"C’est une expérience collective et un magnifique exemple de démocratie sanitaire", a salué Pascal Mélin, président de la fédération SOS hépatites et maladies du foie, lors d’un webinaire le 3 octobre dernier. Ce défi collectif prévoyait un accompagnement des participants (ligne d’aide, informations sur Facebook) et une enquête, dont les résultats ont été présentés sous forme de posters aux Journées scientifiques de la Société française d’hépatologie (association française pour l’étude du foie, Afef) du 4 au 6 octobre à Rennes. 377 volontaires ont rempli un questionnaire début juin et 203 le questionnaire de clôture. Un questionnaire de suivi sera par ailleurs diffusé en décembre et les données feront l’objet d’"une analyse plus fouillée menée en 2024 par un thésard", a annoncé Pascal Mélin. Les répondants sont en grande majorité des femmes (89%), âgées en moyenne de 48 ans. 58% sont en surpoids dont 29% en obésité (contre respectivement 48% et 17% en moyenne nationale). 39% ont une stéatose hépatite non alcoolique (Nash). Le profil des participants est une des limites de l’enquête : près des deux tiers sont déjà sensibilisés à la question, bien plus qu’en population générale. Leurs principales motivations étaient la réduction des sucres ajoutés (44%), la perte de poids (44%), le souhait de tester leurs propres capacités (38%), l’arrêt des grignotages (35%) ou le souhait de faire le point sur leurs habitudes de consommation (28%). Une bonne observance malgré des difficultés Environ la moitié déclare avoir tenu "pratiquement tous les jours", un quart "tous les jours" et un quart "certains jours". 88% ont réduit leur consommation (dont 41% "un peu", 33% "beaucoup" et 14% "totalement"), principalement en biscuits et pâtisseries industriels, chocolat, bonbons et barres chocolatées, yaourts et desserts sucrés, et boissons sucrées. La démarche a été considérée comme difficile par 37% des volontaires et facile par 35%. Les facteurs aidants sont l’effet de groupe, puis l’état de santé (stéatose, diabète). Les difficultés viennent de l’arrêt de "moments rituels", de moments festifs, le stress et la fatigue, ou la tentation. Aussi, 40% ont compensé par une consommation accrue d’autres aliments, notamment les fruits, sans qu’il n’y ait de report sur les édulcorants. 62% ont ressenti un manque plus ou moins fréquent, et 39% ont évoqué une addiction au sucre. Ils ont rapporté une diminution des fringales (45%), une perte de poids (30%, contre 52% de poids stable), mais aussi un meilleur sommeil, un regain d’énergie, une meilleure humeur, une amélioration de l’état de la peau... Des conséquences négatives sont aussi signalées : troubles de l’humeur, mauvais sommeil, moins d’énergie, fatigue. Au final, neuf participants sur dix sont satisfaits. Des propositions pour aller plus loin La fédération émet sept propositions. Deux concernent la régulation de l’offre : "mieux faire apparaître la présence des sucres ajoutés" et "inciter les industriels à diminuer la teneur en sucres ajoutés et en édulcorants inutiles". "Dans l’agroalimentaire, il y a 52 dénominations pour les sucres, sans différence entre ceux naturellement présents et les sucres ajoutés. Le décryptage des étiquettes est un exercice difficile", a pointé Mathilde Leconte, déléguée Nouvelle-Aquitaine de la fédération. Aussi, deux propositions portent sur la sensibilisation du public, dès le plus jeune âge, via des messages positifs. Il faudra intégrer les hommes, qui "ne se sentent pas concernés" alors qu’ils sont "plus fréquemment en surpoids que les femmes et beaucoup plus souvent atteint de certaines pathologies liées au sucre", et les personnes précaires. "L’obésité est liée à des critères socioculturels", a rappelé Pascal Mélin. En outre, la fédération plaide pour que "le rapport au sucre" soit intégré dans le parcours de soins des personnes souffrant de surpoids, diabète ou maladie du foie gras. Elle souhaite faire "admettre la réalité de l’addiction au sucre (...) dans certaines situations". Elle compte réitérer son expérimentation en 2024, en l’élargissant le plus possible. "En France, 8 millions de personnes ont un foie gras, 1 million une Nash dont 220 000 une forme sévère avec des atteintes pré-cirrhotiques ou cirrhotiques. Il y a 3 000 cancers du foie par an avec une mortalité de 90 %", a chiffré Pascal Mélin. L’enjeu est de passer de la prévention secondaire à la prévention primaire.
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