Maladie coronaire : des études qui pourraient modifier les pratiques
Plusieurs essais cliniques ont marqué ces 10 derniers mois. Cet été, Egora revient sur quelques-unes de ces études qui ont fait l’actualité.
(Article initialement publié le 15/09/16) Le congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC), qui s’est déroulé à Rome du 27 au 31 août 2016, a permis de détailler les résultats d’études cliniques dont certaines pourraient déboucher sur des modifications des pratiques médicales. Des données suggèrent ainsi que l’IRM et la scintigraphie pourraient remplacer la coronarographie. D’autres résultats concernent l’hypercholestérolémie familiale, l’angor réfractaire, ou encore l’infarctus à la phase aiguë. Une meilleure utilisation des examens diagnostiques pourrait permettre d’éviter de pratiquer des coronarographies, chez les patients suspects d’angor. Ce qui est important. En effet, "des études dont certaines américaines (Patel R., et al. N Engl J Med 2010; 362:886-95) ont révélé que les deux tiers des patients coronarographiés ne présentent pas au final de lésions coronaires obstructives", a expliqué Hyuk-Jae Chang (Collège universitaire de médecine, Séoul, Corée). En utilisant le scanner, cette équipe coréenne est parvenue à éviter 78% de coronarographies inutiles et à diminuer de plus de moitié les coûts, tout en ne majorant pas le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire (4,6 %), vient de montrer un essai entrepris chez 1530 patients suivis un an et randomisés en deux groupes (coronarographie sélective ou coronarographie systématique d'emblée). Même les patients à haut risque L’essai britannique CE-MARC 2, mené chez 1202 patients, vient d’aboutir à la même conclusion en recourant à l’IRM et à la scintigraphie de perfusion myocardique. "L’emploi de ces deux tests fonctionnels évite bon nombre de coronarographies et ce même chez les malades à haut risque chez lesquels les recommandations préconisent habituellement de recourir directement à cet examen", a souligné le Pr John Greenwood (Université de Leeds, Royaume-Uni). De fait, 7,5 % et 7,1 % seulement de coronarographies inutiles ont été respectivement constatées dans les deux groupes de 481 patients ayant eu une IRM ou une scintigraphie,alors que ce chiffre s’élevait à 28,8% chez les 240 malades pris en charge selon les recommandations britanniques du NICE (scanner pour ceux à risque faible et estimé entre 10 % et 29 % d'avoir une coronaropathie, scintigraphie myocardique de perfusion pour ceux à risque intermédiaire : 30-60 %, et coronarographie directe pour ceux à risque élevé : plus de 60 %). Le taux de coronarographies positives (autour de 10 %) et d’événements cardiovasculaires (3 % à un an) a été similaire dans les trois groupes. Le Pr Greenwood a rappelé que « la scintigraphie myocardique est l'examen actuellement le plus utilisé dans ce contexte en routine, mais que l'utilisation de l'IRM augmente fortement en Europe. Les résultats obtenus le conduisent "à recommander l'emploi de ce dernier examen en alternative". Par ailleurs, l’étude AMERICA conduite chez 521 patients coronariens considérés comme à très haut risque en raison de lésions coronaires tritronculaires (60 % des malades) ou, après 75 ans, de la survenue récente d’un syndrome coronaire aigu (40 %) a révélé qu’il est inutile de rechercher toutes les lésions extracoronaires asymptomatiques (lésions d’AOMI, lésions carotidiennes, anévrysme aortique…), et d’intensifier, lorsqu’on les trouve, le traitement (double anti-agrégation plaquettaire, statines à haute dose, bêta-bloquants, IEC…). "En effet, ceci n’améliore pas le pronostic à deux ans en termes de mortalité, d’hospitalisations pour événements ischémiques ou de défaillances d’organe par rapport à l’approche conservatrice habituelle qui consiste à ne traiter conventionnellement que les lésions extracoronaires, ayant déjà une expression clinique", a expliqué le Pr Jean-Philippe Collet (Hôpital de la Pitié-Salpétrière, Paris). Le taux d'événements à 2 ans a été comparable, autour de 47 %, chez les patients traités "agressivement" ou de