Santé de la femme.

Combattre les stéréotypes de genre pour mieux soigner

La santé et la prise en charge d’un patient dépend en partie de son sexe et de son genre, social et culturel. Pour le médecin, il convient de faire la part des choses entre différences réelles et stéréotypes, et de tenir compte des particularités de chaque individu.

25/04/2024 Par Muriel Pulicani
Santé publique
Santé de la femme.

Les femmes seraient protégées contre les maladies cardiovasculaires mais plus touchées par l’ostéoporose, les hommes seraient plus "solides" et moins sujets à la dépression… Voici quelques-unes des nombreuses idées reçues bien ancrées dans l’imaginaire collectif, voire chez les professionnels de santé. Or, la plupart des différences sont le fruit de stéréotypes de genre. "Le sexe est un fait biologique. Le genre est acquis et dépend de constructions socioculturelles, de la façon dont l’individu est perçu par les autres : comportements attendus, attributs…", a analysé la Pre Claudine Junien, professeure émérite de génétique à l’Université Paris-Saclay, lors d’un débat inaugurant un cycle sur la santé des femmes organisé par la Fondation de l’Académie de médecine, le 4 avril. 

"Le genre est un cadre de pensée, un système de bi-catégorisation et de hiérarchisation", a ajouté Muriel Salle, historienne, maîtresse de conférences en histoire à l'université Lyon 1. "Les discours construisent le masculin comme la norme (androcentrisme) alors que le féminin est défini sous l’angle du manque. La femme est une exception à la règle… Ce qui a des conséquences sur la construction de certains savoirs." Ainsi qu’en termes d’égalité d’accès aux soins, de diagnostic, de prise en charge…

 

Méconnaissance du risque cardiovasculaire féminin

Le cas des maladies cardiovasculaires est parlant. Dans l’infarctus du myocarde (80 000 cas par an en France), "on est passé en vingt ans de 15 % de mortalité à 30 jours à 5 % aujourd’hui, mais avec des taux de 2,5 % chez les hommes contre 6,5 % chez les femmes. Les maladies cardiovasculaires sont devenues la première cause de mortalité (26 %) chez les femmes de tous âges", a signalé le Dr Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (APHP, Paris). En cause, l’augmentation du diabète, de l’hypertension artérielle et du tabagisme féminin, les variations hormonales au cours de la vie, mais aussi une moins bonne prise en charge, les signes cliniques chez les femmes étant souvent attribués à une crise d’angoisse. Chez elles, des symptômes tels que la douleur sont moins pris au sérieux. "L’endométriose a été découverte en 1860 mais a été intégrée au programme des études de médecine en 2020", a illustré Muriel Salle.

Les clichés jouent également en défaveur des hommes. "La dépression est pensée comme une maladie féminine. Les hommes et les professionnels de santé ne la reconnaissent pas", a pointé Anne-Sophie Grenouilleau, conseillère pharmaceutique à la direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de la Haute Autorité de santé (HAS) et coordonnatrice du rapport "Sexe, genre et santé" de décembre 2020. Ces différences de prise en charge peuvent s’expliquer par "les normes sociales faisant des femmes les responsables de la santé de la famille, les stéréotypes selon lesquels les femmes seraient plus faibles et émotives, et donc qu’il serait plus acceptable pour elles d’être malade et de demander de l’aide, a souligné le Dr Laurent Rigal, professeur de médecine générale à l’Université Paris Saclay et épidémiologiste au CESP Inserm 1018.

A contrario, de nombreuses femmes renoncent à des soins en raison d’un manque de temps et d’une tendance à privilégier la santé de leur entourage plutôt que la leur. "La maladie n’est pas vécue de la même façon et l’observance diffère chez les hommes selon leur propre masculinité", a complété Anne-Sophie Grenouilleau. Le sexe du professionnel de santé influence également la prise en charge.

 

Sexe, genre et individu

"Si la santé féminine doit progresser, la santé masculine – qui est alarmante en Europe – ne doit pas être oubliée." Les médecins sont ainsi invités à "se poser systématiquement la question du genre et du sexe, et à les faire intervenir quand nécessaire, à se méfier de ses propres idées reçues et de celles du patient. Il faut s’en tenir à la science", a exhorté Anne-Sophie Grenouilleau. "La déconstruction des stéréotypes de genre ne doit pas faire oublier le sexe. Les deux sont complètement enchevêtrés", a ajouté la Pre Junien. Cependant, "tout n’est pas différent. Les sexes peuvent être pensés comme mutuellement exclusifs ou comme un continuum", a tempéré Muriel Salle.

Au-delà des différences et des similitudes, la prise en charge du patient ou de la patiente doit tenir compte d’autres déterminants : l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, l’entourage, l’expérience de vie, les vulnérabilités... "Il faut considérer la personne dans son individualité", a conclu Anne Sophie Grenouilleau.

Références :

Sources : D’après un débat organisé par la Fondation de l’Académie de médecine (4 avril). 

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3 commentaires
Photo de profil de Francois Laissy
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 7 mois
Encore un coup d'épée dans l'eau ! Avec l'évolution actuelle de la médecine "un motif, une consultation", impossible de prendre un patient dans sa globalité comme le faisait tout bon généraliste de fa
Photo de profil de Pat Bourgpat
1 k points
Débatteur Passionné
il y a 7 mois
Si Mme devient M., sa dépression, on la classe chez les femmes ou chez les hommes pour le statistiques. Et si elle est non binaire, c'est un coup chez les femmes, un coup chez les hommes?
 
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