La situation est alarmante. Les vétérinaires vont mal et se suicident trois à quatre fois plus que la population générale et deux fois plus que les professionnels exerçant dans la santé humaine. Ce constat alarmant a été dressé par une étude pour le compte de l'association Vétos-Entraide et du Conseil national de l'ordre des vétérinaires (CNOV). Ces travaux menés auprès de 3.244 praticiens (près de 18% des vétérinaires ont un taux d'épuisement émotionnel supérieur à celui des agriculteurs. Au sein de la profession, "cela n'a surpris personne", a déclaré Corinne Bisbarre, vétérinaire à Gradignan (Gironde) et membre du CNOV. "On a tous dans nos promotions, dans notre entourage professionnel direct, des confrères qui se sont suicidés", a-t-elle ajouté, avant de poursuivre. "Huit vétérinaires que je connaissais se sont suicidés", dont "trois camarades de promotion". Cette prévalence des passages à l'acte s'explique notamment par "le fait d'avoir le médicament dans le tiroir", relève Didier Truchot, professeur en psychologie sociale à l'Université de Bourgogne-Franche-Comté, qui a conduit l'étude. Les vétérinaires euthanasient des êtres vivants, et ont donc les compétences et le matériel à disposition pour mettre fin à leurs jours. D'autant que "ce sont des professions historiquement masculines où on ne va pas chercher de l'aide quand on va mal", ajoute le chercheur.
Car selon l'étude, la charge émotionnelle des vétérinaires est sous-estimée alors qu'ils sont exposés à la souffrance des animaux et des propriétaires. La pratique de l'euthanasie, qui peut être très variée (du chien de famille qui souffre et pour lequel il n'y a aucun espoir de guérison aux troupeaux de bêtes pour des raisons sanitaires) ne laisse pas indemne. "Je ne connais pas un vétérinaire à qui ça ne fait rien", explique David Quint, vice-président du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral et qui exerce en Corrèze. "Il y a quelques années, j'ai euthanasié un troupeau de vaches intoxiquées par un feu. J'avais à côté de moi l'éleveur qui pleurait à chaudes larmes", se souvient David Quint. "Vous êtes marqué à vie par ces situations-là". "Quand il y a une épidémie de grippe aviaire, vous tuez tous les animaux que vous soignez et ça a un impact psychologique", abonde Hélène Esqurial, vétérinaire spécialisée dans les volailles dans les Landes. "J'ai déjà euthanasié 2.500 poules toute seule. Vous avez intérêt à être solide ce jour-là". D'autres facteurs de stress entrent en jeu dans les burn-out et les idées suicidaires chez les vétérinaires comme la surcharge de travail, la confrontation à la maltraitance des animaux, ou encore l'image de pompe à fric qui leur colle à la peau, énumère Didier Truchot. Face à ces difficultés, ils sont de plus en plus nombreux à quitter la profession. En 2021, 341 vétérinaires de moins de 40 ans ont quitté le tableau de l'ordre, selon l'atlas démographique 2022 du CNOV. [Avec AFP]
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