Mais que venaient faire à la tribune de la plénière d’ouverture de la 23e Université d’été de la CSMF un représentant du monde agricole, un autre de la grande distribution, respectivement Henri Bies-Péré, 2e vice-président de la FNSEA, et Patricia Sberro, directrice de mission au sein du groupe Casino ? Loin d’être saugrenue, cette présence voulue par le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, s’accordait parfaitement à la thématique de cette Université "Médecins et Territoires ou la Théorie de l’évolution". Car les similitudes en termes d’évolution sont, entre les 3 secteurs de la médecine libérale, du monde agricole et de la grande distribution, plus nombreuses qu’il y paraît de prime abord. Deux exemples.
Ainsi, la grande distribution a précipité les consommateurs vers des grandes surfaces implantées en périphérie des villes avant d’entamer une reconquête des centres villes avec des moyennes surfaces, le pari reposant sur la qualité et la proximité avec en contrepartie des prix plus élevés pour le consommateur et des marges plus importantes pour le distributeur. Quant au monde agricole, malmené par les grandes centrales d’achat, il part lui aussi à la reconquête du consommateur avec le bio, les produits du terroir, les marchés de proximité... Pour Jean-Paul Ortiz, ces mouvements qui répondent à des phénomènes adaptatifs offrent des analogies avec la médecine libérale avec d’une part l’apparition de déserts médicaux dans des grandes villes comme Paris, d’autre part le regroupement d’équipes de soins primaires dans des structures, les MSP notamment, situées majoritairement en périphérie. Mais la comparaison s’arrête là car le retour vers les centres villes est aujourd’hui impossible pour les professionnels de santé libéraux compte tenu de la fixité du tarif des actes médicaux. La désertification des centres villes Pour autant, Jean-Paul Ortiz ne plaide pas pour une tarification variable des actes en fonction du lieu d’exercice mais pour une reconnaissance du coût de la pratique qui n’est pas le même, que l’on exerce dans un immeuble haussmannien au centre de Paris ou à Limoges."Il faut des mesures de soutien adaptées aux spécificités du territoire, défend le président de la CSMF, c’est l’une des réponses à apporter au problème des déserts médicaux", citant pour l’exemple un programme immobilier financé par une collectivité territoriale pour y accueillir des professionnels de santé libéraux. Ce n’est évidemment pas la seule réponse, une autre étant la télémédecine avec l’ensemble de ses solutions, tels la téléconsultation ou le téléconseil, qui doivent être pris à bras le corps par les médecins. Mais tant qu’il persistera aussi des déserts numériques, qui souvent se superposent à des déserts médicaux, en particulier en zone rurale, cette réponse restera du domaine de l’incantation. Des solutions logistiques Contrairement à une idée largement répandue, le"petit épicier" n’est plus l’indépendant que l’on croit. En effet, seul, il ne pourrait répondre à ses besoins en termes d’approvisionnement. D’où l’apport logistique d’opérateurs tels que Leclerc, Carrefour ou Casino. Quant au monde agricole, il s’est largement transformé sous le double effet de la concentration et des coopératives. Alors verra-t-on un tel mouvement dans le monde médical ? C’est probable selon certains, les grands groupes d’hospitalisation privée semblant aller dans cette direction avec le développement d’un soutien logistique apporté à des équipes de soins primaires installées en maison de santé pluriprofessionnelle.
Invitée politique de la 23e Université d’été de la CSMF, Cécile Courrèges, directrice de l’offre de soins, ne s’est pas démarquée de sa ministre de tutelle en cédant à son tour à cette câlinothérapie qui a su apaiser la plupart des tensions nées de la période Touraine. Pour autant, la directrice de l’offre de soins n’a pas nié les risques de rupture, de crise, si rien n’était fait pour résoudre les difficultés grandissantes d’accès aux soins et rétablir l’attractivité des professions de santé. La modernisation des soins primaires est une priorité pour la DGOS, « il faut des soins de ville forts ». Pour cela, Cécile Courrèges prône tour à tour le développement du travail en équipe, l’allègement des tâches administratives pour libérer du temps médical, un statut à donner aux pratiques avancées, un maillage territorial de chaque spécialité médicale de premier ou deuxième recours en fonction des besoins populationnels, un développement du numérique, etc. Bref, des réformes organisationnelles avec des mesures de soutien pour les projets innovants qui naissent du terrain. Des propos apaisants devant des syndicalistes vigilants, qui n’ont pas oublié qu’un Président jupitérien laisse entendre qu’il pourrait court-circuiter si besoin les corps intermédiaires…
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