données de santé

"Le but ultime, c’est que ça serve les patients" : SOS médecins crée son propre entrepôt de données de santé

Début août, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a autorisé l’association SOS médecins à créer son propre entrepôt de données de santé. Selon la Dre Céline Falco, à l’origine du projet, il devrait être opérationnel à partir de la "fin de l’année" et servira à piloter l’activité de la fédération, mais aussi à la faire de recherche et à favoriser l’innovation.

07/10/2024 Par Mathilde Gendron
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Jusqu’ici, aucun établissement de médecine de ville n’avait pu bénéficier de l’accord de la Cnil pour créer un entrepôt de données de santé (EDS). Avec "Contact", lancé en septembre, SOS Médecins réalise une première. "On a choisi ce nom, car la philosophie de SOS médecins ça a toujours été d’aller au contact des gens", explique la Dre Céline Falco, médecin et présidente de la commission scientifique au sein du réseau SOS médecins France, qui compte 1300 praticiens.

À l’origine, c’est dans sa tête que ce projet est né, au printemps 2022. "On avait énormément de données à SOS médecins", confie-t-elle. Céline Falco évoque celles "liées à la prise en charge du patient", c’est-à-dire "les données vocales de la prise d’appel, les données textuelles que le patient entre quand il prend rendez-vous sur internet, les données de régulation, le motif, tout ce qui est lié à l’acte, les données des champs structurés pour les paramètres vitaux et les champs non structurés pour l’observation médicale, le diagnostic, le devenir et la prescription". Cela représente une multitude d’informations, car au total plus de 4 millions de personnes visitent le réseau SOS médecins chaque année, que ce soit à domicile ou en point fixe. "Mais on n’avait pas le droit de les réutiliser notamment pour faire de la recherche", souligne-t-elle.

Face à ce constat, elle se renseigne et comprend qu’il faut que l’association de médecins crée un EDS. "J’ai lancé des perches un peu partout et je me suis aperçue que c’était porteur", se souvient-elle. Car, si la médecin est convaincue de la nécessité de collecter ces données, c’est pour une raison. Céline Falco a constaté que "quasiment tous les CHU ont un EDS". Elle en conclut que pour ce qui est des données hospitalières, la France "sait faire". Pour "les données de médecine de ville, il y a P4DP [platform for data in primary care, NDLR], c’est l’EDS de la médecine traitante de ville, mais par contre entre les deux, il y avait un trou". Pourtant, entre la médecine de ville et la médecine hospitalière "il y a SOS médecins".

«Boucher ce trou dans la raquette»

Lorsque la présidente de la commission scientifique de SOS médecins commence à parler du projet autour d’elle, elle s’aperçoit que les avis abondent dans son sens. "Les gens me disaient que ça viendrait boucher ce trou dans la raquette", explique-t-elle, satisfaite. Elle présente alors son idée lors de l’assemblée générale de SOS médecins France. "Tous les associés de la fédération ont soutenu le projet. Ils m’ont dit : ‘c’est un beau projet, on pense que ça peut apporter quelque chose à nos patients’. Parce que le but ultime, c’est que ça serve les patients", insiste-t-elle.

Son projet sera pourtant semé de quelques embûches, notamment sur le plan technique, car il faut trouver un partenaire, capable de créer un entrepôt, sur des éléments aussi sensibles que des données de santé. "On travaille avec Arkhn, qui est une start-up spécialisée dans les EDS, et qui a déjà travaillé avec des établissements de santé [AP-HP, Institut Curie, CHU de Toulouse… NDLR]", indique Céline Falco.

Une fois le partenaire technique trouvé, il faut également passer à l’étape réglementation. "Le référentiel pour créer un EDS s’adresse plus particulièrement aux établissements de soins, voire aux établissements de soins publics. À partir du moment où on n’en est pas un, le référentiel EDS ne peut pas s’appliquer en l’état donc on est obligé de passer par une autorisation de la Cnil qui nécessite beaucoup de temps, de rigueur et une production documentaire conséquente", poursuit la médecin, qui est parvenue à déposer le dossier début juillet 2024.

"Faciliter l’accès aux soins"

Pendant un mois, la Cnil a analysé l’ensemble des informations recueillies et a fini par approuver la demande de l’association. "On était très contents", confie la Dre Falco. Car à terme, le projet a plusieurs utilités. Déjà en interne, l’EDS doit permettre d'optimiser le fonctionnement de l’association. "Il va servir à faire du pilotage de l’activité de SOS médecins en France, à étudier les parcours de soin, les trajectoires de santé entre la médecine traitante et la médecine hospitalière, pour faciliter l’accès aux soins", explique-t-elle. L’entrepôt a également une deuxième fonction, davantage liée à la recherche ou à l’innovation. "Ça peut être par exemple des études en vie réelle, soit avec des laboratoires pharmaceutiques, soit avec des fabricants de dispositifs médicaux", présente-t-elle.

Dans la pratique, "Contact doit collecter les données des patients qui sont vus par les 1 300 médecins du réseau. Elles sont ensuite pseudonymisées avant d’être consolidées. Après elles sont à disponibilité de la Fédération et aux porteurs de projets", ajoute la médecin. Compte tenu de la sensibilité de ces informations, ceux qui pourront avoir accès aux données de santé doivent effectuer une demande. "Elle doit être étudiée par le Comité scientifique et éthique puis par le Comité stratégique pour s’assurer de la pertinence du projet, promet Céline Falco. Les porteurs de projets auront accès uniquement aux données dont ils ont besoin pour le temps de l’étude."

Pour que toutes les données soient collectées, il reste une dernière étape. Céline doit «signer des accords de partage de données, avec chacune des 64 associations du réseau. Sans ça, elles ne peuvent pas remonter dans Contact. Mais la médecin est optimiste, "on pense que d’ici la fin de l’année on aura signé avec la majorité des associations".

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