Journées dermatologiques de Paris : des alternatives à la corticothérapie dans les maladies bulleuses

24/01/2018 Par Corinne Tutin
Dermatologie

Des études mettent en avant l’intérêt du rituximab dans le pemphigus, du méthotrexate dans la pemphigoïde bulleuse.

  Le pemphigus est une dermatose auto-immune, qui est liée à la présence d’auto-anticorps, dirigés contre les desmogléines 1 (pemphigus superficiel)  et/ou 3 (pemphigus vulgaire), des molécules d’adhésion des kératinocytes. Les patients avec un pemphigus vulgaire peuvent présenter des érosions buccales et/ou des autres muqueuses en plus des bulles cutanées, tandis qu’il n’existe pas habituellement d’atteinte muqueuse dans le pemphigus superficiel. Le traitement de cette maladie a reposé pendant longtemps sur la corticothérapie générale, souvent associée à des immunosuppresseurs pour limiter les doses de corticoïdes. En 2007, une étude française conduite sur 21 patients avec un pemphigus sévère a cependant suggéré que l’administration de quatre injections heddomadaires de 375 mg/m2 de  rituximab, un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine de surface CD20 des lymphocytes B, représente un traitement efficace de cette affection chez les patients ne répondant pas ou ayant une contre-indication à la corticothérapie (1). « Plus de 80 % des malades étaient en rémission complète à trois mois, sous rituximab », rapporte le Pr Pascal Joly (CHU de Rouen), premier auteur de cet essai. « En raison de ces résultats positifs, il a été décidé de tester le rituximab sur l’ensemble des patients avec un pemphigus ».  Grâce à un programme hospitalier de recherche clinique (Phrc), l’étude Ritux 3 a pu être secondairement menée sur 91 patients avec un pemphigus vulgaire ou superficiel de 25 centres français. Les données recueillies confirment l’intérêt d’un traitement de première intention par le rituximab (2). A 24 mois, le taux de rémission était, en effet, nettement supérieur, 89 %, chez les 46 patients de cet essai ayant reçu du rituximab (1000 mg en injection intraveineuse à J0 et J14 et 500 mg à 12 et 18 mois),  associé à un schéma court de corticothérapie générale à demi-dose (0,5 à 1 mg/kg/j de prednisone orale durant 3 à 6 mois), que chez les 44 autres, 34 % (p < 0,0001),  traités par corticothérapie standard (initiation du traitement à la dose de 1 ou 1,5 mg/kg/j de prednisone orale puis réduction progressive sur 12 à 18 mois). De plus, chez ces patients sous rituximab qui avaient reçu une dose de corticoïdestrois3 fois moins importante, le pourcentage d’effets secondaires liés à la corticothérapie a été abaissé de moitié. « Ce progrès majeur a déclenché, sur les seuls résultats de cette étude, une procédure accélérée de demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence européenne des médicaments (Emea) et de la Food and Drug Administration (FDA) américaine », indique le Pr Pascal Joly.  

Pemphigoïde bulleuse : efficacité de la corticothérapie locale à forte doses

La pemphigoïde bulleuse est une dermatose plus fréquente, que l’on rencontre souvent chez des sujets âgés, présentant parfois une maladie neurologique associée (maladie d’Alzheimer, AVC). Elle met en jeu la fabrication d’auto-anticorps dirigés contre des protéines des hémidesmosomes, situés à l’interface entre épiderme et derme (AgPB230, AgPB180), et se caractérise par la présence de plaques érythémateuses étendues garnies de bulles. Son traitement de référence est représenté, depuis une étude menée en 2002 (3) chez 341 patients par le groupe « Bulles » de la Société française de dermatologie, par la corticothérapie locale (propionate de clobétasol) à fortes doses, qui a remplacé la corticothérapie générale auparavant utilisée. Cet essai a révélé que dans les formes modérées de pemphigoïde bulleuse, la corticothérapie locale fait aussi bien que la corticothérapie générale en termes de morbi-mortalité à 1 an. «  Et, que dans les formes étendues, elle est non seulement aussi efficace, mais détermine moins d’effets secondaires et s’accompagne d’une moindre mortalité », complète le Pr Joly.  

Méthotrexate pour un tiers des patients

« Il reste que la corticothérapie locale est difficile à appliquer au long cours  par les malades âgés », reconnaît cet expert. Une nouvelle étude randomisée, menée par le groupe « Bulles » de la Société française de dermatologie, chez 300 patients, avec le concours du Pr Olivier Dereure (CHU de Montpellier), vient de révéler qu’une alternative pourrait être constituée par l’utilisation de méthotrexate sous forme orale hebdomadaire après un mois de corticothérapie locale. « Ce traitement est aussi efficace qu’une corticothérapie locale avec décroissance progressive sur neuf mois, et il s’accompagne du même taux de mortalité. Malheureusement, en raison de ses nombreuses contre-indications (antécédent de maladie infectieuse, de cancer, insuffisance rénale…),  le méthotrexate ne peut être proposé qu’à environ un tiers des malades », explique le Pr Joly. « Le prix à payer est aussi un peu plus d’effets secondaires d’ordre infectieux sous méthotrexate ».  

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