod, indépendants des fabricants ou des distributeurs", précise l’Académie de pharmacie.

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