Une gigantesque plateforme nationale de données de santé vient d'être lancée
La gigantesque plateforme de données de santé, Health Data Hub (HDH), a été officiellement créée dimanche 1er décembre, alimentant l'espoir de la communauté scientifique tout en suscitant des appels à la vigilance. Elle vient remplacer l'Institut national des données de santé et élargir son rôle. Les centres de recherche publics, mais aussi des entreprises privées qui souhaitent développer des projets nécessitant un nombre important de données - pseudonymisées -, pourront présenter leur demande d'accès au HDH, sous condition de projets d'intérêt général et après autorisation par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Dix projets ont déjà été sélectionnés, certains présentés par des laboratoires de recherche publique, d'autres par des start-up. "Nous comptons dans les prochains mois homologuer cette plateforme pour accueillir les données des projets pilotes et que ces projets puissent tester l'outil au 1er semestre 2020", précise Stéphanie Combes, cheffe du projet à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé. "L'un des objectifs est de mettre à disposition les données, avec des capacités de stockage, de calcul, des outils sécurisés", explique-t-elle, quand cet accès était précédemment plus compliqué pour les chercheurs, qui devaient aller chercher des données à différents endroits. "Un environnement technique sécurisé" Pierre Marquet, chef de service de pharmacologie au CHU de Limoges et porteur d'un des projets sélectionnés, abonde en ce sens. Pour chercher à mieux connaître l'effet des traitements immunosuppresseurs des patients greffés rénaux, son équipe va croiser sa large base de données à deux autres, celle de l'agence de la biomédecine et celle du système national des données de santé. "Il y a des difficultés techniques et réglementaires à regrouper des extraits de trois bases de données de soins. C'est vraiment cela l'innovation : le hub nous apporte un environnement technique sécurisé et réglementaire", explique-t-il.
"Si on n'est pas capables d'utiliser les données existantes, on ne va pas pouvoir faire progresser la médecine aussi vite que l'on le souhaiterait", poursuit le chercheur. "En France, on a des données de très bonne qualité. Il faut les regrouper, les exploiter et les mettre à la disposition des chercheurs, tout en les protégeant soigneusement", estime également le professeur Serge Uzan, vice-président de l'Ordre des médecins. La plateforme soulève en effet des interrogations, notamment sur l'utilisation potentielle de données confidentielles par des acteurs privés comme les géants américains du numérique."Le critère opérant est l'intérêt public. Il faudra que Google ou Amazon aient un projet qui vise l'intérêt public pour légitimer leur demande d'accès aux données", répond Stéphanie Combes, qui souligne que dans tous les cas, les chercheurs n'auront pas la possibilité d'extraire les données de la plateforme. Autre sujet épineux, l'hébergement du site est assuré par Microsoft, alors que le Congrès américain a adopté récemment le "Cloud act", qui permet au gouvernement de demander aux fournisseurs de services américains les données de leurs clients, même si celles-ci sont hébergées à l'étranger. Là aussi, Stéphanie Combes se veut rassurante, expliquant que des analyses de risque ont été faites afin qu'aucun prestataire ne puisse avoir la main sur cet "or blanc". "La donnée hébergée chez Microsoft est chiffrée, et la clef n'est pas détenue par Microsoft", affirme-t-elle. Pour Gérard Raymond, de l'association de patients France Assos Santé, futur vice-président du hub, il conviendra d'être vigilant, même s'il juge que les garanties existantes sont déjà importantes."Nous pensons que l'État va devoir aller plus loin dans les règles et les sanctions envers ceux qui ne respecteraient pas l'éthique", dit-il. "Notre engagement associatif consistera à ce qu'on ait ces moyens pour faire respecter la loi". "Il y a un projet qui est beau, il ne faut pas faire marche arrière, mais il faut veiller à sécuriser les choses, et des décrets à venir seront amenés à nous rassurer ou pas", souligne de son côté Lydia Morlet-Haïdara, maître de conférences en droit à l'Université Paris Descartes, spécialiste du numérique. [avec AFP]
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