Estrogènes dans le traitement du cancer de la prostate, le retour ?

23/02/2021 Par Pr Philippe Chanson
Cancérologie Endocrinologie-Métabolisme

La suppression des androgènes est une composante centrale de la prise en charge du cancer de la prostate mais elle est à l’origine d’une toxicité à long terme. L’administration d’estradiol par voie percutanée en court-circuitant le premier passage hépatique et son métabolisme devrait éviter la toxicité cardiovasculaire observée avec les estrogènes administrés par voie orale ainsi que les effets de déplétion en estrogènes observés avec les agonistes de la GnRH. Une équipe britannique rapporte les effets à long terme, sur le plan cardiovasculaire, d’un essai clinique, l’essai PATCH (Prostate Adenocarcinoma Transcutaneous Hormone). Il s’agissait d’une étude randomisée, multicentrique (52 centres du Royaume-Uni) chez des hommes ayant un cancer de la prostate localement avancé ou métastatique et qui ont reçu soit l’agoniste de GnRH, soit des patchs transdermiques d’estradiol : 4 patchs de 100 µg/24 heures, changés 2 fois par semaine, puis 3 patchs 2 fois par semaine en cas de castration à la 4ème semaine. Entre août 2007 et juillet 2019, 1694 hommes ont été randomisés, 790 pour l’agoniste de GnRH et 904 pour les patchs d’estradiol transdermique. Le suivi médian était de 3.9 ans. A 1 mois, la castration était obtenue chez 65 % des sujets et à 3 mois chez 93 % des patients qui avaient reçu l’analogue de GnRH ; les taux étaient respectivement de 83% et 93 % chez ceux qui avaient reçu l’estradiol transdermique. 157 événements cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, syndrome coronarien aigu, AVC thromboembolique ou autres événements thromboemboliques) sont survenus chez 145 hommes et 10 décès subits sans possibilité d’autopsie ont été observés, donnant un total de 167 événements chez 153 hommes. 26, soit 2 % des 1694 patients, ont eu un événement cardiovasculaire fatal, 15 (2 %) des 790 ayant reçu l’analogue de GnRH et 11 (1 %) des 904 ayant reçu l’estradiol transdermique. Le délai de survenue du premier événement cardiovasculaire n’était pas différent selon le traitement (hazard ratio = 1.11 ; IC 95 % = 0.80 – 1.53 ; p = 0.54). Trente (34 %) des 89 événements cardiovasculaires chez les patients qui ont reçu l’estradiol transdermique sont survenus plus de 3 mois après l’interruption du traitement par les estrogènes ou le changement pour l’agoniste de GnRH. Les événements secondaires les plus fréquents étaient la gynécomastie chez 38 % de ceux qui ont reçu l’analogue de GnRH mais chez 86 % de ceux qui ont reçu l’estradiol transdermique (p < 0.0001) alors que des bouffées de chaleur étaient ressenties chez 86 % de ceux qui recevaient l’analogue de GnRH mais seulement chez 35 % de ceux qui recevaient l’estradiol transdermique (p < 0.0001). En conclusion, les données à long terme comparant les patchs d’estradiol transdermique avec l’analogue de GnRH ne montrent pas de différence entre les 2 traitements en termes de mortalité cardiovasculaire ou de morbidité cardiovasculaire. En conséquence, l’administration d’estrogènes par voie transdermique est peut-être à reconsidérer pour assurer la suppression des androgènes dans la prise en charge du cancer de la prostate. En effet, l’absence de bouffées de chaleur, la prévention de l’ostéoporose et un meilleur profil métabolique constituent, à efficacité suppressive des androgènes identique, un avantage pour cette méthode par rapport à la déplétion complète en androgènes comme on l’observe sous analogue de GnRH.

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Martine Papaix Puech

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