manière conventionnelle, dans cette étude où 21 % des patients se sont finalement avérés être porteurs de lésion extracoronaire asymptomatique. Les aphérèses remplacées par les inhibiteurs des Pcsk9 Maladie qui expose à la survenue précoce d'un infarctus du myocarde, en l'absence de traitement, l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote étaient jusqu’ici traitée par des aphérèses, lorsque les patients ne toléraient pas les statines ou que leurs effets demeuraient trop restreints. "Cependant, si ce traitement peut abaisser le taux de LDL-cholestérol et de lipoprotéine a Lp(a) de 50 à 75 %, il est contraignant car il exige quatre heures de temps, doit être répété régulièrement, et ne se pratique que dans des centres spécialisés", a souligné le Pr Patrick Moriaty (University of Kansas Medical Center, Kansas City, États-Unis). Une étude conduite chez 62 patients américains et allemands, traités par aphérèse toutes les semaines ou toutes les deux semaines, a mis en évidence l’intérêt d’un inhibiteur de PCSK9, l’alirocumab, chez ces malades. Sa prise s’est associée à une réduction de 75 % après 18 semaines du nombre d’aphérèses nécessaires pour abaisser d'au moins 30 % le taux de LDL cholestérol en comparaison d’un placebo. Grâce à ce traitement, de plus bien toléré, 63,4 % des patients de l’essai ont pu éviter d’avoir recours à des aphérèses (0% sous placebo). Les aphérèses pourraient cependant trouver une nouvelle indication dans l’angor réfractaire, chez les 15 % de patients ne répondant pas à au traitement médical et de revascularisation. "Beaucoup de ces malades conservent, même sous statine, des taux élevés de lipoprotéine a [Lp(a)], un facteur de risque indépendant important de coronaropathie qui semble favoriser la formation de l’athérosclérose et réduire la perfusion myocardique. Les taux de Lp(a) sont, en outre, corrélés au risque de coronaropathie", a indiqué le Dr Tina Khan (Imperial Collège, Londres). Un premier essai randomisé, mené en double aveugle en cross-over durant 3 mois contre aphérèse fictive chez 20 patients avec un taux de Lp(a) supérieur à 500 mg/l (et un taux de LDL cholestérol inférieur à 4 mmol/l), a mis en évidence, après aphérèses hebdomadaires, une amélioration significative de la réserve de perfusion myocardique en IRM (qui est passée de 1,45 à 1,93 alors qu'elle s'est abaissée de 0,16 sous aphérèse fictive). Le Dr Khan a également noté une amélioration des symptômes d’angor, des capacités physiques des patients, de la qualité de vie et même de l’importance de l’athérome carotidien en IRM. "Jusque 60 % des 100 patients recrutés initialement pour l’étude avaient un taux de Lp(a) dépassant 500 mg/l", a précisé le Dr Khan. Le Pr Peter Libby (Harvard Medical School, Boston, États-Unis) a confirmé l’importance de cet essai, en dépit de son effectif limité, "des preuves de plus en plus fortes s’accumulant sur l’existence d’une association entre taux de Lp(a) et apparition d’un infarctus du myocarde", a-t-il indiqué. Cet expert a insisté "sur l’importance de réaliser des essais de grande ampleur pour valider la place de ce nouveau concept thérapeutique"."Il n’est pas impossible que la Lp(a) intervienne d’ailleurs à d’autres niveaux et favorise le développement des calcifications valvulaires aortiques", a-t-il ajouté. Infarctus en phase aiguë : prasugrel et ticagrélor font jeu égal Un essai académique randomisé tchèque, Prague-18, a comparé pour la première fois, le ticagrélor et le prasugrel chez 1230 patients avec un infarctus du myocarde traités par angioplastie. "Aucune différence n’a été relevée après 7 jours entre les deux anti-agrégants plaquettaires, en termes de taux d’événements cardiovasculaires (décès, récidives d'infarctus, revascularisations, AVC, hémorragies majeures...) (autour de 4 %). Pour ce motif, l’essai, qui devait comprendre 2500 patients a été interrompu car jugé inutile", a indiqué le Pr Petr Widimsky (Université Charles, Prague, République Tchèque). Les patients seront néanmoins suivis un an, ce qui permettra de vérifier si ces résultats se maintiennent.
La sélection de la rédaction