Ainsi que le souligne d’emblée le Dr Philippe Abassade (hôpital Saint Joseph, Paris), "le retour à domicile d’un patient hospitalisé pour insuffisance cardiaque représente toujours une étape critique, en raison, notamment, des problèmes liés à la transmission des informations, du changement des équipes et des agendas bousculés".
Plusieurs systèmes ont été mis en place ces dernières années dans le but de faciliter ce retour, parmi lesquels le système Prado initié en 2012 par l’Assurance maladie avec le soutien de la Société française de cardiologie (SFC).
Dès que l’équipe hospitalière a décidé de la sortie et de l’inclusion dans Prado, une coordinatrice de l’Assurance maladie va prendre les rendez-vous importants, notamment avec le médecin généraliste qui est le pivot du suivi en ville et une infirmière libérale formée à l’insuffisance cardiaque dont le rôle est de rencontrer le patient une fois par semaine pour surveiller son traitement et faire de l’éducation thérapeutique. D’autres intervenants seront également dans la boucle, comme le cardiologue. L’ensemble du programme dure 3 mois, reconductible jusqu’à 6 mois.
Une première évaluation réalisée en Ile-de-France sur la période 2017 – 2019 a montré que seulement 8,8% des 20 264 patients potentiellement concernés ont été inclus dans Prado. Des études rétrospectives réalisées en 2013 et en 2019 ont objectivé une meilleure adhésion au traitement, moins de réhospitalisations et un léger gain en termes de mortalité.
Une étude menée dans le cadre de l’hôpital Saint-Joseph a comparé, de septembre 2016 à septembre 2018 deux groupes de patients Prado vs non Prado âgés d’environ 80 ans. "Le résultat a été que Prado s’est révélé neutre sur la mortalité ainsi que sur la réhospitalisation, mais les deux groupes n’étaient pas strictement identiques. Des études prospectives en cours devraient apporter l’an prochain de nouveaux éléments", précise le Dr Abassade.
Réhabilitation cardiaque : une offre de soins qui doit être structurée et complétée
"La réhabilitation est une étape importante de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque", rappelle la Dre Florence Beauvais (hôpital Lariboisière, Paris). "Beaucoup de conditions doivent être réunies pour assurer une réhabilitation optimale et diminuer le risque de réhospitalisation", poursuit-elle. Cela comprend, notamment, que les médicaments soient pris aux bonnes posologies, une éducation thérapeutique, que le patient adopte de bons réflexes en termes d’observance, de diététique et des signes d’alerte, la pratique une activité physique adaptée, ainsi qu’un suivi multidisciplinaire (médecin généraliste, cardiologue, pharmacien, biologiste, infirmière, masseur-kinésithérapeute, diététicien, psychologue, enseignant d’activité physique adaptée…). "Mais aujourd’hui, on constate que l’offre en acteurs est très disparate sur le territoire français", pointe la Dre Beauvais.
Plusieurs études ont démontré l’efficacité de la réadaptation cardiaque, qui demeure centrée sur le ré entrainement à l’effort. Il s’agit, notamment, de la grande étude HF-Action de 2008 (2 331 patients) qui a démontré un bénéfice en termes de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisation, de deux méta-analyses, Extra Match II (2018, 3912 patients) et une revue Cochrane de 2019 (7583 patients), qui ont confirmé un impact positif sur les hospitalisations, la capacité...
d’exercice et la qualité de vie ou encore de l’étude Rehab-HF de 2021 (randomisée avec 349 patients) qui a mis en évidence une amélioration significative d’un score de performances physiques et une tendance positive en ce qui concerne les réhospitalisations.
En dépit de ces bons résultats, un net effort reste à faire quand on sait que seulement 15% des patients insuffisants cardiaques fréquentent actuellement une structure de réadaptation.
Télésurveillance : un utile outil de surveillance à développer
"Pour l’instant, indique le Dr Rémi Sabatier (CHU de Caen Normandie), une seule étude, TIM HF2, randomisée, dont les résultats ont été publiés en 2018 dans The Lancet a montré une réduction de la mortalité du fait de la télésurveillance dans l’insuffisance cardiaque." L’étude française randomisée Nausicaa, quant à elle (patients hospitalisés au cours des 12 mois précédents, 70 ans d’âge moyen et 25 % de plus de 80 ans, NYHA essentiellement de classes II et III), a mis en évidence une meilleure adhésion au suivi et un intérêt chez des patients socialement isolés.
La télésurveillance est également efficace d’un point de vue économique, ainsi que l’a montré par exemple l’étude réalisée en Normandie en vie réelle SCAD/SNDS 2009 – 2016, qui a conclu à une économie annuelle des coûts de réhospitalisation par patient à hauteur de 4200 euros, à comparer à une augmentation de l’ordre de 1 000 euros des coûts ambulatoires.
Les bénéfices d’une traitement intensif d’emblée
Strong-HF est une étude multicentrique qui démontre, chez des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë (ICA), les bénéfices majeurs d’un suivi clinique étroit associé à l’optimisation du traitement de l’insuffisance cardiaque 3 à 6 mois après leur sortie de l’hôpital.
Cette étude a inclus 1 078 personnes hospitalisées pour ICA. Les participants ont été randomisés pour recevoir des soins habituels ou des soins de forte intensité, dès la phase hospitalière. Les patients du groupe "soins habituels" étaient suivis de la même façon qu’habituellement. En revanche, Les patients du groupe "forte intensité" ont, quant à eux, bénéficié d’une évaluation des traitements par titration pour recevoir avant la sortie de l’hôpital 50 % des doses maximales recommandées pour les 3 médicaments de l’IC - bêtabloquant, inhibiteur du système rénine angiotensine (IEC) et inhibiteur des récepteurs minéralocorticoïdes (IRMC) -, puis 100% de la dose recommandée, dès 2 semaines après la sortie. Une surveillance étroite de ces patients a été assurée au cours des 6 semaines, pour s’assurer notamment de leur bonne tolérance et de la possibilité d’augmenter les doses après leur sortie.
Une analyse intermédiaire a porté sur 1078 patients. Elle a montré qu’il y avait moins de réadmissions pour IC ou de décès toutes causes confondues dans le groupe "forte intensité" par rapport au groupe de soins standards à 180 jours (15,2% contre 23,3% de ceux du groupe soins habituels, RR 0,66 p=0,0021), ainsi qu’une amélioration notable des signes cliniques et biologiques, une amélioration significative de la qualité de vie auto-déclarée des patients. Concernant les effets secondaires, ils étaient globalement un peu plus nombreux dans le groupe de traitement intensif, mais les événements indésirables graves étaient similaires dans les 2 groupes. Face à ces résultats, le comité de surveillance des données et de la sécurité de l’étude a recommandé l’arrêt anticipé de l’essai, considérant qu’il serait contraire à l’éthique de refuser le traitement intensif aux participants actuels et futurs à l’étude. Le Pr Alexandre Mebazaa (Hôpital Lariboisière, Paris) a, par ailleurs, déclaré que "contre toute attente, on s’est aussi aperçus que le bénéfice était le même, voir supérieur, pour les malades à fraction d’éjection préservée. Un traitement intensif d’emblée permet de prévenir les réadmissions et les décès et ce, quel que soit le niveau de fraction d’éjection !".
Marie Ruelleux-Dagorne
D’après la communication du Pr Alexandre Mebazaa (Hôpital Lariboisière, Paris).
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